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Firoozeh Radji, peintre & Persane Libre

« Par la blessure, la Lumière te pénètre. »

Rumi

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Firoozeh Radji est persane, et elle est une Persane Libre. C’est à ce titre que la commissaire d’exposition Madame Orly Cohen l’a sélectionnée, avec quatre autres créatrices, au début de l’année 2023 — parmi des centaines d’artistes iraniennes diffusant leurs œuvres sur internet en soutien à la Révolution qui s’est levée en Iran depuis le meurtre de Mahsa Amini —, pour participer à une exposition au Musée d’Art islamique A. Mayer de Jérusalem reprenant pour titre le slogan même du mouvement : « Femme ! Vie ! Liberté ! »… Cette exposition d’œuvres virtuelles présentées sur grands écrans a connu un tel succès qu’elle a été prolongée deux fois, alors qu’au départ elle ne devait durer qu’un mois. Elle a été inaugurée le 2 mars.

DEUX IMAGES DE L’EXPOSITION :

Deux tableaux de Firoozeh Radji figurant parmi les cimaises de l’exposition.

« NEDA » :

On le sait, dans l’Iran des ayatollahs, en septembre 2022, suite au décès d’une jeune Kurde, Mahsa Amini, brutalisée dans les locaux de la Police des mœurs iraniennes jusqu’à en mourir à peine hospitalisée, une bonne partie de la jeunesse d’Iran s’est soulevée pour réclamer à nouveau des droits démocratiques, revendiquer sa liberté, le simple droit à un avenir. Ce n’était pas la première fois qu’elle protestait, cette belle jeunesse d’Iran, et elle fut — et elle est encore aujourd’hui — sauvagement réprimée, écrasée ; ce qui ne la décourage pas. En vérité, les insurgé[e]s de 2022-2023 n’ont pas oublié l’icône de la Révolution de 2009, Neda Agha-Soltan, née le 23 janvier 1983, abattue d’une balle tirée par un bassidji dans les rues de Tehran, le 20 juin 2009, lors d’une manifestation de protestation contre l’annulation des résultats des élections par la junte des ayatollahs bien décidés à maintenir leur homme de main, Mahmoud Ahmadinejad, comme marionnette au pouvoir. Pour la première fois sans doute dans l’Histoire des révolutions, son assassinat et sa mort ayant été filmés à l’aide d’un téléphone portable, la vidéo ayant circulé quelques secondes après les faits dans le monde entier sur les réseaux sociaux, Neda était devenue instantanément le symbole de la Perse opprimée. La fidélité des Persanes et des Persans Libres à la mémoire de cette martyre est toujours aussi vivace, en vérité indéfectible ; elle traversera les années, et, peut-être même, les âges …

MAHSA AMINI :

La révolution de 2022, résurgence du mouvement de 2009, a donc débuté, comme on le sait, suite au décès, le 16 septembre, à Tehran, de la jeune Kurde de vingt deux ans Mahsa Amini, décédée trois jours après avoir été arrêtée par la « police de la moralité » iranienne pour « port de vêtements inappropriés ». La jeunesse Persane Libre trouvant instantanément avec Mahsa sa deuxième icône martyre, en fidélité à la première : Neda, s’est à nouveau levée, levée en masse, et cette fois dans tout le pays ; ce qui allait générer d’autres martyrs, martyrs de frères, de sœurs, hélas ! en nombre ; il est difficile d’en avoir le nombre précis, bon nombre d’insurgés ayant disparu suite à leur incarcération, mais on sait qu’il faut les compter par centaines, voire par milliers. Firoozeh Radji a depuis fait plusieurs portraits de Mahsa Amini, dont le premier de cette série qui la représente telle une vigne dont la grappe pressée offre son sang.

AUSSITÔT, FIROOZEH RADJI SE MOBILISE :

Encore sous le choc des traumatismes nés de la répression du mouvement de 2009, Firoozeh Radji avait déjà fait en 2018, dans le Nord de la France, une exposition sur le thème de l’oppression et de la libération de la femme orientale, qui s’était également concrétisée par une publication aux éditions du Petit Véhicule, à Nantes, chez le poète Luc Vidal, sous le titre Tutoyer les anges, suivi de N’Être rien ; cette publication comprend en effet un cahier complet en couleurs de ces œuvres pour la première fois exposées. Inutile de dire que dès le début des évènements de 2022, elle a repris ses pinceaux pour manifester sa totale solidarité avec les insurgés, particulièrement ses sœurs insurgées qui se levaient, et qui, pour certaines, tombaient. Convaincue qu’elle est que l’Art doit être à la portée de toutes et de tous, s’adresser à tous et à toutes et doit parler au cœur d’abord plus qu’à l’intellect, elle eut l’idée de reprendre un tableau de sa première exposition sur le thème de la femme orientale pour le remanier selon un concept simple, allégorique, et merveilleusement efficace : il s’agirait pour elle de faire le portrait des martyrs aux couleurs du drapeau de la Perse Libre : vert, ocre jaune, blanc et rouge, l’ocre étant la couleur du fier lion figurant au centre du drapeau de la Perse Ancienne, le visage de la martyre ou du martyr faisant ainsi de lui ou d’elle ce lion fier et superbe incarnant à lui seul la révolte, l’esprit d’insurrection indomptable pour la quête de la Liberté. À ce symbole, elle eut aussi aussitôt l’idée d’en ajouter un autre qui l’avait beaucoup émue lors de ses séjours fréquents dans la campagne des Flandres belges : le fameux « poppie » des cimetières britanniques de la Première Guerre Mondiale, les fameux coquelicots qui incarnent, depuis que le Canadien John McCrae en eut l’idée dans un poème, avant d’être fauché à son tour, l’âme des soldats tombés au combat qui renaît dans « les champs d’horreur » — comme dirait Brel — chaque printemps et chaque été, pour rappeler au monde combien la beauté et la fraicheur sont éphémères. C’est à partir de ce premier tableau, qui faisait lien avec l’exposition qui précédait, que la série des martyrs a commencé …

LES ÉBORGNÉES :

Parmi les victimes, les martyrs, on trouve d’abord les éborgné[e]s. Les manifestations de protestation dans l’Iran des ayatollahs n’ont rien à envier aux manifestations françaises, elles comptent aussi un grand nombre de mutilé[e]s, d’éborgné[e]s. Mais, comme pour les Anglais sous le Blitz durant la Seconde Guerre Mondiale, chaque coup porté par l’oppresseur renforce la détermination des opprimés. Les insurgé[e] Persans Libres n’ont pas fini de faire le « V » de La Victoire, comme jadis Winston Churchill.

LES ENFANTS :

Permettant de mesurer — si l’on peut dire — l’incommensurabilité de l’horreur générée par la répression qui, sur ordre express des ayatollahs, vise en premier la jeunesse dans l’espoir sordide de dissuader les manifestants, mais en vain … il y a bien sûr les meurtres d’enfants. Chacun d’eux devient instantanément une icône, dès l’annonce de sa mort, dès la diffusion souvent en direct de son meurtre via les réseaux sociaux. Le tragique destin de Neda et de Mahsa se répète, mais pour mieux convaincre les indigné[e]s, les révolté[e]s, les insurgé[e]s, que, cette fois, ils ne rentreront plus dans le rang, ils ne se décourageront pas, ils n’abandonneront jamais le combat … jamais plus, cette fois !

LES SŒURS :

— Ah ! c’est qu’elle les aime ses sœurs, Firoozeh Radji ! … autant que ses sœurs l’aiment ! … Il faut voir toutes ces femmes dans les rues, jeunes, mais plus vieilles aussi, qui retirent leur voile, et qui défilent, main dans la main, pour proclamer qu’un jour nouveau est advenu, pour proclamer que « Ça ne pouvait pas durer toujours ainsi ! … » Firoozeh Radji choisit le plus souvent de faire le portrait d’une de ses sœurs martyrs à l’instant où elle touchait au bonheur, à l’instant où elle s’épanouissait comme une fleur, à l’instant où elle débordait de confiance et d’espérance en l’avenir. Chaque visage de ces sœurs martyres n’est ainsi pas un visage de mort, mais un visage de bonheur, de rayonnement, d’épanouissement : un visage d’avenir. Elle montre ainsi ce que les ayatollahs ont pris à ces victimes, à ces martyres ; elle montre que l’irréparable, que l’irrémédiable a été commis, et que, désormais, pour les criminels, pour les responsables de ces massacres, il n’y aura plus « ni pardon, ni oubli, ni haine », comme disaient mes ami[e]s Déporté[e]s, victimes de la Seconde Guerre Mondiale.

LES FRÈRES :

Il sont émouvants aussi les frangins : peut-être plus songeurs, moins souriants, parce qu’ils sont “les hommes“, des hommes jeunes, et que, peut-être, plus que les filles, plus que les femmes, que leurs amies, que leur compagne, ils ressentent plus profondément face à la tyrannie en place leur impuissance. Firrozeh Radji semble vouloir leur rendre hommage comme une mère, comme une sœur, comme une fiancée, comme une épouse, en montrant leur fragilité, leur innocence d’enfant, tant il est vrai que quand on aime, quand on aime vraiment, on est plus ému par les faiblesses que par la force : on est ému à la mesure de ce que l’autre a besoin de vous, sans oser le dire jamais, mais en l’avouant par sa simple présence sans défiance, son apparence confiante, son visage, sa présence qui ne ment pas. La peinture de Firoozeh Radji déborde d’amour, comme en réponse à la mort ; c’est pour elle la seule réponse face à l’horreur, et à ses abominations.

LES AÎNÉ[E]S :

Pour finir par un suspens contemplatif cet hommage à la peinture de Firoozeh Radji, quel merveilleux et terrible tableau que cette Mater Dolorosa persane, entourée de ses fils, des fils de sa terre, de ces fils dont elle restera à jamais en deuil, pour les siècles des siècles, les gardant en vie dans son cœur, dans son âme et dans son esprit, pour les siècles des siècles faisant éclater par son deuil leur absence dans le présent, mais aussi leur présence, leur présence-absence, leur immanence … Les Aîné[e]s ont souffert ; les Aîné[e]s souffrent encore ; les Aîné[e]s ont souffert avant … et ce n’est pas pour tolérer que la jeunesse souffre aussi, ainsi, à son tour ; car il faut que la souffrance ait un sens ; il faut à terme, oui, il est impératif que la souffrance ait un sens ; et, c’est sans doute là que se réfugie l’Espérance, l’Espoir, des individus et de tout un Peuple.

La peinture de Firoozeh Radji est un cri :

— VIVE LA PERSE LIBRE !

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—> Pour prolonger votre lecture par le poignant recueil de Firoozeh Radji, Ma vie sans voile, où elle chante la condition tragique de la femme iranienne, et des femmes en général, leurs douleurs et leur libération, ce double recueil paru au éditions du Petit Véhicule, à Nantes, sous la direction du poète Luc Vidal, et que vous pouvez commander sur le site des éditions :




« Le Photomontage n’est pas l’Art ! »

Réalisés à la toute fin des années soixante-dix, et, remontés de la cave, pour votre plaisir, j’espère…
Ou comment l’on détourne la publicité abrutissante à des fins ludiques et oniriques, pour réinventer un territoire, recréer le royaume d’enfance, « le vert paradis […]. »




Christophe SALEMBIER, peintre aux confluences ou qui a retrouvé la source ?…

Christophe Salembier aurait-il trouvé l’espace entre peinture et non-peinture qui nous ramène aux origines de la peinture et de l’acte créateur, entre figuration et abstraction ? À la pointe de la modernité, il retrouve l’acte créateur des peintres rupestres : l’Art comme expression d’un sacré que l’on crée et qu’on interroge.

Tableaux de Christophe Salembier, peintre (© Reproduction interdite.)

DÉCLARATION

Nous, Ehpotsirhc 1er, Roi d’un royaume qui n’est nulle-part et qui peut donc s’étendre à l’univers entier, grand Alchimiste-ès-or, transsubtantiateur du Temps et de la Mort, Fils du Soleil et de la Nuit, déclarons ouvertes les Assises du Ciel, des peuples ayant présidé au commencement de l’infini, afin que le Visible enfin se soumette aux raisons de l’Invisible et de ses lois, sans réserve d’aucune sorte, et s’y plie.

Ehpotsirhc 1er, 1er juillet 1990.

PEINTRE DE L’INSOLITE ?

Non. Regardons ces tableaux : la nudité y est par trop métaphysique. Pas d’anecdote : le plus souvent des murs peints comme des cénotaphes de civilisations perdues ou inconnues, sinon des sols porteurs de traits et de dessins, partout de l’or en vol, en suspension, qui capte la lumière, mais, autour, picturalement, une matière annulée, de la lumière et du vent. Rien de plus. Rien de moins. Presque rien, en somme ; ce rien devient tout pour le moins et c’est ici, Cocteau l’eut dit, ce mensonge de l’Art, qui, parce qu’il ment, dit toute la vérité, une vérité inconnue, mais qui nous est connue pourtant.

Tout est ici mis en abyme. Tout est ici paradoxe. Tout est ici ailleurs, passé, présent, présence, absence. C’est peut-être la non-peinture dont tant de peintres ont rêvé depuis le soleil mélodieux de l’impressionnisme qui avait trop bien brillé, brûlé trop clair, trop fort, trop chaleureux pour les temps historiques glaciaires qui suivirent, ternes, opaques. C’est sans doute ici — mais où sommes-nous ? — la vraie peinture de l’éclipse et du silence, qui n’a plus peur, comme l’abstrait toujours tenté par le refuge du ready-made et de l’objet, d’utiliser encore, à nouveau, le support peinture précisément parce qu’elle l’annule.

Paradoxes. Mises en abymes. Jeu elliptique de miroirs pour le regard. Trompe-l’œil pour ouvrir l’esprit… Mise en abyme du temps d’abord dans la matière où la technique millénaire de la dorure à l’eau côtoie celle de l’acrylique, dans le sujet aussi où d’antiques éléments égyptiens, africains, aztèques, romans, chinois […] souvent combinés, se voient confrontés — et par là-même allégorisés — à des puces d’ordinateurs, à des O.V.N.I.S. Mises en abyme de mensonges dans le mensonge même déjà qu’est le tableau : ainsi celui du jeu entre la frontalité et les ombres, entre les reflets peints y compris parfois sur le cadre et ceux de l’or que la lumière éveille ; mensonge des fenêtres aussi ouvrant, dans la neutralité trop apparente de l’aplat, un tableau soudain dans le tableau. Paradoxe enfin de l’immobilité hiératique de certains objets avec le mouvement figé de certains autres, puis d’autres encorre contrastant : comme en suspension.

Présent, passé, futur, réel et irréel à réaliser ? — Où sommes-nous ? Dites ? Où donc ? En nous-même, en soi-même, en l’homme… mais au futur ?

— Vous avez bien : l’homme, en l’homme ?…

— Oui. Pour Pascal, souvenons-nous : « Un milieu entre rien et tout. »

Jean-louis Cloët, poète.

NOTE BIOGRAPHIQUE :

Christophe SALEMBIER est né en France, à Lille, en 1956. Il a une expérience et un passé qui lui confèrent de solides références. À douze ans, il obtient le premier prix au Concours national de dessins d’enfant organisé pour les Jeux Olympiques de Grenoble, et, à dix-neuf ans, il est lauréat du Concours régional du timbre postal, Nord-Pas-de-Calais.
Il a suivi ses études artistiques à Saint-Luc à TOURNAI en Belgique et aux Beaux-Arts de TOURCOING. Il obtient de nombreuses récompenses dont le premier prix annuel donné par l’éditeur et marchand d’Art américain LUBLIN, GRAPHICS, INC, GREENWICH, et participe à des manifestations régionales, nationales et internationales : Salon d’Automne à PARIS, Expositions à BRUXELLES, Art-Expo à NEW-YORK et DALLAS, etc. Il a participé aux trois expositions Lazuristes, à Marquette-lez-Lille en 1991, au Salon d’Automne au Grand-Palais à PARIS en 1992, à la Fondation Cziffra à la Chapelle Royale Saint-Frambourg de SENLIS…

Les toiles présentées ici ont été exposées une première fois à la GALERIE AURUM, 66, avenue des Alpes à MONTREUX, en SUISSE, du 6 septembre au 3 octobre 1990.

Passage 7

Hommage

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Au commencement

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L’alizé

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Dieu Ovni Bijou 3

Dieu Ovni Bijou 5