Cimes
Netteté
Qui veut cacher la vérité la place en plein midi
Et pour avoir troublé l’amertume des nuages
Je lirai les blessures certaines
où noyer l’âpreté de toute vertu
Ce bruissement fut-il le chiffre de nos heures ?
Car lorsque vos mains fermeront l’éventail vert
Lorsque le rideau retombera
Son poids si léger s’étendra sur nos vies
Tout nous sera éternel car perdu à jamais

Adresse au mirage
Les reflets n’ont-ils que des questions aux lèvres ?
L’harmonie se disjoint
Les heures ne grincent plus
Mais en un souvenir combien compter de souffles ?
Peut-on défaire ce serment scellé par une plaie ouverte
Dissipé par les anges sous un regard d’épines ?
Et sait-on si la mort elle-même est mirage
Ou bien si le voyage commence avec son terme ?
Saisie de ce nuage une étreinte s’allonge
Tout de toi tinte encore au contour du silence
Suspens
J’ai vécu dans l’écoute claire d’un souffle
Au-delà de l’amour
Au-dessus de la pensée
La clarté m’a saisi
Sous l’ombre de l’indistinct
Je me suis relevé
Abandonné au temps
Je n’existais plus même

À jamais
Lorsque le marcheur s’en revint du sentier d’ombres, du sentier qui tend vers la plus haute cime et borde la mer sans nom, il avait le dos voûté et l’âme chargée d’embruns. Une brise, connue jadis, lui demanda s’il avait bien trouvé la plus profonde vérité, celle qu’il était parti chasser, si loin de son foyer, par-delà sa propre solitude :
« La mer est si grande là-bas, fit-il d’une voix sonore, et les gouffres plus noirs que la plus noire des nuits. Toi, tu n’es qu’un rire léger, tu portes aux voyageurs harassés l’allégement d’un frais printemps. Mais que sais-tu de la mort ? Vois ma peau calcinée, cette patrie qui de moi s’est enfuie, et les vapeurs hagardes qui me suivent, à chaque pas, pour enclore tout souvenir. J’étais l’élan même, le souffle qui faisait rougir les purs éclats… Me voici naufragé de moi-même. Il n’y a plus rien en moi qu’une braise mouillée, et celle-là même pourtant me dévore.
— Modère ton pas ! lui souffla la brise, sois donc patient. N’aie devant toi nulle intrigue, nul drame où jouer ton mauvais rôle. Tourne tes yeux vers l’abondance qui te cerne et dont tu ne mesures plus la force. Les chemins sont nombreux où porter ton fardeau. Qu’une question ou un bienfait anime tes cadences, non la hâte, non cette ardeur inextinguible, non cette soif de vivre qui occulte à tes yeux désormais le monde…
— Qu’ai-je à faire de tes pastels et de cette cupide modération ? Ce qui un jour a vraiment brûlé, jamais ne saurait s’éteindre. Crois-tu qu’un oiseau puisse cesser son chant, une vague renoncer à son désir de rivage ? Crois-tu que le jour puisse ensevelir la nuit ? Ou que l’ombre laisserait sur le sentier sa moisson d’âmes ? Ce qui prit forme de rose en aucun cas ne deviendra cendres. L’or d’un pétale demeurera figé dans le temps, et les épines à jamais entameront la chair. »

Justesse
Dans le stable et dans le mouvant
Accueillez ces heures salutaires
Songes de la nuit
Rives de la nuit
Parlez d’aurore
Au bord des choses
Cordes de la nuit
Vibrez pour celle qui détient
L’écho sensible
Matités
Sans lassitude
Si j’arpente le lieu de la tempête
C’est mu par ce poids chaviré qui s’attarde
C’est fort d’un long danger
D’une croix donnée
Sitôt reprise
Percé par des langues amères
Chaque âpreté commence un souffle
Chaque souffle est caresse du néant
Si je recueille le mystère du temps qui s’affine
C’est de deuil et de peine assiégé
C’est d’une noire vacuité
Vide surgi entre deux vides
Que seul saura recoudre le fil ténu des heures
En leur tamis
Toutes méthodes sont passées
N’ont plus de règne ici
Deviennent nuages ensevelis
Sommeils dépris du sommeil
Où seuls comptent les silences qui dansent vers ta clarté
Cependant
Une lave bouillonne où mon esprit
Si pur si libre
(Un véritable oiseau de neige)
Soudain se retourne en lui-même
Tel un dieu consumé
Une braise qui résonne
Oubli est ton domaine
Dût-il sourdre au cœur des plaines
Ou se hisser sur la cime d’un pur minuit
Nul refuge
Mais l’orage s’appesantit d’autant
Mais la peur
Unique vérité
Porte l’être en son sommet

Finesse du temps
Cristal d’un regard
Présence sans contour
Nuance d’un matin de flamme
Trinité
Gravures calcinées du temps
Élancez-vous
Dispersez-vous
Puretés accostées
Composez-vous
Givres de nuit et d’unité
Discordance
Sur le sommet où tout s’éteint
Où trouver l’au-delà d’un regard ?
Position du temps
Que l’ordre des choses s’effondre sur lui-même
Rien ne ternira l’écho des chemins qui se confondent
Rien n’entachera l’or dansant du saule
Rien ses murmures
(Torrents informes où vivent et meurent des mondes)
Comment et pourquoi devenir ?
Matin de givre se fait accueil
Matin d’éclipse cette vitre imperturbable
Souvenir d’un souvenir

Rareté du songe
Ajusté au contour des choses
Mon royaume n’est d’or
Ni de nacre
Jamais donné
Dans l’attente
Il constitue
Non tissé de paroles
Mais d’eau claire et mobile
Mais de vent mêlé au vent
Terre de vide où tout se forme
Désert du non-refuge
Larme avide et sûre
Disparaît-il dans la lumière ?
Chant plus lent que
La plus lente plainte
Le bleu s’y trouve englouti
Son règne est bûcher de silences
Éclat d’une perte qui se trouve

L’aigre songe
Vous ai-je rêvées
Clameurs
N’ai-je été que l’écho dans les mains du néant
Le reflet d’un reflet
L’étincelle d’un jour qui déjà disparaît
La nuit : souvenir de mots endormis
Son murmure roule au détour des volcans
Mais elle réserve (à qui peut les entendre)
La pâleur de ses règnes
Foudres annulées
Lumières bues aux fenêtres
Scandales d’un automne retourné comme un gant
Ai-je pourtant troublé
Le candide infini du givre encore absent
Ai-je ainsi habité
Les lueurs absolues et les terres patientes
Quand nous vous couvrions de nos manteaux de nuit
Votre vin s’aigrissait sous ses ombres cernées
Vous ai-je rêvée
Seul un cri s’est posé
Blême
Sur le matin

Pourpre
Voir un monde s’annuler
Se fondre en or complexe et nu
Lassé d’un jour harassant
Hésiter aux vastes domaines du temps
Mais ces symboles usés
Mais la voix rincée par les heures
Deviendront
Portée par l’ombre vive
Tu hisseras ton regard
Happée par les circulations du ciel
Tu saisiras l’ouvert
Tu questionneras de si haut la lave
Ses méandres avides
Rien que des points à la ligne
Le vague écho d’une cymbale
Au point de crépitement
Tu entreras
Dans le refuge où l’ami abrite tes méditations
Tout au haut de la dune
Il posera ses mains de plume sur la fragilité
Rive après rive
Tu franchiras les cercles de la nuit

Foudroyer
Décisif
Le geste
Souple tissu d’été
Gravé comme une nuit
Qui détient ne possède rien
Qui demeure se déforme
Qui tend ses mains ne saisit pas
Qui oublie le temps ne s’attache plus à ses pas
Sous les conquêtes du jour
Dévastons-nous
Dans la règle de la lente mort
Tout bascule
Morsures
Qui dira les méthodes d’une liqueur percée de nuit ?
Qui le visage absent saura l’ultime refuge ?
Sous sanglots et méandres
Sous un vestige d’astre envolé
J’impose l’ordre du simple hiver
Vous portez l’or et son parfum
Béni de feu et d’un acre destin
Dans les orages d’un temple acquis
Rien ne brûlait sinon vos nuits
Tout s’emplissait d’inaccessible
Nul vide ne cédait à son ombre
Oh voix feutrées qu’un jour entrave
Ordre absolu Tango du temps
La justesse des enfers d’or
Et la chanson du double jour
Mes chères paroles oubliées
Vous surgirez d’un autre songe
Mais sous l’ineffable couleur
De pauvreté recomposée
Par-delà toute âpre fumée
Pour vous par vous sans vous en vous
Tout danse et tout reprend sa course
Tout pantèle en un ciel de nacre
Pourtant opaque et couvert d’indistincts mouvements
La nuit même est un choix d’albâtre
Vivre est révolte d’un songe
Couronnée de peine et de boue
Silence traçant dans l’incertain
La partition d’un autre ciel
Seule amertume
Tout commence par la fin d’un conte
Blés mûris
Où s’attardent les drames
Moisson du beau et des peines
Les souvenirs muets n’auront su se trouver
Qu’ils se prolongent au creux de l’heure
Ô qu’ils s’éteignent
Tout conte est une demeure pour l’homme seul

Mur d’un adieu
Qu’as-tu trouvé sous les vitraux de soie ?
L’attente de la pierre
Les déluges du silence
Ou cette pleine année de nuit ?
Si je vacille à ta rencontre
C’est de vivre et mourir à chaque instant du songe
Seule claire incertitude
Nulle pensée n’est refuge
Gravure
Trouver en soi la nuit
Qui voile de son encre toute raison
Y puiser cette eau-mère insondable
Tenir la coupe sans frémir
Par longues lampées de mort et de soleil
Devenir cette flamme qui passe
(Poison qui dénude l’inaperçu)
La porter à ses lèvres
Boire l’obscur
Brasier d’idées célestes
Ne plus quitter ce navire funambule
Être là où se mêlent le rouge avec le bleu
La vie avec la vie

L’éclipse
Peut-on tracer le point où l’ombre n’est plus ombre ?
Peut-on savoir l’ampleur de ce qui n’a plus forme ?
Au sommet de ce mont où la neige a son règne
En cette nuit nouvelle je porterai ton âme
Les plis du fleuve s’y mêleront si étroitement
Qu’il n’en restera plus que le grain d’un regard
Peut-on aimer vraiment au-delà de soi-même ?
Tout se déploie
Étends ton règne
Repose tes cimes engourdies
Toute marche cette nuit est un détour de feu
Pose sur mon épaule ton souffle de cristal
Cadence muette cernée de risques
Vagues de quais où nait un corps
Le bois craquèle
Le vent s’attarde en son mystère
Seule une liqueur scelle nos lèvres
Étends le ciel
Les mots sont feuilles déclinées
Il n’y a plus d’effet
Principe et profonde fondation
Ta main au creux d’une couronne grande comme la nuit
Ta braise au fond d’un brasier bleu comme le jour
Ton eau mêlée d’eau pure
C’est la vie blanche et d’ombre
Tu es d’un long matin
Désir de l’éternel épi
Empare-toi de l’immense
Électrocardiogramme
À peine un drame et le soleil autour
Bruyantes et lasses
Dehors
Les pierres surgissent
Les branches étendent leur souffle
Cette vérité que tu cherches en moi
Je la livre comme chargée du monde
Tandis que l’eau s’amasse au bord des heures
Tandis que tout se fige en ces révoltes
Muet quand tout s’exprime
Debout quand tout s’éteint
Vivre à contre-temps

Trois notes
L’une de soleil
Elle déliera le souffle
L’une de blancheur
Serons-nous pureté ?
D’absence la dernière
Tout sommeil s’y dévore
Ce que l’on ne saurait nommer
Volute impeccable
Suspens décisif
Sois mon impossible et vaste Danube
Pour qu’à travers toi j’arpente la rive
Du dernier déluge où tout s’abolit
Rien n’est plus certain sinon cette nuit
Sinon ce refrain du souffle qui passe

Ce qui nous traversa
Murmure sans sommeil
Esquif amer
Balancement des feuilles lasses
— Que sont encore nos vies ?
Des barques sur un fleuve sans ordre
Un peu de cire au bord d’un songe
Ce qui n’a plus de nom
Manquer la cible
Être tout proche
Comprendre
Ne plus comprendre
Joindre les rives
Se déserter
Vos bourrasques
Sous un repli du soir
Minuit est un hiver de sable
Un soleil dispersé
S’évadent les convives et leur règne de feu
S’évasent les idées dans un demain de neige
Loin de vos déserts je me soustrais
Si loin d’un impeccable jour
Je nous disperse
Jour tenu
Mort d’un grenat que l’on retient
Sanguine nuit surgie sans flamme
Au détour des combats de sable
Pour des pas posés sur le jour
Les rayons d’ombres coagulent
Et l’amie même est endormie
Mon ineffable
Là où tu fus, j’inscris mes pas de vent, de lumière.
Là où tu fuis, je lirai les cris noirs d’horizon.
Là où tu te blottis, je considère ce qui n’a plus de nom.
Là où tu deviens, je serai sans crainte,
Après la traversée de la mort,
Plus glorieux qu’un songe mouvant,
Dévoré par le deuil de ta beauté.

Seul critère
Éveils où vous allez perdre vos altitudes, éveils de souffle et d’ocre où s’attardent les drames… je dénoue le matin si lointain qui vous lie, je brandis vers le vent l’envers de votre aurore. Un refuge se dresse aux confins du chemin, quand l’ancre s’éternise aux ombres absolues. Nul coffret n’annonça ce qui soudain advint… et pourtant votre voix germait au petit jour.
Méthode pour partir et rester
Le jour grelottera sous un rêve
Tous vos symboles
Sont arrimés
Qu’un thème absent règne en nos heures
Qu’un Nil surgisse au fond de nous
Rives appelées
Distances lasses
Trois étoiles
À la splendeur du maître
Vous tomberez sans bruit
À la plus dure roche
Vous chanterez vos nuits
Aux immenses aurores
Vous goûterez encore
L’envers des glaciers
Votre insolence
Ouvre un règne de neige
Vos dissonances
Sans autre refuge qu’un méandre sur la cime
Composent toute question.
Langue d’airain
Langue de pluie et de clarté
À quels nuages adressez-vous l’affront
Des longues traversées au bord du fleuve seul ?
À quel orage adressez-vous ce souffle
Qui n’a qu’une coquille
Celle de votre nom ?

Renaître
Tout de toi se dérobe à chaque mouvement. Fuite est ton devenir : pure esquive d’un silence composant neiges, vers l’horizon noir. Ton être est de n’être plus — parole qui pose et place au seuil du sanglot. Le foudroiement des neiges griffe un fouillis de mots, où sur la trame abolie l’on voit poindre la seule enfance. Ta fuite a décrit les quatre reflets. Ta fuite où se compose l’aurore.
Écharpe d’or
La vie peut-elle être aussi rouge que votre ciel ?
Sous vos rayures de braise un silence m’emporte
J’y lis ce filigrane étrange
J’y tiens l’unique absence du pur baiser donné
Sous vos rayures de nuit vous volez loin des rues
Que transpercent les heures et toute ombre commune
La vie peut-elle être aussi rouge que votre ciel ?
La vie sans fard
La vie bruyante et nue
La vie pur oiseau sur la toile
J’ai divulgué ce qui était
Vous dénouez ce qui viendra
Lorsque la mémoire se penche sur la mer et vacille
Le reflet de ta peau sur l’écorce du fleuve
Comprenait toute nuit de livres dispersés
Les rires transpercés Les climats assourdis
Et la blancheur-soupir d’un lys que l’on avive
D’hiver ton seul été surgi sur le pavé
Les lacs sûrs Les tournois L’étoffe un peu froissée
D’une hâleur perdue au calice des vagues
Les parfums sans refuge Les ors que l’on troublait
Et qui dans ces vigueurs laissaient voir leurs roseaux
Le noir Le noir encore Et l’insondable noir
Tout flottait sur nos vies comme un pur présent d’ombre
Un abîme oublié au détour du sentier
Ces regards que l’on traîne sur la moire étourdie
La main que l’on caresse alors qu’elle s’est enfuie.
Passage
L’orbe de juin est choix de basse épine. J’y promène l’incertitude, tandis que le fleuve, plus étroit qu’au temps de sécheresse, partage ses longs lambeaux de flamme avec le fouillis des nuages. Traversées, oh traversées d’une ombre à l’autre, liens tenus et présents, je salue votre souffle ! J’embarque en ces chorales, en ces notes déposées sur le tain du miroir. Mon royaume est de lassitude — où va le vent quand silence se retrouve.
Constituer
Par nul détour
J’atteins l’ombre de la rose
Par larmes abolies
Je vais au gré des fleuves
Batelier de la nuit-monde
De la seule nuit qui ait résidence
De celle qui sourd encore au cœur du songe

De l’absence un rehaut
Non de la vérité
Mais nocher du scandale
Nocher désormais seul
Alors je traverse ces glaces pour la voir
Ne serait-ce qu’une seconde
Pour la voir
Dans l’eau d’étoiles
Je m’oublie
J’y écorche l’errance
Et mes prénoms rompus
C’est que ta glace me cerne
mue
s’arroge un règne
un temps surgit
me griffe
disparaît encore
me laboure
et plus seul encor qu’un dormant
elle m’efface.
Mais j’avance
Le regard planté dans celui de la mort
Je ne suis que tension vers la médaille de lune
La médaille de plomb
Celle qui honore le fard du jour
Qui de sa lave signe toute loyauté
Par-dessus chaque mur transpercé
Par-dessus chaque rue traversée
Blême son souffle s’attarde
Dans la méditation des heures
Ses lances
Ses lianes
Ses vagues clartés
C’est mon hypnose cristallisée
C’est sous la coque d’un lys secret
Ce morose demain que tu as
Idole de nacre
Quels chemins poursuis-tu ?
Idole désir
Ma douce épée
Quels néants rejoins-tu ?
Aujourd’hui fut de flamme et d’ocre
Passée par mille chemins de larmes
Et dans cette pure solitude
Je connais l’astre du seul feu.
Passage II
Je dispose en moi ce vent contraire qui souffle aux quatre coins de mon être. Cette eau, cette boue, ce torrent de moi-même qui survient et s’épand, ou demain se délivre, ou se minéralise. Le temps disparaît puis soudain n’est plus que l’ombre de lui-même. Devenir une tempête, un souffle perdu sur le sable noir.
Loin de l’austère fadeur
Sur quelle cime enfin
Hisserai-je
Ce glaive de cristal ?
Aux forêts du temps d’or
Surgit votre voix nue
Aux satins de la nuit
Des volutes brodées
Composeront les pièces
D’un pur château absent
Un pur château absent
D’où s’élevait l’aurore
De vos chairs enlacées
Par les fils de ma nuit
Sous l’ordre vous ployez
Sous la langue de marbre
Vous lancez vos eaux d’ombre
J’y fais entrer les voix véritables du souffle
J’y saisis la rocaille qui ouvre la lumière
La lumière soudain parue de votre vide

Brisure
Si j’ajourne le connu, afin qu’il amasse des lambeaux de clarté, c’est une rugosité d’albâtre qui s’abat telle foudre bue sur nos regards. L’archet des heures s’attarde avec sa lamentation d’eau grise et muable. J’y nage désormais, au gré du courant, comme la feinte contingence me l’ordonne. Les offres données ne sont plus nouvelles : elles parlent d’un ailleurs dès longtemps épars sur nos peaux.
Accomplir
J’ai diminué mon regard jusqu’à atteindre le point
Où le bouleau délie sa dentelure
J’ai trouvé dans le fouillis des brumes
L’abri léger
Quelques notes encore
Ô quelques notes
Quelques refuges encore
Fugace tout gravite
Si les nuages ne résonnent plus
Par le pétale d’un souffle
Dressé le cœur
Ranime les vitres de l’ordre
Désert et rive
L’émotion contenue
Tandis que l’orage s’annule
Défait par l’incertain
Tu liras hors des livres
Soumis à l’aube
Tu vaincras par ta perte

Le plus haut nuage
Gravir
Rêver ailleurs
D’un mortel
Éphémère salut
Refroidi par un feu d’absence
Fumée d’un vide que rien ne comble
Je suis revenu près du seul fleuve vivant
De faux drames et de vraies peines mues
Torrents
Plein d’une sagesse crue
Un vieil homme sur la barque
Lis dans son regard cette question
Pourquoi être encore ce que nous ne sommes déjà plus ?
*
Poussière : ton nom
La vie
Autre chose qu’un
vent sauvage bordant
les ombres de la ville ?
Souffle du temps
Trajet de nuit
Solitude où fermentent nos peines
Effeuillée par leur perte
Ardeurs des corps perdus
L’amertume longtemps chassée
Tout germera pour s’abolir

Scandale
Flammes tues et mornes
Nos vies
Silences entrecoupés d’orages
Le sable projette ses bourrasques d’or
Ô contempler la chute des couleurs
Buée sur le tain d’un miroir
Point sous ton regard
Je n’ai plus aucune existence
Triste chanson
Prière éteinte et disparue
Toutefois braise
*
Après la cendre
Dans ton fleuve d’étoiles peintes
S’invente l’ennui du ciel
Trois nuages surprennent l’obscur
Trois soupirs à la dérive
Sur ces balcons quel ange se lèvera ?
Rameau de flamme
Le lac où triomphent des neiges absentes
Rameau de pierre
Ces gravures mues par nos dissonances
Au creux du vent trouverai-je le vent
L’astre devenu gemme
La plainte faite chant de flammes
Le chant de pauvreté
L’impatience n’a plus de passé
Elle se projette en ses demains
Ne préservant rien
Elle devient tout