Baudelaire mis à nu Jean-Louis Cloët, 15 décembre 20079 août 2023 Réalisée [et déposée] en 1996, conçue exclusivement à partir de fragments des « journaux intimes » de Charles Baudelaire, voici une pièce de théâtre qui a été créée à « La Piscine » à l’Université du Littoral Côte d’Opale, et qui ne demande qu’à être reprise… Avis à l’amateur-comédien ou au comédien amateur. [1996. Pour connaître les conditions de production du texte, voir la Postface, à la toute fin du document.][Corrélats : Voir : J-L. C., « “Le Spectre de la rose” ou Baudelaire et son “fantôme” » publié par Cat-Inist/CNRS : http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=13441152 & la British Library : http://direct.bl.uk/bld/PlaceOrder.do?UIN=108990958&ETOC=RN&from=searchengine ] [Libre adaptation théâtrale des « Journaux intimes » de Charles Baudelaire] BAUDELAIRE mis à nu àPujol,Musicien maudit,Instrumentiste injustement oubliéqui enchanta toutes les cours d’Europe,et, passa comme un vent d’autan ou d’automne… [Pièce d’atmosphère, sans entracte …] « Dans ce monde étroit, mais si plein de dégoût, un seul objet connu me sourit : la fiole de laudanum ; une vieille et terrible amie ; comme toutes les amies, hélas ! féconde en caresses et en traîtrises. »(Charles Baudelaire, « La Chambre double », Le Spleen de Paris, V.) « Je veux dormir ! dormir plutôt que vivre ! »(Charles Baudelaire, « Le Léthé », Les Fleurs du Mal, Pièces condamnées, IV.) Hamlet : « Être ou n’être pas, voilà la question. Quel est le plus noble parti ? supporter les coups de fronde et les flèches de l’injurieuse fortune, ou prendre les armes contre un monde de douleurs, et y mettre fin en leur résistant ? — Mourir, — dormir, — rien de plus ; dire que par un sommeil nous pouvons mettre fin au mal du cœur et aux mille accidents naturels auxquels notre chair est sujette, — certes c’est un dénouement que l’on peut dévotement désirer. Mourir — dormir, — dormir, peut-être rêver : — oui, voilà le point d’interrogation ; car quels sont les rêves qui peuvent nous venir, lorsque nous avons échappé à cette tourmente de la vie mortelle ? Cela nous oblige à réfléchir. Voilà la considération qui prolonge si longtemps la vie du misérable : qui voudrait en effet supporter les coups de fouet et les mépris du monde, les injustices de l’oppresseur, les affronts de l’homme orgueilleux, les tortures de l’amour méprisé, les lenteurs de la justice, l’insolence des gens en place, et les coups de pied que le mérite patient reçoit des indignes, quand on pourrait soi-même s’octroyer le repos avec un simple petit poignard ? qui voudrait gémir et suer sous les fardeaux d’une vie fatigante, sans la crainte de quelque chose après la mort, cette contrée inconnue, dont aucun voyageur ne repasse la frontière ? Voilà ce qui embarrasse la volonté, et nous décide à supporter les maux que nous avons, plutôt que de courir à d’autres que nous ne connaissons pas. C’est ainsi que la conscience fait des lâches de nous tous ; c’est ainsi que les couleurs naturelles de notre résolution bien portante, sont pâlies par le teint blafard de la pensée maladive, et que des entreprises de grande portée et de grande importance, grâces à cette considération, changent de cours, et s’égarant, perdent le nom d’action.(William Shakespeare, Hamlet, Acte III, scène première [1], trad. Émile Montégut [2], 1865-1870.) BAUDELAIRE MIS à NU [3][ KEEPSAKE [4]]parJean-Louis Cloët [5] — « La poésie, c’est l’art d’utiliser sa merde etde la faire bouffer aux autres. [6] »Jean Genêt [7]. Cette adaptation pour la scène de ce qu’on nomme à tort les « Journaux intimes » de Charles-Pierre Baudelaire — ici, en version abrégée — a été réalisée à partir de notes originales de l’auteur tirées d’Hygiène, de Fusées, de Mon cœur mis à nu, du « Carnet », des Notes pour Les Lettres d’un Atrabilaire [8],… auxquelles s’adjoignent à la fois un fragment de l’introduction à Edgar Poe, sa vie et ses oeuvres [9] et le récit de rêve baptisé « Oneirocréitée » rapporté dans le Baudelaire intime de Félix Nadar [10] ; complètent également l’ensemble, en contrepoint si l’on peut dire : quelques morceaux choisis tirés de la Correspondance [11] écrits à Bruxelles de juin à septembre 1864, adressés d’une part à Maître Narcisse Ancelle [12] — conseiller judiciaire de tutelle imposé au poète depuis le 21 septembre 1844 — ainsi qu’à Madame Aupick, la mère chérie et haïe du poète. — > Argument du spectacle : Écoutons plutôt l’auteur — Baudelaire, j’entends — en parler :Un grand livre auquel je rêve depuis deux ans : Mon cœur mis à nu, et où j’entasserai toutes mes colères. Ah ! si jamais celui-là voit le jour, Les Confessions de J.-J. paraîtront pâles. Tu vois que je rêve encore [13].Eh bien ! oui, ce livre tant rêvé sera un livre de rancunes. À coup sûr ma mère et même mon beau-père y seront respectés. Mais tout en racontant mon éducation, la manière dont se sont façonnés mes idées et mes sentiments, je veux faire sentir sans cesse que je me sens comme étranger au monde et à ses cultes. Je tournerai contre la France entière mon réel talent d’impertinence. J’ai un besoin de vengeance, comme un homme fatigué a besoin d’un bain. [14] » Pour nous « hypocrites lecteurs », pour moi critique, s’agirait-il de fait, de proposer une ébauche de la pièce que Baudelaire a toujours rêvée, que Baudelaire n’a jamais écrite ? C’est vraisemblable. — > Sur Scène : Une soirée de Baudelaire, de Baudelaire près de sa fin, de Baudelaire en manque. On va passer, dans le discours comme dans l’attitude, ainsi, insensiblement, du manque d’argent, du manque d’ordre, et, — « procrastination » oblige ! — du manque de courage, du manque de santé, au manque d’affection, au manque de reconnaissance, au manque de logique,… au manque de laudanum.Baudelaire mis à nu, c’est, en somme, la plaidoirie que Baudelaire aurait pu prononcer soi-même au procès de ses Fleurs du Mal pour être sûr d’être bien définitivement condamné par cette société qu’il ne renvoyait plus même à l’Enfer, puisqu’il le revendiquait pour soi comme seule terre promise — hors ça, de toute éternité — damné qu’il était,… damné qu’il était avant même sa naissance [15], comme il le croyait.Personnage à pièce unique et non l’inverse, Baudelaire mis à nu, c’est une version particulière d’un huis clos ontologique. Le spectacle pose la question suivante : Et si la damnation, à terme, c’était de revivre éternellement ses contradictions, enfermé à jamais dans la trop pascalienne, donc démoniaque et non angélique solitude d’« une chambre [16] », comme un comédien observé par un œil unique sur le théâtre de ses pensées ? BAUDELAIRE MIS A NU Proposition de mise en scène, mais ce n’est qu’une proposition, comme, au reste, la totalité desindications scéniques et didascalies qui vont suivre : elles ne ponctuent le texte que pour mieuxl’éclairer et permettre d’en suivre, plutôt d’en suggérer, « la ligne [17] ». Le metteur en scène ne doit donc pas nécessairement tenir compte des didascalies, d’autant qu’elles prennent assez rapidement un tour discrètement scatologique qui s’avèrera pour certains des plus insupportables, visant à rappeler qu’il n’y a plus guère que la « merdre » et l’impuissance qui soient susceptibles de faire scandale encore dans nos sociétés, dites : « libérales ». Pourquoi donc ? À chacun de s’interroger. La question est d’importance : elle contient la question hégelienne du retour ou non de L’Histoire.Charles-Pierre Baudelaire ayant pris un lavement — il l’annonce quasiment au lever de rideau — la maturation pénible de cette déféquation, ardemment souhaitée par lui et auquel le public assistera comme au petit lever d’un roi déchu, constitue la trame du temps théâtral et donc de son inspiration. On assiste ainsi à une conception et à une réalisation. Après « le théâtre dans un fauteuil », plus adapté à notre époque, il convenait d’inventer « le théâtre pour chaise percée ». Dans l’obscurité du théâtre,le rideau se lève ; on entend en voix-off , une voix de femme déjà mûre, aguichante, ambiguë, laquelle s’adresse à un enfant :LA BONNE DAME Voici un petit garçon à qui je veux donner quelque chose, afin qu’il se souvienne de moi. Voici le trésor des enfants… Lumière brusque, sur l’écran qui couvre le fond de la scène ; on voit la photographie d’un ventre de femme enceinte porté par ses deux mains comme une offrande :J’ai un petit budget qui leur est consacré, et quand un gentil petit garçon vient me voir, je l’amène ici, afin qu’il emporte un souvenir de moi [18]. Choisissez… — Alors ?… BAUDELAIRE ENFANT …Madame, …Madame, … LA BONNE DAME, le projecteur s’attarde sur « la chatte [19] » de la « bonne dame » : Oui ?… BAUDELAIRE ENFANT Je voudrai… …un rat [20] ! On a reconnu la double allusion à la fois à Morale du Joujou, et, au poème en prose « Le Joujou du Pauvre », le poème XIX du Spleen de Paris.Le ventre disparaît, d’un coup. Baudelaire, jusque là occulté par un jeu d’ombre ou de voile, apparaît : la scène s’ouvre sur un galetas minable comme Baudelaire en a tant connu. Une table, un mauvais lit, une lampe à gaz au mur ; sur le lavabo Louis-Phillipard, près de la chaise percée, tout un matériel à mixture : un petit réchaud, des sachets de poudre, des boites d’apothicaire, des fioles, etc. ….Bien en évidence, la fiole de laudanum, sur le marbre blanc.Baudelaire a la tête comiquement et pathétiquement ceinte de linges chantournés, comme il fut ainsi affublé à l’Hôtel du Grand Miroir à Bruxelles lors de ses terribles migraines de décembre 1865 que nous révèle sa lettre à Narcisse Ancelle du 21 décembre 1865 dans laquelle il se décrit [21]. Il ressemble au Portrait d’homme de Jan Van Eyck, que l’on considère habituellement comme étant un autoportrait du peintre.Baudelaire est seul, installé très visiblement dans sa solitude, en robe de chambre surannée et en chemise ; près de son lit, la seule et mauvaise table lui sert de bureau. Il écrit dans un carnet posé devant lui avec des factures et des petits bouts de papiers étalés devant lui aussi en grand désordre ; puis, comme un homme soudain trop seul peut parfois le faire, soudain, il parle tout haut :BAUDELAIRE Dettes et Petites Dettes : Chaix : 200. Mont de Piété : 250. Porée : 117. Linge : 80. Bourdilliat : 50. Martin : 53… Blanchisseuses : 30. Commissionnaire : 5. Restaurant : 5,5. Taverne : 48 [22]… … — Quand Jésus-Christ dit : « Heureux ceux qui sont affamés, car ils seront rassasiés », Jésus Christ fait un calcul de probabilités [23] ! — … …Aglaé : 100. Flaubert : 40 [24]… Une bouteille de bourgogne et un verre conique posés à sa droite, il se sert un verre qu’il avale d’un trait, puis, reprend, comiquement, en marmonnant, une énumération cette fois incompréhensible :2 Vendredi… Samedi 3… 4 Dimanche, 5 Lundi, 6 Mardi, Il faut que le comédien donne l’impression d’une surenchère athlétique.7 Mercredi, 8 Jeudi, 9 Vendredi, 10 Samedi, 11 Dimanche… [25] Satisfait de son effet, d’un air grave et entendu, en se moquant de son état dérisoire, en agitant la main comme pour marquer l’éternel retour du même , il conclut :L’homme de lettres remue des capitaux et donne le goût de la gymnastique intellectuelle [26] !… Même jeu.…Petites Dettes urgentes : Jousset : 15. Blanchisseuse : 20. Voitures : 7. Souliers : 14 …Cravates. …Chaussettes : 81 [27]… … Au mot « chaussette », il quitte un instant le carnet, et, l’air inspiré :Être le plus grand des hommes. Se dire cela à chaque instant… Le plus grand [28] ! Puis, il reprend, litanique :Bohné — chaussettes — Bonhé : 14… Chapeau…, chapeau : 20. Restaurants : 10. Malassis : 53. Hardi : 51 escompte… — Escompte ? — …Ducreux : 143… [29] À l’annonce de cette somme, que, semble-t-il, il trouve énorme, il tape du poing sur la table, cette fois très en colère contre son sort, contre ce pensum des récapitulations infinies :…143 … —143 ? …Creux, Du Creux : 143 ?! …Ah !! Vouloir tous les jours être le plus grand des hommes [30] !!! Mais, rien n’y fait ; il poursuit :Martin. Tabac : 1.5O. — 1. 50 : Martin ?… Taverne : 3. 40 [31]. — 3.40 : taverne ? — Ah !… Ah !!… Ah !!!… Il trouve soudain la somme dérisoire par comparaison, sans nul doute et répète en ironisant :— Y a-t-il des folies mathématiques et des fous qui pensent que deux et deux fassent trois ? En d’autres termes, l’hallucination peut-elle, si ces mots ne hurlent pas, envahir les choses de pur raisonnement ? Si quand un homme prend l’habitude de la paresse, de la rêverie, de la fainéantise, au point de renvoyer sans cesse au lendemain la chose importante, un autre homme le réveillait un matin à grands coups de fouet et le fouettait sans pitié jusqu’à ce que, ne pouvant travailler par plaisir, celui-ci travaillât par peur, cet homme, — le fouetteur, — ne serait-il pas vraiment son ami, son bienfaiteur ? D’ailleurs on peut affirmer que le plaisir viendrait après, à bien plus juste titre qu’on ne dit l’amour vient après le mariage. — De même en politique, le vrai saint est celui qui fouette et tue le peuple pour le bien du peuple [32]. En haussant les épaules, comme pour conclure ce propos tenu par une évidence :Rome, immense sacristie. Ne peut pas offrir à un artiste les agitations fécondes de nos grandes capitales [33]. Il se ressert déjà un verre, qu’il avale aussi goulûment que le précédent :Prière. Sobriété. Spiritualité. Travail. Argent. Chasteté. MA MÈRE [34]. Rêveur :Ma mère… Plus rêveur encore :Ma mère est fantastique ; il faut la craindre et lui plaire [35]. La craindre… Rêveur et coupable soudain :Il faut la craindre… Lui plaire… oui… il faut la craindre et lui plaire. Il se gifle, et se prend la tête, accablé, bat sa coulpe. Il reprend ses écritures, en s’appliquant comme un enfant :Écrire à ma mère mes excuses, Comme un enfant pris en faute :mes excuses ! mon échéance… Puis, poursuivant ses écritures :Chemin de fer… Trianon… Joubert [36]. Fébrile, il se ressert un verre de vin. Dès lors, tout en buvant :Ah ! Bonne mère !! Crénom !! Crénom !… …La sobriété est mère de la gourmandise : elle en est le soutien et le conseil [37]. — À payer tout de suite : Jousset 59/75. Coelina : 40. Hachette : 7.50 [38]. — Avant tout. Être un grand homme et un saint pour soi-même [39]. — Blanchisseuse : 10. Crépet : 15. Laumonier : 10. Mont de Piété [40]… — Être un grand homme et un saint pour soi-même, voilà l’unique chose importante [41]… Être un grand homme !… Mont de Piété = 142. Chapelier [42]… Chapelier ? ¬— …Un saint ! Comme perdu :Un grand homme, …au Mont de Piété ?… Il doute :— …142 ? Obligé de se rendre à l’évidence :…142 …142,25 !!! Il explose :Ah ! Ah !!!… Les jolis grands hommes du jour !… Les jolis grands hommes du jour ! : Renan [43]… Renan ! About ! Hugo !! … Veuillot !!! — Et, et pourquoi pas Franck Carré,… Hein ?! Pourquoi pas Franck Carré, Carré… Feydeau… Feuillet ?!… Il prend le public à témoin :¬Renan !… Renan trouve ridicule que Jésus croie à la toute-puissance, même matérielle de la Prière et de la Foi [44]. Si J.C. descendait une seconde fois sur la terre, M. Franck Carré dirait : « il y a récidive [45] ». Si l’on pétait… oui, je dis bien : si l’on pétait sur le nez d’About — Quelle horreur, …non mais quelle horreur !… —, il prendrait cela pour une idée. Et Veuillot ! Veuillot est si grossier et si ennemi des arts qu’on dirait que toute la Démocratie du monde s’est réfugiée dans son sein [46]. Veuillot ! Veuillot !!… …Hugo !!! …Hugo-Sacerdoce a toujours le front penché ; — trop penché pour rien voir, excepté son nombril [47]. Cet homme est si peu élégiaque, si peu éthéré, qu’il ferait horreur même à un notaire [48]. — Hugo pense souvent à Prométhée. Il s’applique un vautour imaginaire sur une poitrine qui n’est lancinée que par les moxas de la vanité. Puis l’hallucination se compliquant, se variant, mais suivant la marche progressive décrite par les médecins, il croit que par un fiat de la Providence, Sainte-Hélène a pris la place de Jersey [49]… Les jolis grands hommes du jour. Les jolis grands hommes du jour ! Renan. Feydeau. Octave Feuillet. Scholl [50]. Les auteurs favoris du Siècle. Molière, Béranger, etc. [51]. …Les Religions modernes ridicules ! …Les Religions modernes ridicules : Molière. Béranger. Garibaldi [52]. Les directeurs de journaux : François, Buloz, Houssaye, Rouy, Girardin, Texier, De Calonne, Solar, Turgan, Dalloz. — Liste de Canailles… Solar en tête [53]. Liste de Canailles ! Trouvant enfin prétexte à arrêter ses comptes, il se met en devoir de la rédiger.Solar en tête. Avec une joie sadique :VILAINES CANAILLES : Forget, Denneval, Lortic, Hachette, Calonne, Crépet, Martinet, Turgan, Dalloz, Bodoz, Cohen,… …Solar [54] ! Il lève la tête, et garde la main en suspens, rêveur :Quel Beau tableau à faire : La Canaille Littéraire [55]. Jolis portraits de quelques imbéciles [56]. Il ricane douloureusement.Portraits de magistrats, de fonctionnaires, de directeurs de journaux, etc. …etc. [57] … — Oh ! Ôôo ! Oh !… La pédérastie est le seul lien — le seul ! — qui rattache la magistrature à l’humanité [58]. — Portrait de l’artiste en général [59]. Analyse de l’imbécillité insolente [60]. — Oh !… Oui !!!… Il se met à griffonner comme s’il avait trouvé une idée lumineuse, avec une rage sardonique, frénésie :Portraits et anecdotes [61]. Rageur. Il se lève, et il singe :Portrait de la canaille littéraire. Doctor Estaminétus Pédantissimus. Son portrait fait à la manière de Praxitèle. Sa pipe. Ses opinions. Son Hégélianisme. Sa crasse. Ses idées en art. Son fiel. Sa jalousie. Un joli tableau de la jeunesse moderne [62]. Car, enfin,… Se mettant la plume au sexe — une belle plume rouge, comme il les affectionnait —, et, l’agitant spleenétiquement :le jour où le jeune écrivain corrige sa première épreuve, il est fier comme un écolier qui vient de gagner sa première vérole [63]. Aaaahhhh !… Il agite la plume, comme secoué d’une tension onaniste, frénétique, au bord de l’orgasme :Oui !!! Beau tableau à faire : la Canaille Littéraire [64]. Il s’arrache la plume des deux mains, comme un sexe, et la contemple à bout de bras avec suspicion et haine. — Brandissant à présent la plume comme une arme :Développement du portrait [65], même ! Ivresse d’Humanité. Grand tableau à faire : dans le sens de la charité. Dans le sens du libertinage. Dans le sens littéraire, ou du comédien [66]. Comme un Fouquier-Thinville, il hurle à présent ses têtes de chapitres, comme autant de condamnations :De l’esclavage ! Des femmes du monde ! Des filles ! Des magistrats ! Des sacrements [67] ! Comme en aparté, et, cachant sa plume, d’un air suspicieux, comme si quelqu’un ou quelqu’une, soudain cherchait à la lui voler :— L’homme de lettres est l’ennemi du monde [68]. — Il reprend, brandissant à nouveau la plume, mais avec crainte dorénavant, et, régulièrement, la cachant :Des bureaucrates [69]. De la cuistrerie. Des professeurs. Des juges. Des prêtres et des ministres [70] ! De l’infamie de l’imprimerie, grand obstacle au développement du Beau [71]. Du rédacteur en chef et de la pionnerie ! Immense goût de tout le peuple français pour la pionnerie, et pour la dictature. C’est le « Si j’étais roi [72] ! » . De l’amour, de la prédilection des Français pour les métaphores militaires. Toutes ces glorieuses phraséologies s’appliquent généralement à des cuistres et à des fainéants d’estaminet [73],… des esprits nés domestiques, des esprits belges, qui ne peuvent penser qu’en société [74]. …De l’enterrement des hommes célèbres [75] ! La cohue des petits littérateurs, qu’on voit aux enterrements, distribuant des poignées de main, et se recommandant à la mémoire du faiseur de courrier [76]. Depuis quelques temps, ne sachant plus que faire de sa plume, il l’a fourrée dans une poche, d’où elle dépasse, avec une allure à la fois pitoyable mais équivoque. Il cherche à la soumettre, mais elle semble têtue :De l’Histoire de ma traduction d’Edgar Poe. De l’histoire des Fleurs du Mal, de mon humiliation par le malentendu et de mon procès. De l’histoire de mes rapports avec tous les hommes célèbres de ce temps [77]. De MON Indignation causée par la fatuité universelle, de TOUTES les classes, de TOUS les êtres, dans les DEUX sexes, dans TOUS les âges [78] ! Et du Rédacteur en chef du journal Le Siècle,… DU Siècle, s’il vous plaît !!! Il part dans un délire, en étouffant, en suffocant de colère et d’indignation frénétique et bouffonne ; en tressautant carnavalesquement, il hurle :Le Rédacteur en chef. Girardin. Girardin et la Vérité. Le latin et le grec de Girardin. Pecudesque locutae. Les auteurs favoris de Girardin. Montesquieu. Mahomet. Jésus-Christ. Jacotot [79]. Et,… Villemain. — …Villemain !! De la sottise,… de la sottise académique. Elle prend toutes les formes. Voyez Duruy. Trop de zèle, goût de la popularité. Il a les suffrages du Siècle, une vérité par jour… Duruy et Girardin ! Le pourquoi et le comment des succès de Villemain… ! Le Siècle, …ma passion pour la Sottise [80]. Soudain pris d’une humeur burlesque et inattendue, il danse, prend des objets de toilette ou de médecine, mime. Théâtral, il se baisse, et, avec un aplomb de séminariste sulpicien méditant sur le Satan et qui souffre, il pète [81] sèchement :Le Lavement. Le lavement… Le lavement, que je viens de prendre !…Visiblement, il en sent les premiers effets, atteint de coliques qu’il réprime jansénistement.La Prière,… Moi,… Le Siècle [82]… ! Il exhibe le journal scatologiquement.Il retourne à la paperasse et griffonne sombrement avec sa plume ébouriffée, brisée comme en foudre de Jupiter :Perte irréparable, gros livre à faire. Classification d’animaux. Énumération des animaux du Siècle… : je me suis aperçu que quelques-uns de ces gens croyaient ce qu’ils écrivaient [83]. — Ah ! Il pète involontairement cette fois. Il hurle et désigne le ciel de la plume, d’un autre le public :Ah !!!… Dieu rend les farceurs, les menteurs et les charlatans crédules [84]. Il hurle :Saint-Marc Girardin a dit un mot qui restera : « Soyons médiocres ». Rapprochons ce mot de celui de Robespierre : Ceux qui ne croient pas à l’immortalité de leur être se rendent justice. Le mot de Saint-Marc G. implique une immense haine contre le sublime [85]. Le ton est d’un coup retombé, et, Baudelaire siffle :Qui a vu S.-M. G. marcher dans la rue a conçu tout de suite l’idée d’une grande oie infatuée d’elle-même, mais effarée et courant sur la grande route, devant la diligence [86]. Baudelaire, s’étant levé, plume à la main, se met à présent la plume au derrière, et imite l’oie, sur la route :Blloû ! boulou-boulou-boulou !… — Pouâh !… poi-pouâ, poi-pouââa !… Pouâaâh !… — …Sottises, sottises de Girardin : « Notre habitude est de prendre le taureau par les cornes. Prenons le discours par la fin » Hi ! Hi ! Donc, Girardin croit que les cornes des taureaux sont plantés sur leur derrière. Il se tape sur les fesses, s’esclaffe :Il confond les cornes avec la queue [87]. Puis, peu à peu, il se trouve pris d’un fou rire, enfantin. Éclats de rire. Éclats de rire, douloureux, qui, soudain, partent en quintes de toux. Il s’arrête. Il étouffe. Il s’assied d’une masse sur son fauteuil. Il reprend son souffle. Il reprend un verre. — Un silence, assez long. Il joue avec la chandelle ; il chantonne, avec une voix intériorisée qui n’est que pour lui, une comptine, semble-t-il ; puis :Le peuple est un adorateur-né du feu. Feux d’artifice, incendies, incendiaires. Il rêve sur les mots :In-cen-dies… In-cen-di-aires… — Si l’on suppose un adorateur-né du feu, un Parsis-né, on peut créer une nouvelle [88]… Il fait passer son verre devant la flamme, s’émerveille de la transparence du vin qui est un sang transparent. Encore un temps de silence ; plus encore : un espace de méditation cette fois. Il lève son verre comme un calice, à deux mains, religieusement, et, d’un ton extatique, d’outre-monde :…L’homme boit la lumière avec l’atmosphère. Ainsi le peuple a raison de dire que l’air de la nuit est malsain pour le travail [89]. Il boit son verre d’un trait, puis, soudain, pris d’une angoisse :Sacré nom… Sacré nom de !… — Bonne mère !! Bonne mère… Crénom de !… Il se lève, et, avec des mains tremblantes, se précipite vers le lavabo à mixtures, le lavabo aux flacons, qu’il choque, en cherchant un qu’il ne trouve pas tout d’abord. Quand il l’a trouvé, en tremblant, en se salissant, il verse dans une cuillère à soupe, un sirop brun peu ragoûtant, tout en balbutiant, fiévreusement :…Poisson, bains froids, douches, lichen,… pastilles occasionnellement ; d’ailleurs suppression de tout excitant. Lichen d’Islande …Bonne mère ! Il lit l’étiquette :Bonne mère… Sucre blanc : 250 gr [90]. Crénom ! Crénom !!! Il prend, toujours en tremblant de plus en plus fort, cherchant la cuillère d’une bouche mal assurée, une première cuillerée. Il étouffe :Prendre par jour trois très grandes cuillerées à bouche, le matin, à midi et le soir [91]. Bonne mère ! Bonne mère !! Crénom !… Ah !… De plus en plus anxieux, il en reprend une, puis deux, puis trois :Ne pas craindre de forcer les doses si les crises étaient trop fréquentes [92]. Sacré nom ,… de !!… Il repart avec le flacon, qu’il boit à présent par rasades à même le goulot, vers la table, à laquelle il se rassied, puis pose le flacon presque vide, reprend son souffle ; puis, reprend alors ses papiers, après les avoir vaguement reclassés, et, dès lors, d’un ton immensément las :Écrire : à Desaux, Rouland, Torlot, Ma mère [93]… — Bonne mère ! — à ma mère… — ma bonne mère sacrée ! Sacré nom de !!… — Voir… Voir : Texier, Dentu, Lacaussade, Mendès, Desaux, Rouland [94]. Écrire, écrire à… ma… mère [95]. — Crénom ! — Voir : […] [96] Ah !… !… Il note dans le carnet devant lui, des noms :Faire… Faire une revue et un classement de toutes mes lettres (deux jours)… Crénom ! Et de toutes mes dettes (deux jours) …Bonne mère ! Sacré nom de nom !! …Quatre catégories, billets, grosses dettes, petites dettes, amis. Classement de gravures (deux jours)… Crénom ! Crénom ! …Classement de notes. Bonne mère !! (deux jours) [97]. Crénom de nom ! Il se prend la tête, le visage plutôt — la tête étant ceinte — dans les mains, et, soupire :Il faut travailler,… sinon par goût, au moins par désespoir,… puisque, tout bien vérifié,… travailler est moins ennuyeux que s’amuser [98]. Il faut travailler. Il faut… Baudelaire va se mettre à rédiger des lettres avec une frénésie appliquée et enfantine, se lisant tout haut tandis qu’il écrit :— …Voilà ! Il se met d’abord devant sa feuille. Réfléchissant intensément, il réprime des douleurs de ventre, puis :Ma bonne chère mère, mon excellente maman… J’ai toujours le ventre et le sommeil dérangés… Et toi [99] ? II se contient visiblement ; plus posément, il réfléchit, se relit d’un seul coup d’oeil, puis froisse le papier, recommence :À Narcisse Ancelle. …Nar-cis-san-celle. …Administrateur de biens, de mes biens… et, qui gère mes biens… suite au conseil judiciaire — judicieux ! — imposé à moi par …ma-…man. — Mon cher Ancelle… J’ai… été… …J’ai été malade : Il est visiblement atteint, de plus en plus, par les premiers effets notables du lavement qu’il vient de prendre.…diarrhée continue, palpitations du cœur, angoisses d’estomac… pendant deux mois et demi.Et comme s’il y avait un lien de cause à effet :Envoyez-moi tout de suite les 150 francs du mois d’août. Tout à vous. C.B [100]. Même jeu de lettre froissée.— Non. ¬ Il reprend une feuille :Ma chère mère… Je suis obligé d’invoquer encore ton obligeance, si toutefois c’est possible, car je suis toujours vis-à-vis de toi à l’état d’enfant honteux. Il retient un pet que, péniblement semble-t-il, il parvient à contenir.Je ferai ce que je pourrai. Je ferai… je ferai ce que je ferai…Ambiguité sur le terme.— 150 francs me suffiront — . Deux mois et demi… — Non, trois !! — trois mois de diarrhée continue, coupée de loin en loin par des constipations insupportables, cela n’est pas fait pour raffermir l’esprit [101]. Même jeu de lettre froissée. Il reprend une feuille.Aucune réponse de Paris, aucune, aucune. Il n’y a que toi au monde capable de m’envoyer de l’argent avant que je lui en demande. J’ai réfléchi… À la fois rêveur et mêchant :qu’après tout, tu me pardonnerais de te montrer tous mes ennuis, Sadique :et que, puisque tu avais l’intention de diminuer progressivement ma dette chez An-celle, peut-être trouverais-tu plus important de l’occuper de ma situation actuelle,… puisque Maître Ancelle,… après tout,… se remboursera facilement lui même quand je serai revenu auprès de toi [102]. Angélique :Il y a ici de belles choses en faïence et en porcelaine et plus d’une fois cela m’a fait penser à toi. Théâtral :Je t’embrasse non seulement comme ma mère… Emphatique :…mais comme l’être unique que j’aime. Paternel et réprobateur :Charles… Post-scriptum : tu n’affranchis pas tes lettres, suffisamment du moins [103]. Il semblerait cette fois que cette lettre va être gardée, mais non. Même jeu de lettre froissée.Crénom !! Il reprend une feuille :Ma chère mère… tu me parles de régime bien à ton aise. Je vais me mettre aux lavements froids avec laudanum. Avec une mine stupéfiée :Ce qu’il y a d’insupportable dans ces affections d’intestins et d’estomac, c’est la faiblesse physique et la tristesse d’esprit qui en résultent. Dois-je réellement croire que tous ces articles que j’ai si douloureusement écrits sur la peinture et la poésie n’aient aucune valeur vénale ?… Avec une colère à peine contenue :Quand je pense à toutes les ordures et à toutes les niaiseries qui se vendent si facilement [104]. Même jeu de lettre froissée. Il reprend une feuille :Ma bonne chère mère… j’ai eu le plus grand tort de te parler de ma santé. A-t-on jamais vu une mère de ton âge vouloir se mettre en route parce que son fils a le ventre gâté, Très « Sans famille » d’Hector Mallot :…a le ventre, le ventre gâté par un mauvais climat ! Cette fois, il garde la lettre. Satisfait, très visiblement satisfait, il prend une autre feuille :À Narcisse,… A Narcissan-celle,… Mon cher Ami. Pour tout dire, je suis singulièrement affaibli par trois mois… trois mois — par trois mois ?… …Non ! Quatre !!! — quatre mois de coliques. Je suis content de mon livre ; tout ce qui est moeurs, culte, art et politique, est fait. Pet réprimé. Il regarde une page blanche, d’un air dubitatif, menaçant.Il manque la rédaction de mes excursions en province. Je ferai cela à Honfleur. Je suis très mal vu ici. L’air sombre et redoutable :D’ailleurs, je ne suis pas gêné pour crier tout haut ce que je pensais. Colérique :Et puis on sait que je prends des notes partout. Présentez mes respets à Madaman-celle, j’allais dire Avec sadisme :avec mon étourderie impardonnable : et à votre mère. Théâtralement compatissant :Ah ! mon cher ami, j’ai quelque fois le cerveau plein de noir ; conserverai-je ma mère aussi longtemps que vous avez conservé la vôtre ? Conclusif :Envoyez un commissionnaire avec les 200 francs [105]. Très dandy :Si, par hasard,… j’étais encore ici le 25,… ce qui est bien douteux, je partirais avec Nadar qui m’a gentiment offert une place dans sa nacelle,… mon cher Ancelle,… dans sa nacelle, en selle,… An-celle !… !… À nouveau sérieux, terrible comme sur le portrait : « Baudelaire au cigare », réalisé par le photographe belge Neyt, en 1864 :Fuir,… Fuir ce sale peuple,… en ballon !… Écumant intérieurement. L’œil mauvais.…Aller tomber en Autriche ! Soudain vernien :…en Turquie peut-être !… Soudain, brummelien et extrêment las :…Toutes les folies me plaisent pourvu qu’elles me désennuient [106] — En selle !… En ballon !… Il réprime un pet.En Turquie !… Son ventre le rappelle à lui.Ancelle… Très walter scottien, soudain :— Chez les Turcs !!! Apothéose de rires et de douleurs de ventre, à répétition !!!Épuisé soudain et rendu angoissé par tant d’expression péremptoire incessamment réprimée — mais avec peine et douleur — Baudelaire, redevenu sérieux à nouveau, et, muet, passe l’avant-bras de sa manche de robe de chambre sur son front depuis un temps très en sueur :Fuir… là-bas !… …Fuir !… … …Je sens… Je sens… Il renifle à petits coups, de plus en plus profonds :Je sens… Même jeu mais plus discret ; puis, il se met à essuier une invisible et imaginaire et fantasmatiquement enfantine et coupable morve sur le même avant-bras de sa manche de robe de chambre.…que des oiseaux — Non ! LES Z’OiZeaux ! — sont ivres… d’être parmi l’écume… Même jeu :inconnue… et les cieux [107]. Il sort un mouchoir et fini de « se moucher » fort bruyamment ; satisfait, mais avec accablement, voire hébétude, il lâche :Il faut travailler. Il faut ! Il se sert une nouvelle rasade de vin ; puis quitte la table, et va s’étendre sur son lit, espérant trouver le repos. Il ferme, les yeux, quelques instants ; cherche une bonne position, se tourne et se retourne : en vain. Il ouvre les yeux, fixement, couché sur le côté, face au public, et, semble s’adresser à lui :Il faut… Il faut, tra-vail-ler. Il s’exerce alors besogneusement à ronfler, sans qu’on y croit. Puis, se tournant vers le public :Quand un homme se met au lit, presque tous ses amis ont un désir secret de le voir mourir ; les uns pour constater qu’il avait une santé inférieure à la leur ; les autres dans l’espoir désintéressé d’étudier une agonie [108]. Il cherche comiquement des positions :À propos du sommeil, aventure sinistre de tous les soirs, on peut dire que les hommes s’endorment journellement avec une audace qui serait inintelligible, si nous ne savions qu’elle est le résultat de l’ignorance du danger [109]. Il ferme à la fin les yeux et semble s’assoupir en marmonnant encore :— Bonne mère ! Ah ! Bonne mère ! Ah ! …Il faut …Il faut travailler …Bonne mère… Bonne mère,… — Crénom ! Crénom ! — ma mère, il faut la craindre et lui plaire… Ma mère …Ma mère est fan-tas… Puis, pris comme un spasme de mort : tique [110]. Son bras retombe à terre : — Toc !Convulsé comme sous l’action d’une pile galvanique ou comme un homme en proie au vampire d’une chimère, il ne bouge plus. Passe l’ange — de la Mort ? —. Silence. Il ronfle spleenétiquement. Puis, épisode du rêve : « Oneirocritée » rapporté par Nadar dans son Baudelaire intime. Intermède visionnaire en voix-off. Il s’agit de la voix de Baudelaire certes, mais diabolique et insidieuse. Il s’agit de son « autre » voix :VOIX — Symptômes de ruines… Bâtiments immenses, pélagiens, l’un sur l’autre… Des appartements, des chambres, des temples, des galeries, des escaliers, des caecum… Comme rétrospectivement, Baudelaire se tient le ventre encore dans son sommeil. Effet d’écho sur le mot : « Caecum ».…des belvédères, des lanternes, des fontaines, des statues !… Fissures, lézardes… Fissures, lézardes [111]… BAUDELAIRE, Dans son sommeil, Baudelaire murmure :Maman !… Ma-man… …Ma mère …est …fan-tas-…tique… VOIX, la voix poursuit, inexorable :Humidité provenant d’un réservoir… d’un réservoir situé près du ciel. D’un ré-ser-voir… Effet d’écho sur le mot ; on entend, effectivement, un réservoir qui se remplit, sans pouvoirdéterminer ce dont il s’agit.Rire sardonique en écho.BAUDELAIRE, Baudelaire dans son sommeil :Comment avertir les gens, les nations ? VOIX, la voix, soudain plus aigue, plus ironique que jamais :Avertissons à l’oreille [112] les plus intelligents. Dantesque, la voix se déforme vers l’aigu, voire le suraigu :Tout en haut une colonne craque et ses deux extrémités se déplacent… Rien n’a encore croulé… Je ne peux retrouver l’issue… Je descends puis je remonte. Une tour. Labyrinthe. Je n’ai jamais pu sortir. …J’habite pour toujours un bâtiment qui va crouler, un bâtiment travaillé par une maladie secrète. …Je calcule en moi-même, pour m’amuser, si une si prodigieuse masse de pierres, de marbres, de statues, de murs qui vont se choquer réciproquement, seront très souillés par cette multitude de cervelles, de chairs humaines et d’ossements concassés [113]. La voix reprend et détaille suavement :…Cervelles …Chairs humaines …Ossements concassés… La voix — qui est devenue, insensiblement une voix de femme — part d’un éclat de rire méphistophélique.BAUDELAIRE Non ! Maman !!… MAMAN !!! …NON !!!! Puis, cataracte et bruit soudain prophétique d’une invention ultérieure : une chasse d’eau, déferlante. Cris de douleur de Baudelaire, épouvanté. Le tout très « Grand-Guignol » :Ah !… …Âh !!… …ÂH !!!… En option, comme apothéose, en voix-off — si l’on peut dire — : on entend — bruit cataclysmal — le Diable péter le souffre.Baudelaire, se redressant sur son séant, à présent réveillé, l’air atterré, crie :Je vois de si terribles choses en rêves que je voudrais quelquefois ne plus dormir, si j’étais sûr de n’avoir pas trop de fatigue [114]. Il se lève, mais retombe assis sur le lit, pris de vertige.…Au moral comme au physique, j’ai toujours eu la sensation du gouffre, non seulement du gouffre du sommeil, mais du gouffre de l’action, du rêve, du souvenir, du désir, du regret, du remords, du beau, du nombre, etc. J’ai cultivé mon hystérie… j’ai cultivé mon hystérie avec jouissance et terreur. Maintenant j’ai toujours le vertige, et aujourd’hui,… aujourd’hui, [31 août 1867] j’ai subi… j’ai subi un singulier avertissement : j’ai senti passer sur moi le vent… le vent de l’aile de l’imbécillité [115]. Comme je traversais le boulevard, et comme je mettais un peu de précipitation à éviter les voitures, mon auréole s’est détachée et est tombée dans la boue du macadam. J’eus heureusement le temps de la ramasser ; mais cette idée malheureuse se glissa un instant dans mon esprit, que c’était un mauvais présage ; et dès lors l’idée n’a plus voulu me lâcher ; elle ne m’a laissé aucun repos de toute la journée [116]. Il se jette au pied du lit, se tord les mains, dérisoire :Connais donc les jouissance d’une vie âpre ; et prie, prie sans cesse. La prière est réservoir de force [117]. Un réservoir… La prière est LE RÉ-ser-voir… Il part d’un rire hystérique, un peu singe hurleur ; puis, reprend, comme un fou, avec une voix en demi teinte, sur le ton de la confidence, ce propos incompréhensible :…de l’autel de la volonté. Dynamique morale. La sorcellerie des sacrements. Hygiène de l’âme [118]. Il prend le chapelet qui pend, accroché à un des montants du lit ; il le prend comme un qui se noie saisit un cordage. D’un ton lamentable :Le chapelet est un médium, un véhicule ; c’est la prière à la portée de tous [119]. Baudelaire pleure, sans sanglots, à grosses larmes lentes, comme un enfant trop fatigué. Il se balance de droite à gauche comme les enfants et les fous, dans ce bercement caractéristique, et, sans cesse, réinventé :L’homme qui fait sa prière le soir est un capitaine qui pose des sentinelles. Il peut dormir [120]. Plus bas, plus apaisé :L’homme qui fait sa prière le soir est un capitaine qui pose des sentinelles. Il peut dormir. Encore plus bas, mais plus désespéré :L’homme qui fait sa prière le soir est un capitaine qui pose des sentinelles. Il peut dormir… Comme calmé un peu par le bercement inventé, réinventé, « iréinventé » quand même, il se met en position foetale et d’adoration sur le tapis. — Hélas, le ventre lui tire :Sacré nom de !… Au bout d’un temps, on entend sa voix sourdre, de plus en plus forte :Ne me châtiez pas dans ma mère et ne châtiez pas ma mère à cause de moi. — Je vous recommande les âmes de mon père et de Mariette. — Donnez-moi la force de faire immédiatement mon devoir tous les jours et de devenir ainsi un héros et un Saint [121]. Il reste un temps prostré ; puis, se relève, mais comme un revenant. Lentement, alors, et avec un air éperdu :Parce que je comprends une existence glorieuse, je me crois capable de la réaliser. Ô Jean-Jacques [122] ! Mais Jean-Jacques disait qu’il n’entrait dans un café qu’avec une certaine émotion [123], lui. On voit sans l’entendre qu’il pète. On sent qu’il se soulage.— Ah ! De la magie appliquée à l’évocation des grands morts, au rétablissement et au perfectionnement de la santé [124]. Le travail, n’est-ce pas le sel qui conserve les âmes momies [125] ? Avoir,… avoir de la matière,… avoir de la matière, c’est avoir de l’argent [126]. Début d’un roman, commencer un sujet,… commencer un sujet n’importe où et, pour avoir envie de le finir, débuter par de belles phrases [127]… Créer un poncif, c’est le génie. Je dois créer un poncif [128]. Puissance, puissance de l’idée fixe. — La franchise absolue, moyen d’originalité. — Raconter pompeusement des choses comiques [129]. Le premier venu pourvu qu’il sache amuser, a le droit de parler de lui-même [130]. Ne pas oublier dans le drame le côté merveilleux, la sorcellerie et le romanesque [131]. Les milieux, les atmosphères, dont tout un récit doit être trempé. Voir Usher et en référer aux sensations profondes du hachisch et de l’opium [132]… Il va fouiller dans ses notes, qu’il répand feuille à feuille, frénétiquement, comme un chat qui fouillant dans son bac à excréments en répand le sable sur le parquet.…Ne pas oublier un grand chapitre sur l’art de la divination, par l’eau, les cartes, l’inspection de la main, etc. [133]… La force de l’amulette démontrée par la philosophie. Les sols percés, les talismans, les souvenirs de chacun [134]… … …— Un chapitre sur La Toilette ! Moralité de la Toilette ! Les bonheurs de la Toilette [135]… — Concevoir un canevas pour une bouffonnerie lyrique ou féerique, pour une pantomime, et traduire cela en un roman sérieux. Noyer le tout dans une atmosphère anormale et songeuse, — dans l’atmosphère des grands jours. — Que ce soit quelque chose de berçant, — et même de serein dans la passion. — Régions de la Poésie pure [136]. Il se met à écrire, rêveusement, faussement inspiré :…Tantôt il lui demandait la permission de lui baiser la jambe [137]— sa jambe de statue [138] ! —, et il profitait de la circonstance pour baiser cette belle jambe dans telle position qu’elle dessinât nettement son contour sur le soleil couchant [139]. Ému au contact de ces voluptés qui ressemblaient à des souvenirs, attendri par la pensée d’un passé mal rempli, de tant de fautes, de tant de querelles, de tant de choses à se cacher réciproquement, il se mit à pleurer ; et ses larmes chaudes coulèrent dans les ténèbres sur l’épaule nue de sa chère et toujours attirante maîtresse [140],… Il mime : il pleure.— Douleur majestueuse [141]— elle tressaillit ; elle se sentit, elle aussi, attendrie et remuée… Il redouble de larmes.Les ténèbres rassuraient sa vanité et son dandysme de femme froide. Ces deux êtres déchus, mais souffrant encore de leur reste de noblesse, s’enlacèrent spontanément,… Il fait le geste sur lui, s’empêtre dans sa robe de chambre, ne peut plus ressortir les bras, comme en camisole de force.…confondant dans la pluie de leurs larmes et de leurs baisers les tristesses de leur passé avec les espérances bien incertaines d’avenir. Il est présumable que jamais pour eux la volupté ne fut si douce que dans cette nuit de mélancolie et de charité ; — volupté saturée de douleur et de remords. À travers la noirceur, la noirceur de la nuit… Il pète encore, muettement, timidement.il avait regardé derrière lui dans les années profondes, puis il s’était jeté dans les bras de sa coupable amie pour y retrouver le pardon qu’il lui accordait [142]… [Il faut que le public rie presque de par le ton que le comédien aura mis.]Il n’y a de long ouvrage que celui qu’on n’ose pas commencer. Il devient cauchemar [143]. Pour trouver des sujets, sois toujours poète, même en prose. Grand style (rien de plus beau que le lieu commun). Commence d’abord, et puis sers-toi de la logique et de l’analyse. N’importe quelle hypothèse veut sa conclusion. Trouver la frénésie journalière [144]. Que de pressentiments et de signes envoyés déjà par Dieu,… Il se tient le ventre de douleur :…qu’il est grandement temps d’agir, de considérer la minute présente comme la plus importante des minutes, et de faire ma perpétuelle volupté de mon tourment ordinaire, c’est-à-dire du Travail [145] ! En renvoyant ce qu’on a à faire, on court le danger de ne jamais pouvoir le faire. En ne se convertissant pas tout de suite, on risque d’être damné [146]. — Prière immédiate avant la toilette et Travail immédiat avant la Toilette [147]. [Proposition : deux figures viennent s’afficher sur le mur de sa caverne, deux silhouettes : celle du Diable et celle plus imposante encore de la Croix. Changeant de ton, brutalement, Baudelaire s’écrie, comme dans un coup de théâtre, très mélodramatique, figé dans une pose convenue : la paume d’une main sur le front, l’autre tendue :]Trop tard peut-être !… — Ma mère et Jeanne !… — Ma santé par charité, par devoir ! — Maladies de Jeanne. Infirmités, solitude de ma mère… Mais il se calme à nouveau :— Faire son devoir tous les jours et se fier à Dieu, pour le lendemain. — La seule manière de gagner de l’argent est de travailler d’une manière désintéressée. — Une sagesse abrégée. Toilette, prière, travail. — Prière : charité, sagesse et force. — Sans la charité, je ne suis qu’une cymbale retentissante. — Mes humiliations ont été des grâces de Dieu. — Ma phase d’égoïsme est-elle finie [148] ? …De la vaporisation, de la va-po-ri-sa-ti-on… On comprend comment la vaporisation pourrait concrètement se manifester sur scène :…et de la centralisation du Moi. Tout est là [149]. De la magie appliquée à la l’évocation des grands morts, au rétablissement et au perfectionnement de la santé [150]. [Les deux ombres disparaissent.]Il se met à genoux, bat sa coulpe, et se prosterne, et s’humilie. Il va traverser toute la pièce à genoux, puis à quatre pattes, selon une géographie complexe qui va le mener en final, alors — toujours à genoux — bras tendus : implorant la bouteille et le verre de vin.Je me jure à moi-même de prendre désormais les règles suivantes pour règles éternelles de ma vie : Faire tous les matins ma prière à Dieu, réservoir, réservoir de toute force et de toute justice, à mon père, à Mariette et à Poe, comme intercesseurs ; les prier de me communiquer la force nécessaire pour accomplir tous mes devoirs, et d’octroyer à ma mère une vie assez longue pour jouir de ma transformation… Il est à présent à quatre pattes comme un personnage de Kafka.…Travailler toute la journée, ou du moins tant que mes forces me le permettront ; me fier à Dieu, c’est-à-dire à la Justice même, pour la réussite de mes projets ; faire tous les soirs une nouvelle prière, pour demander à Dieu la vie et la force pour ma mère et pour moi ; faire de tout ce que je gagnerai quatre parts, — une pour la vie courante, une pour mes créanciers, une pour mes amis, et une pour ma mère ; — obéir aux principes de la plus stricte sobriété, dont le premier est la suppression de tous les excitants, quels qu’ils soient [151]… Il se lève. Il casse la bouteille et le verre de vin, d’un geste et se réinstalle à sa table pour à nouveau y griffonner, fébrile :Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l’individu. L’ivresse est un nombre [152]… Il se remet à quatre pattes.…Il me faut une combinaison qui me donne 6000 fr. [153]… 6000 fr. !… Faire en un an 2 volumes de nouvelles et Mon cœur mis à nu [154]. Je veux 6000 fr. … Il fait des comptes sur le sol :…soit 3000 Fleurs et 3000 poèmes à 6 fr.,… dont I fr. pour moi. Soit toute autre combinaison (plusieurs tirages par exemple) qui me donne mes 6000 fr. [155]…Jeanne : 300, ma mère : 200, moi : 300/800 fr. …par mois. Travailler de 6 heures du matin à midi, à jeun. Travailler en aveugle, sans but, comme un fou. Nous verrons le résultat. Il est toujours à quatre pattes.Je suppose que j’attache ma destinée à un travail non interrompu de plusieurs heures. Tout est réparable. Tout ! Il est encore temps. Qui sait même si des plaisirs nouveaux ?… Gloire, paiement de mes Dettes. Richesse de Jeanne et de ma mère [156]. Arrivé à nouveau à la table, il se hausse et d’un geste, il fait tabula rasa, d’un seul geste, de tous les papiers, s’insurge et se met à hurler :Crénom ! A chaque lettre de créancier, écrivez cinquante lignes sur un sujet extra-terrestre et vous serez sauvé [157]. — Sau-vé !! Il part d’un éclat de rire hystérique.Sensible à l’atmosphère soudain devenue très chargée, il se lève, se met à arpenter la chambre, comme une bête encagée, dans un état d’exaspération intense, et, se tenant la tête :…Presque toute notre vie est employée à des curiosités niaises. En revanche, il y a des choses qui devraient exciter la curiosité des hommes au plus haut degré, et qui, à en juger par leur train de vie ordinaire, ne leur en inspirent aucune. Où sont nos amis morts ?… Pourquoi sommes-nous ici ?… Venons-nous de quelque part ?… Qu’est-ce que la liberté ? Peut-elle s’accorder avec la loi providentielle ? Le nombre des âmes est-il fini ou infini ?… Et le nombre des terres habitables ? Etc., etc. [158] !… …La croyance au progrès est une doctrine de paresseux, une doctrine de Belges. C’est l’individu qui compte sur ses voisins pour faire sa besogne. Il ne peut y avoir de progrès — vrai, c’est-à-dire moral — que dans l’individu et par l’individu lui-même. Mais le monde est fait de gens qui ne peuvent penser qu’en commun, en bandes. Ainsi les Sociétés belges. Il y a aussi des gens qui ne peuvent s’amuser qu’en troupe. Le vrai héros s’amuse tout seul [159] !… Pour que la loi du progrès existât, il faudrait que chacun voulût la créer ; c’est-à-dire quand tous les individus s’appliqueront à progresser, alors, et seulement alors, l’humanité sera en progrès [160]. — Se livrer à Satan,… se livrer à Satan,… se livrer à Satan, qu’est-ce [161] ? — Il est impossible de parcourir une gazette quelconque, de n’importe quel jour ou quel mois ou quelle année, sans y trouver à chaque ligne les signes de la perversité humaine la plus épouvantable, en même temps que les vanteries les plus surprenantes de probité, de bonté, de charité, et les affirmations les plus effrontées relatives au progrès de la civilisation… Tout journal, de la première ligne à la dernière, n’est qu’un tissu d’horreurs. Guerres, crimes, vols, impudicités, tortures, crimes des princes, crimes des nations, crimes des particuliers, une ivresse d’atrocité universelle. Et c’est de ce dégoûtant apéritif que l’homme civilisé accompagne son repas de chaque matin. Tout, en ce monde, sue le crime : le journal, la muraille et le visage de l’homme ! Je ne comprends pas qu’une main pure puisse toucher un journal sans une convulsion de dégoût [162]. Se livrer,… se livrer à Satan ? — C’est cela ! C’est cela !!… Quoi de plus absurde que le Progrès, puisque l’homme, comme il est prouvé par le fait journalier, est toujours semblable et égal à l’homme, c’est-à-dire toujours à l’état sauvage. Qu’est-ce que les périls de la forêt et de la prairie auprès des chocs et des conflits quotidiens de la civilisation ? Que l’homme enlace sa dupe sur le Boulevard ou perce sa proie dans des forêts inconnues, n’est-il pas l’homme éternel, c’est-à-dire l’animal de proie le plus parfait ? [163]… Depuis quelques temps, l’intensité de la lampe à gaz varie, trahissant un mauvais fonctionnement de l’installation :Théorie de la vraie civilisation. Elle n’est pas dans le gaz, ni dans la vapeur, ni dans les tables tournantes, elle est dans la diminution des traces du péché originel. Peuples nomades, pasteurs, chasseurs, agricoles, et même anthropophages, tous peuvent être supérieurs, par l’énergie, par la dignité personnelle, à nos races d’Occident. Celles-ci peut-être seront détruites. Théocratie. Théocratie et communisme [164]. — Avis aux non-communistes : Tout est commun, même Dieu [165] ! Suprématie de l’idée pure, chez le chrétien comme chez le communiste babouviste. Fanatisme de l’humilité… Ne pas même aspirer à comprendre la Religion [166]. Peuples civilisés, qui parlez toujours sottement de sauvages et de barbares, bientôt comme dit d’Aurevilly, vous ne vaudrez même plus assez pour être idolâtres [167] ! Si la religion disparaissait du monde, c’est dans le cœur d’un athée qu’on la retrouverait [168]… Dans une grande exaltation, il débite son discours comme autant de preuves infaillibles.— Oui ! quand bien même Dieu n’existerait pas, la Religion serait encore Sainte et Divine. Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister. Ce qui est créé,… ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière [169]. Toute idée est, par elle-même, douée d’une vie immortelle, comme une personne. Toute forme créée, même par l’homme, est immortelle. Sa douleur de ventre se fait soudainement intense, il se tient le ventre ; il se crispe. Puis, il reprend dans un éclair :Car la forme est indépendante de la matière, et ce ne sont pas les molécules qui constituent la forme [170]. Du reste, Il y a dans l’engendrement de toute pensée sublime une secousse nerveuse qui se fait sentir dans le cervelet [171]. Il n’y a d’intéressant sur la terre que les religions. — Qu’est-ce que la Religion universelle ? Il y a une Religion Universelle, faite pour les Alchimistes de la Pensée, une Religion qui se dégage de l’homme, considéré comme mémento divin [172]. De Maistre et Edgar Poe m’ont appris à raisonner [173]. Analyse de contre-religions, exemple : la prostitution sacrée. — Qu’est-ce que la prostitution sacrée ? …Excitation nerveuse. …Mysticité du paganisme. Le mysticisme, trait d’union entre le paganisme et le christianisme. Le paganisme et le christianisme se prouvent réciproquement. La révolution et le culte de la Raison prouvent l’idée du sacrifice. La superstition est le réservoir, oui, — sacré nom de !… — le réservoir, LE Réservoir de toutes les vérités [174] ! En vérité, en vérité, je vous le dis : toute révolution a pour corollaire le massacre des innocents [175], le massacre, le massacre, oui, en effet !… Belle conspiration, belle conspiration à organiser pour l’extermination… pour l’exter-mi-na-tion… de… la Race… Juive. Les Juifs,… les Juifs… Rire entendu et insistant, intolérable :…Bibliothécaires et témoins de la Rédemption [176] ! Crénom !! — La Théologie… La Théologie… — Qu’est-ce que la chute ? Si c’est l’unité devenue dualité, c’est Dieu qui a chuté ! En d’autres termes, la création ne serait-elle pas la chute de Dieu [177] ? D’ailleurs, si ce n’est l’orgueil, l’humilité chrétienne défend la croix. — Calcul en faveur de Dieu. Rien n’existe sans but. Donc mon existence a un but. — Quel but ? Je l’ignore. Ce n’est donc pas moi qui l’ai marqué. C’est donc quelqu’un, plus savant que moi. Il faut donc prier ce quelqu’un de m’éclairer. C’est le parti le plus sage [178]. Il y a,… il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre. C’est à cette dernière que doivent être rapportés les amours pour les femmes et les conversations intimes avec les animaux, chiens, chats, etc. Les joies qui dérivent de ces deux amours sont adaptées à la nature de ces deux amours [179]. Et, d’ailleurs, et, du reste : — Qu’est-ce,… Qu’est-ce,… Qu’est-ce ?… Qu’est-ce, que l’A… ? Qu’est-ce que l’amour,… …au reste !? — Le besoin de sortir de soi ! L’homme est un animal adorateur. Adorer, c’est se sacrifier et se prostituer. Aussi tout amour est-il prostitution ! Mais,… mais l’être le plus prostitué, c’est l’être par excellence,… c’est Dieu,… puisqu’il est l’ami suprême pour chaque individu, puisqu’il est le réservoir commun, le réservoir,… oui,… LE… RÉ-ser-voir !, i-né-pui-sable… de l’amour [180] !… Il hurle :— Avis aux non-communistes : Tout est commun, même Dieu [181] ! Dès mon enfance,… dès mon enfance… : tendance à la mysticité. Mes conversations avec Dieu [182] …Ma mère — Ma bonne mère, oui ! — ma mère est fantastique !… Sacré nom… Sacré nom de !… — Enfant, …tout enfant, j’ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires, l’horreur de la vie et l’extase de la vie. L’horreur et l’extase — Crénom !…— C’est bien le fait d’un paresseux nerveux [183]. Ma Mè-re… Il se perd dans la rêverie, comme y découvrant le doute. Un temps de silence, comme de méditation. Puis :Ma mère… Ma-man ![Son mal de ventre, à nouveau]Ah ! …J’ai toujours été étonné qu’on laissât les femmes entrer dans les églises. Bonne mère ! Quelle conversation peuvent-elles tenir avec Dieu [184] ? Dieu et sa profondeur… On voit qu’il pète, muettement.On ne peut manquer d’esprit et chercher dans Dieu le complice et l’ami qui manquent toujours ! Dieu est l’éternel confident dans cette tragédie dont chacun est le héros ! Il y a peut-être des usuriers et des assassins qui disent à Dieu : « Seigneur, faites que ma prochaine opération réussisse ! » Mais la prière, la prière de ces vilaines gens ne gâte pas l’honneur et le plaisir de la mienne [185]. Peut-être même, la vertu nuit-elle aux talents des parias [186]. Rien, rien ne me fait mieux comprendre — Ah ! Bonne mère ! — l’inanité, l’i-na-ni-té de la vertu que la Madelène [187], que la Made-lène !… — Bonne mère,… oui ! —. Goût invincible,… goût in-vin-cible de la pros-ti-tu-ti-on dans le cœur de l’homme, d’où naît son horreur de la solitude ! — Il veut être deux. L’homme de génie veut être un, donc solitaire. La gloire, c’est rester un, et se prostituer d’une manière particulière. C’est cette horreur de la solitude, cette horreur, le besoin d’oublier son moi dans la chair extérieure, que l’homme appelle noblement besoin d’aimer [188]. L’amour, c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la Prostitution [189]. — Qu’est-ce que l’art ?… Prostitution [190]… L’homme d’esprit, celui qui ne s’accordera jamais avec personne, doit s’appliquer à aimer la conversation des imbéciles et la lecture des mauvais livres. Il en tirera des jouissances amères qui compenseront largement sa fatigue [191]. — Plus l’homme cultive les arts, moins il bande. Il se fait un divorce de plus en plus sensible entre l’esprit et la brute. La brute seule bande bien, et la fouterie est le lyrisme du peuple [192]. Le vrai héros s’amuse tout seul [193]. Le goût de la concentration productive doit remplacer, chez un homme mûr, le goût de la déperdition [194]. L’enthousiasme qui s’applique à autre chose que des abstractions est un signe de faiblesse et de maladie [195]. La gloire, c’est rester un, et se prostituer d’une manière particulière [196]. Être un grand homme et un saint pour soi-même, voilà l’unique chose importante [197]. — Éternelle,… é-ter-nelle su-pé-ri-o-ri-té ! supériorité du Dandy !! Il réajuste, théâtralement, une robe de chambre en lambeaux, qui, depuis déjà longtemps, ne peut plus revendiquer même ce mot cher : l’adjectif-valeur pour lui : « surannée ».— Qu’est-ce que le Dandy [198] ? Un fonctionnaire quelconque, un ministre, un directeur de théâtre ou de journal, peuvent être quelquefois des êtres estimables, mais ils ne sont jamais divins. Ce sont des personnes sans personnalité, des êtres sans originalité, nés pour la fonction, c’est-à-dire pour la domesticité publique [199]. Il n’y a de grand parmi les hommes que le poète, le prêtre et le soldat, l’homme qui chante, l’homme qui bénit, l’homme qui sacrifie et se sacrifie. Le reste est fait pour le fouet [200]. Le Dandy doit aspirer à être sublime sans interruption ; il doit vivre et dormir devant un miroir [201]. Il contemple dans un miroir minuscule, avec contentement semble-t-il, le spectacle désolant de sa décrépitude :La femme est le contraire du Dandy. Donc elle doit faire horreur. La femme a faim et elle veut manger. Soif, et elle veut boire. Elle est en rut et elle veut être foutue. Le beau mérite !… La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable. Aussi est-elle toujours vulgaire, c’est-à-dire le contraire du Dandy [202]. La femme ne sait pas séparer l’âme du corps. Elle est simpliste, comme les animaux. — Un satirique dirait que c’est parce qu’elle n’a que le corps [203]. — La femme, la femme est naturelle [204] ! Na-tu-relle !… Abominable !! Cri-mi-nelle !! …Criminelle même ! Criminelle, …oui !!! — Il n’y a que deux endroits — deux ! — où l’on paye pour avoir le droit de dépenser, les latrines publiques et les femmes [205].Le mal de ventre, encore, confusément :— Ah !… Bonne mère ! Ah !… Ma mère… Ma… …Bonne mère ! Bonne… Oui ! (Pardon !… Pardon !!…) Ce qu’il y a d’ennuyeux dans l’amour, c’est que c’est un crime où l’on ne peut pas se passer d’un complice [206]. Pourquoi l’homme d’esprit aime les filles plus que les femmes du monde, malgré qu’elles soient également bêtes ? — À trouver [207]. L’éternelle Vénus, — Caprice ou hystérie ? — Caprice et hystérie, est une forme, une des formes séduisantes du… … — Alors, …alors quoi ? la jeune fille ?… La jeune fille, ce qu’elle est en réalité. Une petite sotte et une petite salope ; la plus grande imbécillité unie à la plus grande dépravation. Il y a dans la jeune fille toute l’abjection du voyou et du collégien [208]. — Ah ! certes ! Sacré nom de !… Ah ! Mais… Ah ! …Une petite salope, oui ! — Alors, hein ? Ignoble, il se rengorge atrocement.La femme d’esprit ?… La femme d’esprit, pas davantage ! Nous aimons les femmes à proportion qu’elles nous sont plus étrangères. Aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste. Ainsi la bestialité exclut la pédérastie [209]. Un bel exemple, tiens : Georges Sand. La femme Sand est le Prudhomme de l’immoralité. Elle a toujours été moraliste. Seulement elle faisait autrefois de la contre-morale. — Aussi elle n’a jamais été artiste. Elle a… Il balbutie, on le devine, un pet muettement, interminable……le fameux style coulant, cher aux bourgeois. Elle est bête, elle est lourde, elle est bavarde ; elle a dans les idées morales la même profondeur de jugement et la même délicatesse de sentiment que les concierges et les filles entretenues… Il se met à ricaner :— Ce qu’elle a dit de sa mère. Scandalisé :De-sa-mè-re !… Ce qu’elle a dit de la poésie. Hi ! Hi ! …Son amour pour les ouvriers. Avec une hauteur toute parisienne :Les ouvriers !… Eh !… Hé ! Hé ! — …Oh !… — …Que quelques hommes aient pu s’amouracher de cette latrine, Il mime la position :c’est bien la preuve de l’abaissement des hommes de ce siècle ! Elle prétend que les vrais chrétiens ne croient pas à l’Enfer. La Sand est pour le Dieu des bonnes gens, le dieu des concierges et des domestiques filous. Elle a de bonnes raisons pour supprimer l’Enfer [210]. Il ne faut pas croire que le Diable ne tente que les hommes de génie. Il méprise sans doute les imbéciles, mais il ne dédaigne pas leur concours. Bien au contraire, il fonde ses grands espoirs sur ceux-là. Sand,… Sand ! Elle est surtout, et plus que toute autre chose, une grosse bête ; mais elle est possédée. C’est le Diable ! …C’est le diable qui lui a persuadé de se fier à son bon cœur et à son bon sens, afin qu’elle persuadât toutes les autres grosses bêtes de se fier à leur bon cœur et à leur bon sens ! — Je ne puis penser à cette stupide créature sans un certain frémissement d’horreur. Oh ! Bonne Mère. Ah ! Bonne Mère !… Oh !! Il se livre tout entier à sa colère, confusément.Ah ! Crénom !!! Si je la rencontrais, je ne pourrais m’empêcher de lui jeter un bénitier à la tête [211]. Défions-nous du peuple, du bon sens, du cœur, de l’inspiration, et de l’évidence [212]. Observons que les abolisseurs de la peine de mort doivent être plus ou moins intéressés à l’abolir. Les abolisseurs d’âme (matérialistes) sont nécessairement des abolisseurs d’enfer ; ils y sont à coup sûr intéressés. Tout au moins ce sont des gens qui ont peur de revivre, — des paresseux [213],… des pa-res-seux !!! — L’enfer… Ah ! L’enfer !… L’en… …Dans l’amour comme dans presque toutes les affaires humaines, l’entente cordiale est le résultat d’un malentendu. Ce malentendu, c’est le plaisir. L’homme crie : « Oh ! mon ange ! » La femme roucoule : « Maman ! maman ! » Et ces deux imbéciles sont persuadés qu’ils pensent de concert. — Le gouffre infranchissable, qui fait l’incommunicabilité, reste infranchi [214]. Le monde ne marche que par le Malentendu. — C’est par le Malentendu universel que tout le monde s’accorde. — Car si, par malheur, on se comprenait, on ne pourrait jamais s’accorder [215]. Je crois… Je crois, je crois que j’ai déjà écrit dans mes notes que l’amour ressemblait fort à une torture ou à une opération chirurgicale. Mais cette idée peut être développée de la manière la plus amère. Il sourie et se paie d’un rictus, amèrement.Quand même les deux amants seraient très épris et très plein de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là, ou celle-là, c’est l’opérateur, ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime. — Entendez-vous ces soupirs… : Il doit pèter à défaillir. On le devine.À voix haute, il en parodie quelques-uns mais il ne parvient pas à poser sa voix, alors que la démonstration parodique d’un pétomane se ferait, elle, magistrale, ici, confondante de ressemblance, et, de crédibilité érotique, voire érotomane. Il faudrait au moins le talent, plutôt non : le génie d’un Pujol : — préludes d’une tragédie de déshonneur… ces gémissements… ces cris… ces râles ?… Il crie à fendre l’âme.Il les mime :— Qui ne les a proférés, qui ne les a irrésistiblement extorqués ? Et que trouvez-vous de pire dans la question appliquée par de soigneux tortionnaires ? Ces yeux de somnambule révulsés, ces membres dont les muscles jaillissent et se roidissent comme sous l’action d’une pile galvanique,… l’ivresse, le délire, l’opium, dans leurs plus furieux résultats, ne vous en donneront certes pas d’aussi affreux, d’aussi curieux exemples. Et le visage humain, le vi…-sage… qu’Ovide croyait façonné pour refléter les astres, le voilà qui ne parle plus qu’une expression de férocité folle, ou qui se détend dans une espèce de mort [216]. — Bonne Mère ! Bonne mère ! Ah ! Maman ! Ah !… Crénom de !… Car, certes, je croirais faire un sacrilège en appliquant le mot : extase à cette sorte de décomposition. Il mime, muettement, avec des accents jansénistes, de façon ostentatoire : en quelque sorte, par périodes.Bonne mère ! Bonne Mère !! Crénom !!! Ah ! Crénom de !… Crénom de !!… — Épouvantable… épouvantable jeu… épouvantable jeu où il faut que l’un des joueurs perde le gouvernement de soi-même ! La volupté… la volupté unique et suprême de l’amour gît dans la certitude de faire le mal. — Et l’homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute volupté [217]… Amour niaisement détourné de Dieu pour être attribué aux créatures. C’est toujours l’animal adorateur se trompant d’idole [218]. Il s’interrompt, se met en scène et mime à la manière du Neveu de Rameau :Anecdote du chasseur, relative à la liaison intime de la férocité et de l’amour [219]. Un homme va au tir au pistolet, accompagné de sa femme. — Il ajuste une poupée, et dit à sa femme : Je me figure que c’est toi. — Il ferme les yeux… Il se courbe, comme au passage d’une balle de pistolet, se courbe quelqu’un qui s’apprête à pratiquer mécaniquement le baise-main :…et abat la poupée. — Puis il dit en baisant la main de sa compagne : Cher ange, que je te remercie de mon adresse [220] ! Bonne Mère !… Ah ! Bonne Mère !! Crénom !!! Self purification and anti-humanity ! Il y a dans l’acte d’amour une grande ressemblance avec la torture, ou avec une opération chirurgicale [221]. La question — torture — est, comme un art de découvrir la vérité, une niaiserie barbare ; c’est l’application d’un moyen matériel à un but spirituel [222]… De l’amour du sang. De l’ivresse du sang. De l’ivresse des foules. De l’ivresse du supplicié [223]. — « Petite mort », grande mort ? — Ah ! Croyez-moi, c’est bien égal ! Mais, la peine de Mort est le résultat d’une idée mystique, totalement incomprise aujourd’hui. La peine de Mort n’a pas pour but de sauver la société, matériellement du moins. Elle a pour but de sauver (spirituellement) la société et le coupable. Pour que le sacrifice soit parfait, il faut qu’il y ait assentiment et joie de la part de la victime. Donner du chloroforme à un condamné à mort serait une impiété, car ce serait lui enlever la conscience de sa grandeur comme victime et lui supprimer les chances de gagner le Paradis [224]. Quant à la torture, elle est née de la partie infâme du cœur de l’homme, assoiffé de voluptés. Cruauté et volupté, sensations identiques, comme l’extrême chaud et l’extrême froid [225]. Voltaire Il a soudain l’air terrible de hauteur, tant sont grandes la haine et le mépris :…plaisante sur cette âme immortelle qui a résidé pendant neuf mois entre des excréments et des urines. Il se tait avec philosophie, comme après un mot prémédité, tout à fait sûr de son effet.Voltaire, comme tous les paresseux haïssait le mystère. Au moins aurait-il pu deviner dans cette localisation une malice ou une satire de la providence contre l’amour, et, dans le mode de la génération, un signe du péché originel. De fait, nous ne pouvons faire l’amour qu’avec des organes excrémentiels… Ne pouvant pas supprimer l’amour, l’Église a voulu au moins le désinfecter et elle a fait le mariage [226]… — De la nécessité de battre les femmes. On peut châtier ce que l’on aime. Ainsi les enfants. Mais cela implique la douleur de mépriser ce que l’on aime [227]… — Minette, minoutte, minouille, mon chat, mon loup, mon petit singe, grand singe, grand serpent, mon petit âne mélancolique. De pareils caprice de langue, trop répétés, de trop fréquentes appellations bestiales témoignent d’un côté satanique dans l’amour ; les satans n’ont-ils pas des formes de bêtes ? Le chameau de Cazotte, — chameau, diable et femme [228]. l’éternelle Vénus, l’éternelle Vénus [caprice, hystérie, fantaisie] est une des formes séduisantes du Diable [229]. — Ainsi, Georges… Georges… Ah ça !… Georges… La… … …Ah !!!??? Crénom ! Bonne Mère !!! Crénom !!!… J’ai oublié le nom de cette salope… Ah !! …Bah ! je le retrouverai au jugement dernier [230]. Méditatif, mais avec un méchant sourire :Certaines femmes, certaines femmes… certaines… ressemblent au ruban de la Légion d’honneur. On n’en veut plus parce qu’elles se sont salies à de certains hommes [231]… — Moi… moi, je n’ai pas d’ambition. Pourquoi réussirais-je, puisque je n’ai même pas envie d’essayer ? Cependant, j’ai quelques convictions, dans un sens plus élevé, et qui ne peut pas être compris par les gens de mon temps [232]. — Les nations n’ont de grands hommes que malgré elles. Donc le grand homme est vainqueur de toute sa nation [233]. Il n’y a, il n’y a de gouvernement raisonnable et assuré que l’aristocratique. Monarchie ou république basées sur la démocratie sont également absurdes et faibles [234]. Ce que je pense du vote et du droit d’élections. Des droits de l’homme. Ce qu’il y a de vil dans une fonction quelconque. Un Dandy ne fait rien. Vous figurez-vous un Dandy parlant au peuple, excepté pour le bafouer [235] ? Il n’existe que trois êtres respectables : le prêtre, le guerrier, le poète. Savoir, tuer et créer. Les autres hommes sont taillables et corvéables, faits pour l’écurie, c’est-à-dire pour exercer ce qu’on appelle des professions [236]. Le prêtre est immense parce qu’il fait croire à une foule de choses étonnantes. Que l’Église veuille tout faire et tout être, c’est une loi de l’esprit humain. Les peuples adorent l’autorité. Les prêtres sont les serviteurs et les sectaires de l’imagination. Le trône et l’autel, maxime révolutionnaire [237]. La révolution par le sacrifice, confirme la superstition [238]… — De la vertu des Sacrements [239]. De l’Obsession, de la Possession, de la prière et de la Foi. Dynamique morale de Jésus. Les sacrements sont les moyens de cette Dynamique [240]. De la féminéïté de l’Église, comme raison de son omnipuissance. De la couleur violette : amour contenu, mystérieux, voilé, couleur de chanoinesse [241]. Soudain rêveur encore :— L’Église… Il pète muettement avec ferveur. Puis, plus rêveur encore :Ma mère …Ma mère est fantastique ; il faut la craindre et lui plaire [242]… — Être un grand homme et un saint pour soi-même, voilà l’unique chose importante [243]… Être un homme utile m’a paru toujours quelque chose de bien hideux [244]… … …Mon ivresse en 1848. De quelle nature était cette ivresse ? Goût de la vengeance. Plaisir naturel de la démolition. Ivresse littéraire ; souvenir des lectures. Le 15 mai. — Toujours le goût de la destruction. Goût si légitime si tout ce qui est naturel est légitime [245]. …Je m’ennuie en France, je m’ennuie !… parce que tout le monde y ressemble à Voltaire [246]. Le Français est un animal de basse-cour. Voir ses goûts en art et en littérature. C’est un animal de race latine ; l’ordure ne lui déplaît pas dans son domicile, et en littérature, il est scatophage. Il raffole des excréments. Il re-pète muettement avec insistance.Les littérateurs d’estaminet appellent cela le sel gaulois. Bel exemple de bassesse française, de la nation qui se prétend indépendante avant toutes les autres [247]. Deux belles religions, immortelles sur les murs, éternelles obsessions du peuple : une pine (le phallus antique) — et « Vive Barbès ! » ou « A bas Philippe ! » ou « Vive la République ! » [248] — De l’air ! De l’air !… Il pète encore plus inspiré.N’en parlons plus ! Non ! Non !… N’en parlons plus ! Vraiment !… Vraiment !… Il n’y a… il n’y a… d’intéressant sur la terre que les religions. Il y a une Religion Universelle, faite pour les Alchimistes de la Pensée, une Religion qui se dégage de l’homme, considéré comme mémento divin [249]. Cependant, cependant tous les imbéciles de la Bourgeoisie qui prononcent sans cesse les mots : « immoral, immoralité, moralité dans l’art » et autres bêtises, me font penser à Louise Villedieu — Villedieu, oui !… Cela ne s’invente pas ! — putain à cinq francs, qui m’accompagnant une fois au Louvre, où elle n’était jamais allée, se mit à rougir, à se couvrir le visage, et me tirant chaque instant par la manche, me demandait, devant les statues et les tableaux immortels, comment on pouvait étaler publiquement de pareilles indécences [250]. Certes ! Oh ! certes !… Ah !… certes, oui !… Si la religion disparaissait du monde, c’est dans le cœur d’un athée qu’on la retrouverait [251] !… Quand même Dieu n’existerait pas, la Religion serait encore Sainte et Divine. Dieu est le seul être qui, pour régner, n’ait même pas besoin d’exister. Ce qui est créé par l’esprit est plus vivant que la matière [252]. Il se tient le ventre à nouveau, qui, soudain, clérical, doit barytonner, intérieurement, en latin d’église.Il y a… il y a… il y a dans l’engendrement de toute pensée sublime une secousse nerveuse qui se fait sentir dans le cervelet [253]. Un douleur de ventre le ploit en deux tout entier.Il y a… il y a dans la prière une opération magique. La prière est une des grandes forces de la dynamique intellectuelle. Il y a là comme une récurrence électrique [254]. Il y a dans l’acte d’amour une grande ressemblance avec la torture, ou avec une opération chirurgicale [255]. Il y a des moments de l’existence où le temps et l’étendue sont plus profonds, et le sentiment de l’existence immensément augmenté [256] Prophétique et investi :Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées [257]. A chaque minute nous sommes écrasés par l’idée et la sensation du temps. Et il n’y a que deux moyens pour échapper à ce cauchemar, — pour l’oublier : le Plaisir et le Travail. Le Plaisir nous use. Le Travail nous fortifie. Choisissons. Plus nous nous servons d’un de ces moyens, plus l’autre nous inspire de répugnance [258]. Le goût du plaisir nous attache au présent. Le soin de notre salut nous suspend à l’avenir [259]… Après une débauche, on se sent toujours plus seul, plus abandonné [260]… Il n’y a d’intéressant sur la terre que les religions. Il y a une Religion Universelle, faite pour les Alchimistes de la Pensée, une Religion qui se dégage de l’homme, considéré comme mémento divin [261],… un mémento !.Il fait une pause. Puis, comme illuminé, comme saisit soudain d’une illumination :Il y a… il y a… qu’il serait peut-être doux, qu’il serait peut-être doux… d’être, alternativement, victime… d’être… alternativement… victime… victime et bourreau. Pause. Il répète avec insistance et esprit de pénétration, mais comme pour lui-même :Il serait peut-être doux d’être alternativement victime,… d’être bourreau [262]. Il reste quelques instants en silence à tourner en rond, à savourer cette pensée, en souriant équivoquement. Puis, il s’arrête face au public, lui fait cette déclaration :Bonne mère !… Bonne mère !!!… Victime. Oui !… Victime !… bourreau ! — J’ai… J’ai trouvé !!… J’ai trouvé !!! j’ai trouvé la définition, la définition du Beau, — de mon Beau ! C’est… c’est !… …C’est quelque chose d’ardent et de triste, quelque chose d’un peu vague, laissant carrière à la conjecture. C’est… un visage… un visage de femme… une tête séduisante et belle, une tête de femme, une tête veux-je dire ; c’est… une tête… qui fait rêver à la fois, — mais d’une manière confuse, — de volupté et de tristesse ; qui comporte une idée de mélancolie, de lassitude, même de satiété, — soit une idée contraire, c’est-à-dire une ardeur, un désir de vivre, associé avec une amertume refluante, comme venant de privation ou de désespérance, de désespérance. — cette idée de volupté… de volupté… dans un visage de femme est une provocation d’autant plus attirante que le visage est généralement plus mélancolique. Il s’anime :— Je ne prétends pas que la Joie ne puisse pas s’associer avec la Beauté, mais je dis que la Joie en est un des ornements les plus vulgaires ; tandis que la Mélancolie en est pour ainsi dire l’illustre compagne, à ce point que je ne conçois guère (mon cerveau serait-il un miroir ensorcelé ?) un type de Beauté où il n’y ait du Malheur. Comme une conclusion lumineuse :— Appuyé sur, — d’autres diraient : obsédé par — ces idées, on conçoit qu’il me serait difficile de ne pas conclure que le plus parfait type de Beauté virile est Satan… Satan… Satan… à la manière de Milton [263]. Pénétré de sa nouvelle vérité :Ouiiiiiiiiiiiii !!!… Il serait peut-être doux d’être alternativement victime… victime, bourreau … Il serait peut-être doux d’être alternativement victime et bourreau [264] !… — Ce qui n’est pas légèrement difforme a l’air insensible ; — d’où il suit que l’irrégularité, c’est-à-dire l’inattendu, la surprise, l’étonnement sont une partie essentielle et la caractéristique de la beauté [265]. Les méprises relatives aux visages sont le résultat de l’éclipse de l’image réelle par l’hallucination qui en tire sa naissance [266]. Il serait peut-être doux d’être alternativement victime et bourreau [267]… de Glorifier,… de glo-ri-fi-er le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion) [268], …car dans certains états de l’âme presque surnaturels, la profondeur de la vie se révèle tout entière dans le spectacle, si ordinaire qu’il soit, qu’on a sous les yeux. Il en devient le symbole [269]. Ici… ici encore : deux qualités littéraires fondamentales : surnaturalisme et ironie. Coup d’oeil individuel, aspect dans lequel se tiennent les choses devant l’écrivain, puis tournure d’esprit satanique. Le surnaturel comprend la couleur générale et l’accent, c’est-à-dire intensité, sonorité, limpidité, vibrativité, profondeur et retentissement dans l’espace et le temps [270]. Il serait peut-être doux [271]… Oui… — Du culte de soi-même dans l’amour, au point de vue de la santé, de l’hygiène, de la toilette, de la noblesse spirituelle et de l’éloquence [272]. De la langue et de l’écriture, prises comme opérations magiques, sorcelleries évocatoires [273]. — L’inspiration vient toujours quand l’homme le veut, mais elle ne s’en va pas toujours quand il le veut [274]. — Car enfin, il serait peut-être [275]… Il ne finit pas sa phrase, et, soudain, comme si le public lui reprochait quelque-chose, il interpelle :— Crénom de !… Bonne Mère ! Vous !!… Crénom !!! …Ne méprisez la sensibilité de personne !… La sensibilité de chacun, c’est son génie [276] ! Le mélange du grotesque et du tragique est agréable à l’esprit comme les discordances aux oreilles blasées [277]. L’état de son ventre paraît désastreux.L’esprit de bouffonnerie peut ne pas exclure la charité, mais c’est rare [278]. Cette horreur de la solitude, le besoin d’oublier son moi dans la chair extérieure, que l’homme appelle noblement besoin d’aimer [279]. — L’amour, Convaincu :l’amour c’est le goût de la prostitution. Il n’est même pas de plaisir noble qui ne puisse être ramené à la Prostitution [280]. La gloire, c’est rester un, et se prostituer d’une manière particulière [281]… Il serait peut-être doux d’être alternativement victime et bourreau [282]. …Oui ! …Oui ! Auto-idolâtrie. Harmonie politique du caractère. Eurythmie du caractère et des facultés. Augmenter toutes les facultés. Conserver toutes les facultés. Un culte (magisme, sorcellerie évocatoire). Le sacrifice… le sacrifice et le voeu sont les formules suprêmes et les symboles de l’échange [283]. Ainsi, l’Espagne met dans la religion la férocité naturelle de l’amour [284]. Les pays protestants manquent de deux éléments indispensables au bonheur d’un homme bien élevé, la galanterie et la dévotion [285]. Car enfin, Dieu est un scandale. — un scandale qui rapporte [286]. À défaut de la galanterie, à défaut de la galanterie et de la dévotion [287], l’Allemagne exprime la rêverie par la ligne, comme l’Angleterre par la perspective [288]. Qu’est-ce que l’art ? Prostitution [289]. Le dessin arabesque est le plus idéal de tous [290]. Le dessin arabesque est le plus spiritualiste des dessins [291]. Il se met à griffonner, mais en s’appliquant, un croquis rapide qui va se révéler obscène. Il semble s’adresser à un interlocuteur imaginaire, qui peut être situé dans les premiers rangs du public :— N’est-il pas vrai, mon cher Gardet, que le rouge est en lui-même une chose agréable, en ce qu’il transforme et exagère la nature, mais aussi parce qu’il nous oblige à embrasser les dames ailleurs que sur le visage ? — Je suis sûr de ne pas vous déplaire, à vous, mon ami, qui comme moi pensez qu’il ne faut jamais manquer de dignité, excepté avec la femelle de notre cœur [292]. Fier et triomphant, il montre le résultat de son croquis : une femme éventrée, renversée, morte, avec un jeune homme du peuple au vit énorme l’enfilant dans la plaie ; dessin tout de rouge barbouillé.…Coloriage, cru, dessin profondément entaillé… : La Prima Donna et le garçon boucher [293]. Il sourie ou rit atrocement, ou, simplement, s’exhibe avec un contentement atroce. « Explosion sardonique, [pour cacher] le renard qui le ronge. [294] »Sous ce dessin qu’il vient de faire, un autre, un autre qui traînait le précédait : un squelette en habit de cocotte, exhibant son absence de fesses avec un éternel sourire : un pastiche de la gravure de Rops. Il le montre, d’un air entendu d’amateur :…La maigreur est plus nue, plus indécente que la graisse [295] ! Il rejette les deux dessins, lassé : et il reprend sa ronde obsédante de névrosé :Il serait peut-être doux d’être alternativement victime et bourreau [296] ; mais il y a des peaux carapaces avec lesquelles le mépris n’est plus une vengeance [297]. Il y a des peaux carapaces avec lesquelles le mépris n’est plus un plaisir [298]. Il va rechercher les dessins, les exhibe comme des pièces à conviction en les frappant de l’autre main ; dés lors, très en colère, il lâche :Je n’ai jusqu’à présent joui, je n’ai… jusqu’à présent… joui… de mes souvenirs… que …tout seul. Il faut en jouir à deux !! Faire des jouissances du cœur une passion [299] ! Je n’ai jusqu’à présent joui de mes souvenirs que tout seul. Oui. Avec un ton comme une menace :Il faut en jouir à deux. Crénom !! Puis, accablé, en reprenant sa ronde de prisonnier :…Mes ancêtres, mes an-cê-tres idiots, id-i-ots ou maniaques, dans des appartements solennels, tous victimes de terribles passions [300]. Mes ancêtres, idiots… ou, ma-ni-a-ques. — Bonne Mère ! Ah ! Bonne mère ! Crénom ! Il s’arrête, et, face au public, comme se prenant à méditer :D’une certaine jouissance sensuelle dans la société des extravagants [301]. D’une certaine…Rire hystérique…Il reprend sa ronde, tristement, et murmure, tout à fait perdu :Sen-timents de so-litude… dès mon enfance. Malgré la fa-mille, — et… au mi-lieu des ca-marades, surtout, — sentiment de… destinée éter-nel-le-ment so-li-taire. Cepen-dant… goût très vif de la vie et du plaisir [302]. Il s’arrête encore :Jouissances spi…-rituelles et phy…-siques cau…-sées par l’o…-rage, l’électricité et la foudre, tos…-cin des souvenirs amoureux, ténébreux des anciennes an…-nées [303]. Le goût précoce des femmes. — Ce goût !… Je… je confondais, je confondais l’odeur de la fourrure avec l’odeur de la femme, l’o…-deur. L’odeur de la fourrure et l’odeur de la femme [304]… Visiblement, il doit péter silencieusement avec une inconséquence plus que coupable.L’éternelle Vénus. Forme séduisante [305]. Je me souviens [306]… Forme séduisante du di-a-ble [307] ! Ma… ma mère… Enfin, j’aimais ma mère pour son élégance. J’étais donc un dandy précoce [308]. Dantesque, et comme descendant à pied les sept paliers de L’Enfer, il reprend sa ronde.…Les nations n’ont de grands hommes que malgré elles, — comme les familles !!! Elles font tous leurs efforts pour n’en avoir pas. Et ainsi, le grand homme a besoin, pour exister, de posséder une force d’attaque plus grande que la force de résistance développée par des millions d’individus [309]. Il s’assied, fauteuil dégagé de la table, drapé dans sa robe de chambre, campé tel un doge, face au public.Dans tout homme… à toute heure… il y a deux postulations simultanées… deux : l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité, est un désir de monter en grade ; celle de Satan, ou animalité, est une joie de descendre [310]. — Victime… et, bourreau… Bourreau et victime [311]. — C’est à cette dernière que doivent être rapportés les amours pour les femmes et les conversations intimes avec les animaux, chiens, chats, etc. Les joies qui dérivent de ces deux amours sont adaptées à la nature de ces deux amours [312]. Il fait une pause, et, regardant le public fixement, martèle posément :…Parmi les droits dont on parlé dans ces derniers temps, il y en a un qu’on a oublié, à la démonstration duquel tout le monde est intéressé, — le droit de se contredire. Apprendre c’est se contredire [313]. — Il y a un degré de conséquence qui n’est qu’à la porté du mensonge [314]. Il semble perdre sa contenance, et, des mains portées à son visage encore, avoue, tout à coup, sa fatigue.…L’absurde est la grâce des gens qui sont fatigués [315]. Il rit tristement, hoche la tête.Victime et bourreau… victime et bourreau [316]… Quand j’aurai inspiré le dégoût et l’horreur universels, j’aurai conquis la solitude [317]. Mais il se reprend, se redresse, dans un défi :— Ah !… Bonne Mère !! Ah ! Crénom !!! Victime et bourreau [318]. Ce qu’il y a d’enivrant dans le mauvais goût, c’est le plaisir aristocratique de déplaire [319], …de dé-plaire. Il se rengorge, à la fois déplaisant et très las.Victime ET bourreau. Victime ET bourreau [320] !… Beaucoup d’amis, beaucoup de gants, — de peur de la gale. Ceux qui m’ont aimé étaient des gens méprisés, je dirais même méprisables, si je tenais à flatter les honnêtes gens [321]. Il semble à nouveau gagné par le spleen et la lassitude les plus extrêmes :…Ma mère est fantastique. …Apprendre, c’est se contredire [322]. Tout enfant, j’ai senti dans mon cœur deux sentiments contradictoires, l’horreur de la vie et l’extase de la vie. C’est bien le fait d’un paresseux nerveux [323]. Il n’y a d’intéressant sur terre que les Religions… …que les Religions [324]. Il se lève.— Qu’est-ce qui n’est pas un sacerdoce aujourd’hui ? La jeunesse elle-même est un sacerdoce,… — à ce que dit la jeunesse [325]. Il va sur la chaise percée. Constipation. Maux de tête.Et qu’est-ce qui n’est pas une prière ? — Chier,… Chier est une prière, à ce que disent les démocrates quand ils chient [326]. Mais, soudain émettant un doute restrictif, comme l’incluant :— Quand ils chient !… Un chat, entré dont ne sait où, passe ; il le suit des yeux, taciturne, l’air mauvais :Pourquoi les démocrates n’aiment pas les chats, il est facile de le deviner. Le chat est beau ; il révèle des idées de luxe, de propreté, de volupté, etc. [327]. Un chat est un vampire sucré [328]. En option : Les entrailles de Baudelaire se font pythiques, delphiques même [en écho intertextuel, spontané quoique surprenant, à la « bouche d’ombre » de Hugo]. — Est-ce pour mieux faire sentir la pesanteur du huis clos ? — Inspiré, Baudelaire lâche des borborygmes sonores, assez longs, comme médités : du plus aigu au plus grave, arabesqués, auquel le chat, qui s’arrête soudain et tourne la tête, répond en miaulant avant de disparaître. Pour réaliser cette scène, on peut imaginer une stylisation de chat en carton, en bois ou en tôle peinte, montée sur roulettes qui crissent, laquelle est tirée ostensiblement par deux ficelles très visibles pour le public, avec miaulement en voix-off, des coulisses. Les ficelles se sont mises en place et sont arrivées sur scène en dansant burlesquement, tels des serpents magiques un jour de nouvel an chinois, suspendues à des fils de soie, invisibles.…L’homme, c’est-à-dire chacun, est si naturellement dépravé qu’il souffre moins de l’abaissement universel que de l’établissement d’une hiérarchie raisonnable !!! Il semble reprocher au public son rire scatologique. Un temps de silence. Le chat repasse dans l’autre sens, muet.— Le monde va finir ! Constipation. Il pousse ; en vain…La seule raison pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe !… Il pousse.Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particulièrement à celle-ci : qu’est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel ? — Car, en supposant qu’il continuât à exister matériellement, serait-ce une existence digne de ce nom et du dictionnaire historique ? Je ne dis pas que le monde sera réduit aux expédients et au désordre bouffon des républiques du Sud-Amérique, — que peut-être même nous retournerons à l’état sauvage, et que nous irons, à travers les ruines herbues de notre civilisation, chercher notre pâture, un fusil à la main. Non ; — car ce sort et ces aventures supposeraient encore une certaine énergie vitale, Il pousse.écho des premiers âges. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre Il pousse.La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges, ou anti naturelles des utopistes ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie. Effets de manche à la Ernest Pinard, Procureur Impérial au procès des Fleurs du Mal .De la religion, je crois inutile d’en parler et d’en chercher les restes, puisque se donner encore la peine de nier Dieu est le seul scandale en pareilles matières. La propriété avait disparu virtuellement avec la suppression du droit d’aînesse ; mais le temps viendra où l’humanité, comme un ogre vengeur, arrachera leur dernier morceau à ceux qui croiront avoir hérité légitimement des révolutions. Encore, là ne serait pas le mal suprême. L’imagination humaine peut concevoir , Il pousse.…sans trop de peine, Il pousse rageusement, atterré.…des républiques ou autres états communautaires, dignes de quelque gloire, s’ils sont dirigés par des hommes sacrés, Il pousse.…par de certains aristocrates. Mais ce n’est pas particulièrement par des institutions politiques que se manifestera la ruine universelle, ou le progrès universel ; car peu m’importe le nom. Ce sera par l’avilissement des cœurs. — Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de l’animalité générale, et que les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d’ordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie ? Il pousse longuement, et avec succès… semble se soulager…— Alors, le fils fuira la famille, non pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé par sa précocité gloutonne ; il la fuira, non pas pour chercher des aventures héroïques, non pas pour délivrer une beauté prisonnière dans une tour, non pas pour immortaliser un galetas par de sublimes pensées, mais pour fonder un commerce, pour s’enrichir et pour faire concurrence à son infâme papa, — fondateur et actionnaire d’un journal qui répandra les lumières et qui ferait considérer Le Siècle d’alors Il montre le journal, il en découpe des morceaux pour se torcher.comme un suppôt de la superstition. — Alors, les errantes, les déclassées, celles qui ont eu quelques amants, et qu’on appelle parfois des Anges, en raison et en remerciement de l’étourderie qui brille, lumière de hasard, dans leur existence logique comme le mal, — alors celles-là, dis-je, ne seront plus qu’impitoyable sagesse, sagesse qui condamnera tout, fors l’argent, tout, même les erreurs des sens ! — Alors, ce qui ressemblera à la vertu, — que dis-je, — tout ce qui ne sera pas l’ardeur vers Plutus sera réputé un immense ridicule. La justice, si, à cette époque fortunée, il peut encore exister une justice, fera interdire les citoyens qui ne sauront pas faire fortune. — Ton épouse, ô Bourgeois Il se torche !ta chaste moitié dont la légitimité fait pour toi la poésie, introduisant désormais dans la légalité une infamie irréprochable, gardienne vigilante et amoureuse de ton coffre-fort, ne sera plus que l’idéal parfait de la femme entretenue. Ta fille, avec une nubilité enfantine, rêvera dans son berceau, qu’elle se vend un million. Il exhibe un morceau du Siècle, portant réclame, avec lequel il s’est torché [ou, avant de s’en torcher, selon le voeu du comédien].Et toi-même, ô Bourgeois, — moins poète encore que tu n’es aujourd’hui, — tu n’y trouveras rien à redire ; tu ne regretteras rien.Il se lève, rabaisse sa chemise et réajuste sa robe de chambre.Car il y a des choses dans l’homme, qui se fortifient et prospèrent à mesure que d’autres se délicatisent et s’amoindrissent, et, grâce au progrès de ces temps, il ne te restera de tes entrailles que des viscères ! Il inspecte ses selles, comme s’il en tirait des augures :— Ces temps sont peut-être bien proches ; qui sait même s’ils ne sont pas venus, et si l’épaississement de notre nature n’est pas le seul obstacle qui nous empêche d’apprécier le milieu dans lequel nous respirons ! Quant à moi qui sens quelquefois en moi le ridicule d’un prophète, je sais que je n’y trouverai jamais la charité d’un médecin. Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont l’oeil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et devant lui qu’un orage où rien de neuf n’est contenu, ni enseignement, ni douleur. Le soir où cet homme a volé à la destinée quelques heures de plaisir… Il prend sur le lavabo un cigare, et il allume une allumette sur le dossier de la chaise percée. …bercé dans sa digestion, oublieux — autant que possible — du passé, content du présent et résigné à l’avenir, enivré de son sang-froid et de son dandysme, fier de n’être pas aussi bas que ceux qui passent, il se dit en contemplant la fumée de son cigare : Que m’importe où vont ces consciences [329] ? Il lâche une bouffée de fumée grise et bleue. Il referme d’un coup sec le couvercle de la chaise percée et s’en éloigne avec une hauteur d’abord superbe, puis accablée.— Baudelaire lâche son cigare après l’avoir écrasé, et, après une courte phase d’hébétude, va à la fiole de laudanum ; il la prend dans sa main, la hausse à hauteur de ses yeux pour en regarder le niveau ; puis, plus haut, comme un ciboire :Le commerce… le commerce est, par son essence, satanique. — Le commerce, c’est le prêté-rendu, c’est le prêt avec le sous-entendu : Rends-moi plus que je ne te donne. — L’esprit de tout commerçant est complètement vicié. — Le commerce est naturel, donc il est infâme. — Le moins infâme de tous les commerçants, c’est celui qui dit : Soyons vertueux pour gagner beaucoup plus d’argent que les sots qui sont vicieux. — Pour le commerçant, l’honnêteté elle-même est une spéculation de lucre. — Le commerce est satanique, parce qu’il est une des formes de l’égoïsme, et la plus basse et la plus vile [330]. Quand un marchand n’est pas un félon, c’est un sauvage [331] … Pendant son discours, Baudelaire, qui tente de résister au manque, à la tentation de se réfugier encore dans l’opium, s’est assis au bord du lit avec la fiole toujours dans les mains, et, les mains entre les jambes.Dans ces derniers temps, un malheureux fut amené devant nos tribunaux, dont le front était illustré d’un rare et singulier tatouage : Pas de chance ! Il portait ainsi au-dessus de ses yeux l’étiquette de sa vie… Il regarde l’étiquette de la fiole de laudanum.…comme un livre son titre, et l’interrogatoire prouva que ce bizarre écriteau était cruellement véridique. Il y a dans l’histoire littéraire des destinées analogues, de vraies damnations, — des hommes qui portent le mot guignon écrit en caractères mystérieux dans les plis sinueux de leur front. L’Ange aveugle de l’expiation s’est emparé d’eux et les fouette à tour de bras pour l’édification des autres. En vain leur vie montre-t-elle des talents, des vertus, de la grâce ; la Société a pour eux un anathème spécial, et accuse en eux les infirmités que sa persécution leur a données. — Que ne fit pas Hoffmann pour désarmer la destinée, et que n’entreprit pas Balzac pour conjurer la fortune ? — Existe-t-il donc une Providence diabolique qui prépare le malheur dès le berceau, qui jette avec préméditation des natures spirituelles et angéliques dans des milieux hostiles, comme des martyrs dans les cirques ? Y a-t-il donc des âmes sacrées, vouées à l’autel, condamnées à marcher à la mort et à la gloire à travers leurs propres ruines ? Le cauchemar des Ténèbres assiégera-t-il éternellement ces âmes de choix ? — Vainement elles se débattent, vainement elles se forment au monde, à ses prévoyances, à ses ruses ; elles perfectionneront la prudence, boucheront toutes les issues, matelasseront les fenêtres contre les projectiles du hasard ; mais le Diable entrera par une serrure ; une perfection sera le défaut de leur cuirasse, et une qualité superlative le germe de leur damnation.L’aigle, pour le briser, du haut du firmamentSur leur front découvert lâchera la tortue,Car ils doivent périr inévitablement.Leur destinée est écrite dans toute leur constitution, Baudelaire a pris du laudanum, par petits coups, dans un petit verre à fine, d’abord :elle brille d’un éclat sinistre dans leurs regards et dans leurs gestes, elle circule dans leur artères avec chacun de leurs globules sanguins [332]. À même la fiole cette fois, il prend une longue rasade de laudanum. — Absorption massive. Baudelaire, vaincu, assis au bord du lit dans l’attitude du spleen, crâne incliné vers son ventre, recroquevillé, comme brûlé de l’intérieur, soupire plusieurs fois violemment, lâche comme un halètement qui cherche à se contrôler, à créer des paliers : soupirs de douleur et de soulagement mêlés. Puis, haché :Il n’y a… d’intéres-sant… sur terre… que… les… Reli-gi-ons [333]. Après le mot : Religion, nouvelle rasade d’opium.Il n’y a… d’intéressant sur terre… que… les… Et, il s’étend comme un gisant. — Silence, un instant… Du plafond, un lustre lumineux descend comme un Satan, lentement, en oscillant régulièrement comme le couperet du conte de Poe, « Le Puits etle pendule ». Baudelaire, juste au dessous, le regard fixe, écarquille les yeux, sans bouger, couché, fasciné par sa propre mort qui se rapproche, inéluctable. D’une voix inspirée et déchirante de trop de douceur, à la Artaud pourtant, il poursuit :Enfant, je voulais être tantôt pape, mais pape militaire, tantôt comédien. Jouissances que je tirais de ces deux hallucinations [334]. Pour une nature timide, un contrôle de théâtre ressemble quelque peu au tribunal des Enfers [335]. Après un temps de silence et d’hébétude, il reprend :Ce que j’ai toujours trouvé de plus beau dans un théâtre, dans mon enfance et encore maintenant, c’est le lustre — le lustre… : un bel objet lumineux, cristallin, compliqué, circulaire et symétrique… Le lustre,… le lustre,… oui. Puis,… puis,… je voudrais,… je voudrais que les comédiens fussent montés sur des patins très hauts, portassent des masques plus expressifs que le visage humain, et parlassent à travers des porte-voix ; enfin,… enfin que les rôles de femmes fussent joués par des hommes… des hommes !… — sous… le lustre… le …lus-tre ! — Après tout le lustre m’a toujours paru l’acteur principal, vu à travers le gros,… le gros… bout ou le petit …bout de la lorgnette [336]. Il sombre peu à peu dans le délire, dans l’hébétude ; sa voix devient de plus en plus faible :Enfant… étant enfant… enfant, je voulais… être… pape… mais pape militaire,… tantôt comédien. — Jouissances !… Jouissances que je tirais de [337] … — Ti-mide, un contrôle de théâtre ressemble au tribunal,… aux… En-fers [338]. — En-fant, tout enfant, j’ai senti… …dans Mon CŒUR !!!… C’est bien… le fait… c’est bien le fait… d’un… paresseux… [339] — Enfant !… — En-fers ! Étant enfer, étant… je… je voulais… — Jouissances que… dans mon cœur… Mon CŒUR !!! — Tout… enfer…en-fer… j’ai senti… dans mon cœur… deux …senti-ments …contra-dictoires, …l’horreur de… de… la vie… l’hor-reur… et …l’extase de… de la vie… l’Ex…-TAse… Puis, plus qu’à demi déjà dans l’inconscience, en proie à une colère rêvée, il marmonne :Sacré nom de !!!… Sacré nom de [340]… Il s’endort, terrassé par le sommeil.Le lustre continue à descendre avec son mouvement de pendule, il est à présent très proche du corps endormi de Baudelaire.//////////////////////////////////////////////RIDEAU. POSTFACE au BAUDELAIRE mis à nu :une lettre retrouvée de M. Charles Baudelaire :« Lettre à un homme heureux [341] » : « À Monsieur Jules Janin***À propos du feuilleton [signé Éraste] [342]sur Henri Heine et la jeunesse des poètes. Monsieur, je fais ma pâture de vos feuilletons, — dans L’Indépendance, laquelle vous manque un peu de respect quelquefois et vous montre quelque ingratitude. L’Indépendance a des convictions austères qui ne lui permettent pas de s’apitoyer sur les malheurs des Reines. Donc, je vous lis ; car je suis un peu de vos amis, si toutefois vous croyez que l’admiration engendre une sorte d’amitié. Mais le feuilleton d’hier soir m’a mis en grande rage. Je veux vous en expliquer le pourquoi. Examinons donc ce cœur d’Henri Heine jeune. Les fragments que vous citez sont charmants, mais je vois bien ce qui vous choque, c’est la tristesse, c’est l’ironie. Si J.J. était empereur, il décréterait qu’il est défendu de pleurer, ou de se pendre sous son règne, ou même de rire d’une certaine façon. Je vous plains, monsieur, d’être si facilement heureux. Faut-il qu’un homme soit tombé bas pour se croire heureux ! Peut-être est-ce une explosion sardonique, et souriez-vous pour cacher le renard qui vous ronge. En ce cas, c’est bien. Si ma langue pouvait prononcer une telle phrase, elle en resterait paralysée.Vous n’aimez pas la discrépance, la dissonance. Arrière les indiscrets qui troublent la somnolence de votre bonheur. Vivent les ariettes de Florian. Arrière les plaintes puissantes du chevalier Tannhaüser, aspirant à la douleur. Vous aimez les musiques qu’on peut entendre sans les écouter et les tragédies qu’on peut commencer par le milieu. Arrière tous ces poètes qui ont leurs poches pleines de poignards, de fiel, de laudanum. Cet homme est triste, il me scandalise. — Il n’a donc pas de Margot, il n’en a donc jamais eu. Vive Horace buvant son lait de poule, son falerne, veux-je dire, et pinçant, en honnête homme, les charmes de sa Lisette, en brave littératisant, sans diablerie et sans fureur, sans oetus !Comme c’est extraordinaire qu’un homme soit un homme ! Quant à toutes les citations de petites polissonneries françaises comparées à la poésie d’Henri Heine, de Byron et de Shakespeare, cela fait l’effet d’une serinette ou d’une épinette comparée à un puissant orchestre. Il n’est pas un seul des fragments d’Henri Heine que vous citez qui ne soit infiniment supérieur à toutes les bergerades et berquinades que vous admirez. — Ainsi, l’auteur de l’Ane mort et la femme guillotinée ne veut plus entendre l’ironie ; il ne veut pas qu’on parle de la Mort, de la douleur, de la brièveté des sentiments humains. « Écartez de moi les images funèbres ; loin de moi tous ces ricanements ! Laissez-moi traduire Horace, et le savourer à ma guise, Horace, un vrai amateur des flonflons, un brave littératisant, dont la lecture ne fait pas mal aux nerfs, comme font toutes ces discordantes lyres modernes. Si vous croyez que le langoureux de Musset soit un bon poète. Béranger ? On a dit quelques vérités sur ce grivois. Il y en aurait encore long à dire. Passons. De Musset. Faculté poétique ; mais peu joyeux. Contradiction dans votre thèse. Mauvais poète d’ailleurs. On le trouve maintenant chez les filles entre les chiens de verre filé, le chansonnier du Caveau et les porcelaines gagnées aux loteries d’Asnières. Croque-mort langoureux.Cher Monsieur, si je voulais pleinement soulager la colère que vous avez mise en moi, je vous écrirai cinquante pages au moins, et je vous prouverais que, contrairement à votre thèse, notre pauvre France n’a que fort peu de poètes, et qu’elle n’en a pas un seul à opposer à Henri Heine. — Mais vous n’aimez pas la vérité ; vous n’aimez pas les proportions ; vous n’aimez pas la justice ; vous n’aimez pas les combinaisons ; vous n’aimez pas le rythme, ni le mètre, ni la rime ; tous cela exige qu’on prenne trop de soins pour l’obtenir. Il est si doux de s’endormir sur l’oreiller de l’opinion toute faite ! Savez-vous bien, monsieur, que vous parlez de Byron trop légèrement ? Il avait votre qualité et votre défaut ; — une grande abondance, un grand flot, une grande loquacité, — mais aussi, ce qui fait les poètes : une diabolique personnalité. En vérité, vous me donnez envie de le défendre. Byron, loquacité, redondance. Quelques-unes de vos qualités, monsieur. Mais en revanche, ces sublimes défauts qui font le grand poète. La mélancolie, toujours inséparable du sentiment du beau, et une personnalité ardente, diabolique. Un esprit salamandrin. Byron, Tennyson, Poe et Cie. Ciel mélancolique de la poésie moderne. Étoiles de première grandeur. Byron. Tennyson. E. Poe. Lermontoff. Leopardi. Espronceda. — Mais il n’ont pas chanté Margot. — Eh ! quoi ! je n’ai pas cité un Français. La France est pauvre. Poésie française. Veine tarie sous Louis XIV. Reparaît avec Chénier [Marie-Joseph], car l’autre est un ébéniste de Marie-Antoinette. Enfin rajeunissement et explosion sous Charles X. Votre paquet de poètes accouplés comme bassets et lévriers, comme fouines et girafes. Analysons-les, un à un. Et Théophile Gautier ? Et moi ? Toujours Horace et Margoton. Vous vous garderiez bien de choisir Juvénal, Lucain, ou Pétrone. Celui-là [sic] avec ses terrifiantes impuretés, ses bouffonneries attristantes. [Vous prendriez volontiers parti pour Trimalcion, puisqu’il est heureux, avouez-le.] Celui-ci [sic] avec ses regrets de Brutus et de Pompée, ses morts ressuscités, ses sorcières thessaliennes, qui font danser la Lune sur l’herbe des plaines désolées, et cet autre avec ses éclats de rire pleins de fureur. Car vous n’avez pas manqué d’observer que Juvénal se fâche toujours au profit du pauvre et de l’opprimé. Ah ! le vilain sale ! — Vive Horace, et tous ceux pour qui Babet est pleine de complaisances ! Trimalcion est bête, mais il est heureux. Il est vaniteux jusqu’à faire crever de rire ses serviteurs, mais il est heureux. Il est abject et immonde ; mais heureux. Il étale un gros luxe et feint de se connaître en délicatesses ; il est ridicule, mais il est heureux. Ah ! pardonnons aux heureux. Le bonheur est une belle et universelle excuse, n’est-ce pas ?Comme c’est extraordinaire n’est-ce pas qu’un homme soit un homme ? Comme c’est extraordinaire, qu’un homme soit un homme ! Henri Heine était donc un homme ! bizarre. Catilina était donc un homme. Un monstre pourtant, puisqu’il conspirait pour les pauvres. Henri Heine était méchant, — oui, comme les hommes sensibles, irrités de vivre avec la canaille ; par Canaille j’entends les gens qui ne se connaissent pas en poésie [le Genus irritabile vatum ]. Je présente la paraphrase du genus irritabile vatum pour la défense non seulement d’Henri Heine, mais aussi de tous les poètes. Ces pauvres diables [qui sont la couronne de l’humanité] sont insultés par tout le monde. Quand ils ont soif et qu’ils demandent un verre d’eau, il y a des Trimalcions qui les traitent d’ivrognes. Trimalcion s’essuie les doigts aux cheveux de ses esclaves ; mais si un poète montrait la prétention d’avoir quelques bourgeois dans son écurie, il y aurait bien des personnes qui s’en scandaliseraient.Ah ! vous êtes heureux, monsieur. Quoi ! — Si vous disiez : je suis vertueux, je comprendrais que cela sous-entend : je souffre moins qu’un autre. Mais non ; vous êtes heureux. Facile à contenter, alors ? Je vous plains, et j’estime ma mauvaise humeur plus distinguée que votre béatitude. — J’irai jusque-là que je vous demanderai si les spectacles de la terre vous suffisent. Quoi ! jamais vous n’avez eu envie de vous en aller, rien que pour changer de spectacle. J’ai de très sérieuses raisons pour plaindre celui qui n’aime pas la Mort. À bas les suicides. À bas les méchants farceurs. On ne pourrait jamais dire sous votre règne : Gérard de Nerval s’est pendu, Janino Imperatore. Vous auriez même des agents, des inspecteurs faisant rentrer chez eux les gens qui n’auraient pas sur leurs lèvres la grimace du bonheur.Je vous vois venir. Je sais où vous tendez. Vous oseriez peut-être affirmer qu’on ne doit pas mettre des têtes de morts dans les soupières, et qu’un petit cadavre de nouveau-né ferait un fichu. [Cette plaisanterie a été faite cependant ; mais hélas ! c’était le bon temps !] — Il y aurait beaucoup à dire cependant là-dessus. — Vous me blessez dans mes plus chères convictions. Toute la question, en ces matières, c’est la sauce, c’est-à-dire le génie. Jules Janin ne veut plus d’images chagrinantes. Et la mort de Charlot ? Et le baiser dans la lunette de la guillotine ? Et le Bosphore, si enchanteur du haut d’un pal ? Et la Bourbe, et les Capucins ? Et les chancres fumant sous le fer rouge ? Pourquoi les choses ont-elles changé ? Grave question que je n’ai pas le temps de vous expliquer ici. Mais vous n’avez même pas songer à vous la poser. Elles ont changé parce qu’elles devaient changer. Votre ami le sieur Villemain vous chuchote à l’oreille le mot : Décadence. C’est un mot bien commode à l’usage des pédagogues ignorants. Mot vague derrière lequel s’abrite notre paresse et votre incuriosité de la loi. Pourquoi donc toujours la joie ? Pour vous divertir peut-être. Pourquoi la tristesse n’aurait-elle pas sa beauté ? Et l’horreur aussi ? Et tout ? Et n’importe quoi ? Pourquoi le poète ne serait-il pas un broyeur de poison aussi bien qu’un confiseur, un éleveur de serpents pour miracle et spectacles, un psylle amoureux de ses reptiles, et jouissant des caresses glacées de leurs anneaux en même temps que des terreurs de la foule ?Deux parties également ridicules dans votre feuilleton. Méconnaissance de la poésie de Heine, et de la poésie en général. Thèse absurde sur la jeunesse des poètes. Ni vieux, ni jeune, il est. Il est ce qu’il veut. Vierge, il chante la débauche, sobre, l’ivrognerie. À propos de la jeunesse des poètes. Livres vécus, poèmes vécus. Consultez là-dessus M. Villemain. Malgré son amour incorrigible des solécismes, je doute qu’il avale celui-là. [Votre dégoûtant amour de la joie me fait penser à M. Véron, réclamant une littérature affectueuse. Votre goût de l’honnêteté n’est encore que du sybaritisme. M. Véron disait cela fort innocemment. Le Juif errant l’avait sans doute contristé. Lui aussi, il aspirait aux émotions douces et non troublantes.]Vous êtes un homme heureux. Voilà qui suffit pour vous consoler de toutes erreurs. Vous n’entendez rien à l’architecture des mots, à la plastique de la langue, à la peinture, à la musique, ni à la poésie. Consolez-vous, Balzac et Chateaubriand n’ont jamais pu faire de vers passables. Il est vrai qu’ils savaient reconnaître les bons. Quand le diable devient vieux, il se fait… … … … …berger ! Allez paître vos blancs moutons. Charles BAUDELAIRE.Bruxelles, 1865. » EN ANNEXE :Deux FRAGMENTS SIGNIFICATIFStirés desProjets de préface aux Fleurs du Malet de la Critique littéraire,et, pouvant servir de phrases d’exergue sur un programme : 1°) « La Beauté du Mal » : « […] Je sais que l’amant passionné du beau style s’expose à la haine des multitudes. Mais aucun respect humain, aucune fausse pudeur, aucune coalition, aucun suffrage universel ne me contraindront à parler le patois incomparable de ce siècle, ni à confondre l’encre avec la vertu. Des poètes illustres s’étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poétique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d’extraire la beauté du Mal. [343] » 2°) « D’implacables malédictions » : « La même raison qui fait une destinée malheureuse en fait une heureuse. Gérard de Nerval tirera du vagabondage, qui fut si longtemps sa grande jouissance, une mélancolie à qui le suicide apparaîtra finalement comme seul terme et seule guérison possibles. Edgar Poe, qui était un grand génie, se couchera dans le ruisseau vaincu par l’ivresse. De longs hurlements, d’implacables malédictions, suivront ces deux morts. Chacun voudra se dispenser de la pitié et répétera le jugement précipité de l’égoïsme : pourquoi plaindre ceux qui méritent de souffrir ? D’ailleurs le siècle considère volontiers le malheureux comme un impertinent. Mais si ce malheureux unit l’esprit à la misère, s’il est, comme Gérard, doué d’une intelligence brillante, active, lumineuse, prompte à s’instruire ; s’il est, comme Poe, un vaste génie, profond comme le ciel et comme l’enfer, oh ! alors, l’impertinence du malheur devient intolérable. Ne dirait-on pas que le génie est un reproche et une insulte pour la foule ! Mais s’il n’y a dans le malheureux ni génie ni savoir, si l’on ne peut trouver en lui rien de supérieur, rien d’impertinent, rien qui empêche la foule de se mettre de niveau avec lui et de le traiter conséquemment de pair à compagnon, dans ce cas-là constatons que le malheur et même le vice peuvent devenir une immense source de gloire. […] [344] »POSTFACE[1996. Ce manuscrit a traîné dans des maisons d’édition à l’époque. M. Jean-François Balmer, avec “son” adaptation des « Journaux intimes » de Baudelaire qui lui a permis de bien gagner sa vie en 2004 peut aller se rhabiller, je pense. Jugez-en vous-même. Simple fierté d’artisan. J’ai fait une thèse sur Baudelaire, jamais soutenue : mon “directeur” de thèse, uniquement préoccupé de sa propre “gloire” et de ses propres travaux, était un ami intime de Jean-François Lyotard, un ami de Jean-Luc Nancy… il connaissait Derrida, Barthes, & co… Bref, un “pur de pur” de l’orphéon postmoderne, en mon âme et conscience, objectivement, sans méchanceté : athée et cynique autant qu’on peut l’être, méprisant tout ce qui ne relevait pas de son petit univers auto-centré, incapable d’admiration, ne pratiquant que les sociétés d’admirations mutuelles mutualistes et lustreuses de l’amour propre. Une de ses caractéristiques les plus synecdotiquement singulières de sa haine de la vie — comme d’autres ont prêché « la haine de la poésie » ou « la haine de la musique »… — c’était son refus dandy de l’enfant, au prétexte baudelairien que « ça poisse les livres », et que « tout enfant, au départ, n’est qu’un petit salopard ». Sophiste inhumain et glacé, Alcofribas Nasier uniquement dispensateur d’une culture de mort radicalement a-humaniste, intelligence narcissique “brillante” — qui n’a jamais éclairé, cherché à éclairer qu’elle-même — et dont les livres nauséeux de rhétorique pure, sous des dehors de dentelle, fondée quasi tous sur l’onomastique, sont quasiment tous sans objet, il ne mérite même pas que je le nomme. Un des thèmes majeurs de ma thèse commencée en 1985 était « l’influence de la vie intra-utérine dans L’Œuvre de Charles Baudelaire » : cela ne vous rappelle-t-il pas Quignard ?… Mais qu’est-ce que Quignard auprès de Sandor Ferenczy et de son Thalassa de 1924 ?… Jansénistement : poudre de vent postmoderne, « vents et fumées »… poussière. Qu’est-ce que Quignard ? Pour moi, là encore sans méchanceté — je dis ce que je pense — : un faiseur onaniste et vain, à cet égard pur produit de la “pensée” postmoderne, en vérité, sa quintessence. Incapable d’altérité, un antiquaire qui s’auto-sodomise avec son propre langage : “celui qui écrit s’auto-sodomise, celui qui lit est le voyeur qui voit le sodomisé…” [varia de la formule de Quignard soi-même : « Celui qui écrit sodomise, celui qui lit est sodomisé », varia qui me semble plus proche de la vérité.] Du talent à revendre ? Sans aucun doute… mais une une seule question : qu’en fait-il ? Quelle finalité à ce qu’il écrit autre que pur jeu formel, jeu d’un esprit qui ne croit à rien, qui une fois encore hait la vie et se renferme sur soi-même, n’ayant que soi et ses fantasmes pour seule et unique religion ? Après le suicide de mon meilleur ami, j’ai décidé de ne plus faire aucun compromis, de couper les ponts avec toute cette clique désolante, que — voyant son absence d’ouverture, son esprit totalitaire, voire terroriste au besoin, — j’ai méprisée intuitivement dès la première seconde, puis avec une constance et une fidélité exemplaires à travers les années, mais il fallait pour avoir mes diplômes que je compose avec. Un jour, j’ai décidé de ne plus composer. Je ne suis pas « docteur », et je suis prof de Lycée [dans une boîte à bacs qui ne m’a jamais laissé le temps de souffler ni de me retourner pour m’en échapper, une boîte à bacs où je suis syndicaliste, où je fais dûment mon travail de « hussard de la République »], jusqu’à la retraite. Mais maintenant, je dis, je dis sur Polaire aujourd’hui tout haut ce que je pense, ce que j’ai toujours pensé, ce que je pensais jadis et naguère tout bas. Ainsi va la vie, qui n’est jamais ni tout aussi bonne, ni tout aussi mauvaise qu’on le croit… comme disait l’autre.] [1] .— William Shakespeare, in Théâtre Complet, traduit par Emile Montégut. Rééd. R.V.G., Genève, 1986, p. 1729. [2] .— Emile Montégut, écrivain, critique et traducteur français (1825-1895) débuta par une étude sur Emerson à La Revue des Deux Mondes, où il devint critique littéraire en 1857. Baudelaire lui adresse une lettre le Jeudi 18 janvier 1855 (in Correspondance, t. I, texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler, Paris, éd. Gallimard, « Bibliothèque de la Pléïade », 1973, p. 309) que M. Claude Pichois commente ainsi : « Émile Montégut est un des collaborateurs attitrés de La Revue des Deux Mondes et il a l’oreille de Buloz. C’est à lui qu’on impute la « petite note, bizarre et paternelle » (voir : la lettre à Buloz du 13 juin 1855, op. cit., p. 313), dont la rédaction de la revue accompagna la publication des Fleurs dans la livraison du Ier juin et qui résulta peut-être de divergences entre Buloz, V. de Mars [le secrétaire de la revue] et Montégut. » (Op. cit., p. 869.) — Montégut avait donc l’oreille de Buloz… [3] .— Toutes les références au texte baudelairien reportent la lectrice comme le lecteur avertis aux deux éditions de référence : Baudelaire, Œuvres complètes, (Œ ), texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois, éd. Gallimard, « Bibliothèque de la Pléïade », t. I & II, Paris, 1975-1976, & Correspondance (CPl ), texte établi, présenté et annoté par Claude Pichois avec la collaboration de Jean Ziegler, éd. Gallimard, « Bibliothèque de la Pléïade », t. I & II, Paris, 1973. [4] .— « KEEPSAKE. n. m. (1829) ; mot angl., de to keep « garder » et sake (for my sake « pour l’amour de moi »). Ancienn. Sorte de livre-album, généralement illustré de fines gravures, qu’il était de mode d’offrir en cadeau, comme souvenir, à l’époque romantique » in Le Petit Robert 1, rédaction dirigée par A. Rey et J. Rey-Debove, éd. Dictionnaires Le Robert, Paris, 1990, p. 1060. [5] .— Jean-Louis Cloët. Né le 24/11/1956 à Lille (France). Date de décès inconnue à ce jour, en suspens. Fondateur du Groupe LAZURISTE, « groupe humaniste révolutionnaire », lequel a exposé en novembre 1992 au Salon d’Automne du Grand Palais à Paris, et, Septembre 1993 à la Fondation Cziffra à Senlis. Rédacteur en chef animateur de l’organe du Groupe LAZURISTE : Polaire. Auteur de Ici, Saint-Jean de Valériscle, éd. GabriAndre, 1994, préface de Pierre Emmanuel, & de Poésie, visages de l’Absent, Saint-Jean de Valériscle, éd. GabriAndre, 1995. [6] .— Pour se mettre à la recherche précise de cette occurrence, il conviendra pour le lecteur de lire — ou de relire ! — L’Œuvre complet de Jean Genêt, et, ce de la façon la plus profitable, puisque ce fils maudit de william Blake, des illuminés du roman noir anglais, familier du Château d’Otrante, des Mystères d’Udolphe, du Moine et de Vathek, du Caïn (1821) de Byron, frère du monstre de Mary Shelley, est aussi un fils de Baudelaire. [7] .— « C’est en haussant à hauteur de vertu, pour mon propre usage l’envers des vertus communes que j’ai cru pouvoir obtenir une solitude morale où je ne serai pas rejoint. » Jean Genêt, in Pompes funèbres, éd. Gallimard, Paris 1949, p… ? — Le lecteur se verra dans l’obligation aussi de lire — ou de relire — profitablement Jean Genêt pour trouver la page. [8] .— Baudelaire, Œ, éd. cit., passim. [9] .— Op. cit. [10] .— Nadar : Charles Baudelaire intime, le poète vierge, A. Blaizot, Paris, 1911. Rééd. Ides & Calendes, coll. « La Bibliothèque des Arts », Neufchâtel, 1994, p. 136-137. [11] .— Éd. cit. [12] .— Clerc de notaire puis notaire à Neuilly-sur-Seine de 1832 à 1851, puis maire de la dite ville d’avril 1851 à décembre 1868, « sa fille, Louise-Eugénie, [précise Claude Pichois], née en 1833, épouse en janvier 1860 le capitaine Ferdinand Oreille (1820-1876), fils adultérin du duc de Berry et d’une danseuse de l’Opéra, Virginie Oreille » (in « Répertoire des personnes le plus souvent citées », CPl, II, 981) danseuse qui lui prêtait une oreille attentive… Né en 1820, lui aussi, le capitaine Oreille était donc le demi-frère, et donc la demi-paire en somme, du fils posthume du duc de Berry : Henri, duc de Bordeaux, alors dernier des Bourbons. Le duc de Berry, né à Versailles en 1778, second fils de Charles X, Comte d’Artois, ayant épousé Marie-Caroline-Ferdinande Louise de Naples en 1816 et lui ayant donné Henri, à titre posthume, car s’étant fait distraitement assassiner par l’activiste Louvel, en 1820 justement, juste au sortir de l’Opéra — …Vengeance voulue par le Ciel ! —, Maître Narcisse-Désiré Ancelle, notaire, maire de Neuilly d’avril 1851 à décembre 1868, était donc beau-père d’un prince de sang — à double titre ! —, …par l’oreille. (Voir, à cet égard : Les Oreilles du Comte de Chesterfield de Voltaire, commentées par Baudelaire, in Mon coeur mis à nu, XVIII., Œ, I, 687-688, pour la méditation.) [13] .— « À Madame Aupick, Ier avril 1861 », in CPl, II, 141. [14] .— « À Madame Aupick, [Paris¬,] 5 juin 1863 », éd. cit., 305. [15] .— Cette croyance relevant à la fois de la doctrine janséniste et des théories sur la réincarnation du jésuite allemand Athanasius Kircher auquel Baudelaire fait référence dans son texte Pauvre Belgique !, Œ, II, 954. [16] .— « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir jamais demeurer en repos, dans une chambre. » Blaise Pascal, in Pensées, 139. [17] .— Expression chère à Jean Cocteau. Voir : « De la ligne », in La Difficulté d’être, Monaco, éd. du Rocher, 1957, XXXIX, rééd. 10/18, 1964, p. 154-159. [18] .— « Morale du joujou », Œ, I, 581. [19] .— « A bon chat, bon rat ! » : proverbe français. [20] .— Ibid., éd. cit., p. 585. & « Le Joujou du pauvre », in Le Spleen de Paris, XIX, Œ, I, 304-305. [21] .— « À Narcisse Ancelle, [Bruxelles.] Jeudi 21 décembre 1865 » : « […] j’ai été saisi par une névralgie à la tête qui dure depuis plus de quinze jours ; vous savez que cela rend bête et fou ; et pour pouvoir vous écrire aujourd’hui à vous, à Lemer et à ma mère, j’ai été obligé de m’emmailloter la tête dans un bourrelet que j’imbibe d’heure en heure d’eau sédative. Les crises sont moins violentes que l’an passé, mais le mal dure bien plus longtemps. […] Ma coiffure fait scandale, même dans la cour. » in CPl, II, 548- 550, passim. [22] .— Carnet, p. 7, Œ, I, 78. [23] . Mon coeur mis à nu, XLI, Œ, I, 704. [24] .— Carnet, p. 7, op. cit. [25] .— Ibid., p. 109, Œ, I, 777. [26] .— Fusées, V, Œ, I, 652. [27] .— Carnet, p. 12, Œ, I, 722. [28] .— Op. cit., p. 32, Œ, I, 733. [29] .— Op. cit., p. 12, Œ, I, 722. [30] .— Mon coeur mis à nu, XXXIX, Œ, I, 702. [31] .— Carnet, p. 12, Œ, I, 722. [32] .— Fusées, VIII, Œ, I, 655. [33] .— Canevas des Lettres d’un Atrabilaire, Œ, I, 781. [34] .— Carnet, p. 35, Œ,I, 734. [35] .— Fusées, XIII, Œ, I, 662. [36] .— Carnet, p. 33, Œ, I, 733. [37] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau.], Œ, I, 710. [38] .— Carnet, p. 51, Œ, I, 742. [39] .— Mon coeur mis à nu, XXIV, Œ, I, 691. [40] .— Carnet, p. 51, op. cit., I, 691. [41] .— Mon coeur mis à nu, XXVIII, Œ, I, 695. [42] .— Carnet, p. 51, op. cit. [43] .— Mon coeur mis à nu. XXVIII, Œ, I, 694. [44] .— Op. cit., XLV, Œ, I, 706. [45] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [46] .— Mon coeur mis à nu, XXIX, Œ, I, 695. [47] .— Fusées, XV, Œ, I, 665. [48] .— Ibid. [49] .— Op. cit., XV, Œ, I, 664-665, passim. [50] .— Mon coeur mis à nu, XXVIII, Œ, I, 694. [51] .—Canevas des Lettres d’un atrabilaire, Œ, I, 782. [52] .— Mon coeur mis à nu, VIII, Œ, I, 681. [53] .— Op. cit., XXVIII, Œ, I, 694. [54] .— Carnet, p. 51, op. cit. [55] .— Mon coeur mis à nu, XXXVI, Œ, I, 700. [56] .— Op. cit., XV, Œ, I, 685. [57] .— Ibid. [58] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [59] .— Mon coeur mis à nu, XV, Œ, I, 685. [60] .— Op. cit., XXXVIII, Œ, I, 702. [61] .— Op. cit., XV, Œ, I, 685. [62] .— Op. cit., XIX, Œ, I, 688. [63] .— Op. cit., XXVII, Œ, I, 694. [64] .— Op. cit., XXXVI, Œ, I, 700. [65] .— Op. cit., XXIX, Œ, I, 695. [66] .— Op. cit., XI, Œ, I, 683. [67] .— Op cit., XXIX, Œ, I, 695. [68] .— Ibid. [69] .— Op. cit., XXIX, Œ, I, 695. [70] .— Op. cit., XXVIII, Œ, I, 694. [71] .— Op. cit., XLV, Œ, I, 706. [72] .— Op. cit., XV, Œ, I, 685. [73] .— Op. cit., XXIII, Œ, I, 691. [74] .— Ibid. [75] .— Op. cit., XXXVII, Œ, I, 701. [76] .— Ibid. [77] .— Op. cit., XV, Œ, I, 685. [78] .— Op. cit., XXI, Œ, I, 689. [79] .— Canevas des Lettres d’un atrabilaire, Œ, I, 782. [80] .— Ibid. [81] .— L’usage régulier du laudanum est la cause de fréquentes diahrées suivies de constipations et vice-versa. [82] .— Canevas des Lettres d’un atrabilaire, Œ, I, 781. [83] .— Op. cit., Œ, I, 782. [84] .— Ibid. [85] .— Mon coeur mis à nu, XXXI, Œ, I, 696. [86] .— Op. cit., 697. [87] .— Op. cit., II, Œ, I, 676-677. [88] .— Fusées, VI, Œ, I, 653. [89] .— Ibid. [90] .— Hygiène , VI : « Hygiène. Conduite. Méthode. », Œ, I, 672. [91] .— Op. cit. [92] .— Op. cit. [93] .— Carnet, p. 12, op. cit. [94] .— Ibid. [95] .— Ibid. [96] .— Ibid. [97] .— Hygiène, IV : « Hygiène. Conduite. Morale. », Œ, I, 670. [98] .— Mon coeur mis à nu, X, Œ, I, 682. [99] .— « À Madame Aupick, [Bruxelles.] jeudi 16 [juin 1864]. », in CPl, II, 382-383, passim. [100] .— « À Narcisse Ancelle, [Bruxelles.] 14 juillet [1864] — Jeudi. », Ibid., 387-388, passim. [101] .— « À Madame Aupick, [Bruxelles.] 31 juillet [1864]. », Ibid., 390-392, passim. [102] .— « À Madame Aupick, [Bruxelles.] 8 août 1864]. », Ibid., 393-394, passim. [103] .— Ibid. p. 396. [104] .— « À Madame Aupick, [Bruxelles.] Dimanche matin 14 [août 1864]. », Ibid., 396-397, passim. [105] .— « À Narcisse Ancelle, [Bruxelles.] 2 sept[embre 18]64. », Ibid., 403-405, passim. [106] .— Ibid. [107] .— Stéphane Mallarmé. « Brise marine », 1865. Repris in Poésies, XV, Paris, éd. de L’Imprimerie Nationale, 1986, p. 81. Ce poème est un de ceux qui ont le plus été influencés par Charles Baudelaire, plus spécialement par « Le Voyage » et par « Parfum exotique ». [108] .— Fusées, IV, Œ, I, 652. [109] .— Op. cit., VII, Œ, I, 654. [110] .— Op. cit., XIII, Œ, I, 662. [111] .— « Oneirocritée », cité in Charles Baudelaire intime, le poète vierge, de Nadar, Paris, A. Blaizot, éditeur, 1911. Rééd. cit., p. 136-137. [112] .— Faut-il lire, ici, une allusion au duc de Berry et à Maître Ancelle ? — C’est peu probable… [113] .— « Oneirocritée », Op. cit. [114] .— Ibid. [115] .— Hygiène, I : « Fusées. Hygiène. Projets. », Œ, I, 668. [116] .— Fusées, XI, Œ, I, 659. Repris dans « Perte d’auréole », in Le Spleen de Paris, XLVI, Œ, I, 352. [117] .— Fusées, VI, Œ, I, 653. [118] .— Ibid. [119] .— Fusées, XI, Œ, I, 659. [120] .— Hygiène, VI : « Hygiène. Conduite. Méthode. », Œ, I, 672. [121] .— Mon coeur mis à nu, XXV, Œ, I, 693. [122] .— Hygiène, VI : « Hygiène. Conduite. Méthode. », Œ, I, 672. [123] .— Fusées, VI, Œ, I, 654. [124] .— Op. cit., XI, Œ, I, 658. [125] .— Op. cit., XIV, Œ, I, 663. [126] .— Carnet, p. 32, Œ, I, 733. [127] .— Fusées, XIV, Œ, I, 663. [128] .— Op. cit., XIII, Œ, I, 662. [129] .— Op. cit., IV, Œ, I, 652. [130] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [131] .— Fusées, VIII, Œ, I, 655. [132] .— Ibid. [133] .— Mon coeur mis à nu, XXVII, Œ, I, 676. [134] .— Op. cit., XLV, Œ, I, 706. [135] .— Op. cit., XXVII, Œ, I, 694. [136] .— Fusées, XV, Œ, I, 664. [137] .— Op. cit., XI, Œ, I, 660. [138] .— Les Fleurs du Mal, « Tableaux parisiens », XCIII, « À une passante », Œ, I, 92-93. [139] .— Fusées, XI, Œ, I, 660. [140] .— Op. cit., XV, Œ, I, 664. [141] .— Les Fleurs du Mal, « Tableaux parisiens », XCIII, « À une passante », op. cit. [142] .— Fusées, XV, Œ, I, 664. [143] .— Hygiène, II : « Fusées », Œ, I, 669. [144] .— Hygiène, III : « Notes précieuses », Œ, I, 670. [145] .— Hygiène, I : « Hygiène. Morale », Œ, I, 668. [146] .— Hygiène, II : « Hygiène », Œ, I, 669. [147] .— Carnet, p. 109, Œ, I, 777. [148] .— Hygiène, IV : « Hygiène. Morale. Conduite. », Œ, I, 671. [149] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [150] .— Fusées, XI, Œ, I, 658. [151] .— Hygiène, VII : « Hygiène. Conduite. Méthode. », Œ, I, 673. [152] .— Fusées, I, Œ, I, 649. [153] .— Carnet, p.78, Œ, I, 756. [154] .— Ibid. p.77, Œ, I, 755. [155] .— Ibid. [156] .— Hygiène, VI : « Hygiène. Conduite. Méthode. », Œ, I, 671. [157] .— Fusées, IX, Œ, I, 656. [158] .— Mon coeur mis à nu, VIII, Œ, I, 681. [159] .— Op. cit., IX, Œ, I, 682. [160] .— Op. cit., XLVII, Œ, I, 707. [161] .— Fusées, XIV, Œ, I, 663. [162] .— Mon coeur mis à nu, XLIV, Œ, I, 705-706. [163] .— Fusées, XIV, Œ, I, 663. [164] .— Mon coeur mis à nu, XXXII, Œ, I, 697. [165] .— Op. cit., XXXIII, Œ, I, 698. [166] .— Op. cit., XXIX, Œ, I, 695. [167] .— Fusées, XV, Œ, I, 664. [168] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [169] .— Fusées, I , Œ, I, 649. [170] .— Mon coeur mis à nu, XLIII, Œ, I, 705. [171] .— Fusées, XII, Œ, I, 661. [172] .— Mon coeur mis à nu, XXXI, Œ, I, 696. [173] .— Hygiène, II : « Fusées », Œ, I, 669. [174] .— Mon coeur mis à nu, IV, Œ, I, 678. [175] .— Aphorismes [Sur un croquis d’interview par Nadar], Œ, I, 710. [176] .— Mon coeur mis à nu, XLV, Œ, I, 706. [177] .— Op. cit., XX, Œ, I, 688-689. [178] .— Op. cit., III, Œ, I, 678. [179] .— Op. cit., XI, Œ, I, 682-683. [180] .— Op. cit., XXV, Œ, I, 692. [181] .— Op. cit., XXXIII, Œ, I, 698. [182] .— Op. cit., XLV, Œ, I, 706. [183] .— Op. cit., XL, Œ, I, 703. [184] .— Op. cit., XXVII, Œ, I, 693. [185] .— Op. cit., XLIII, Œ, I, 705. [186] .— Op. cit., XL, Œ, I, 7O3. [187] .— Aphorismes [Dans le carnel d’Asselineau], Œ, I, 710. [188] .— Mon coeur mis à nu, XXXVI, Œ, I, 700. [189] .— Fusées, I, Œ, I, 649. [190] .— Ibid. [191] .— Mon coeur mis à nu, XLII, Œ, I, 704. [192] .— Op. cit., XXXIX, Œ, I, 702. [193] .— Op. cit., IX, Œ, I, 682. [194] .— Fusées, I, Œ, I, 649. [195] .— Op. cit., V, Œ, I, 653. [196] .— Mon coeur mis à nu, XXXVI, Œ, I, 700. [197] .— Op. cit., XXVIII, Œ, I, 695. [198] .— Op. cit., IX, Œ, I, 682. [199] .— Op. cit., XLII, Œ, I, 704. [200] .— Op. cit., XXVI, Œ, I, 693. [201] .— Op. cit., III, Œ, I, 678. [202] .— Ibid. [203] .— Op. cit., XXVII, Œ, I, 694. [204] .— Op. cit., III, Œ, I, 677. [205] .— Fusées, XII, Œ, I, 661. [206] .— Mon coeur mis à nu, XXI, Œ, I, 689. [207] .— Op. cit., XX, Œ, I, 689. [208] .— Op. cit. , XXXIII, Œ, I, 698. [209] .— Fusées, V, Œ, I, 653. [210] .— Mon coeur mis à nu, XVI, Œ, I, 686. [211] .— Op. cit., XVII, Œ, I, 686-687. [212] .— Op. cit., XXVI, Œ, I, 693. [213] .— Op. cit., XIV, Œ, I, 684-685, passim. [214] .— Op. cit., XXX, Œ, I, 695-696. [215] .— Op. cit., XLII, Œ, I, 704. [216] .— Fusées, III, Œ, I, 651. [217] .— Op. cit., Œ, I, 652. [218] .— Mon coeur mis à nu, XXXVIII, Œ, I, 701. [219] .— Fusées, I, Œ, I, 650. [220] .— Op. cit., XI, Œ, I, 660. Repris in Le Spleen de Paris, XLIII, « Le Galant tireur », Œ, I, 349. [221] . — Fusées, XI, Œ, I, 659. [222] .— Mon coeur mis à nu, XII, Œ, I, 683. [223] .— Op. cit., XXVI, Œ, I, 693. [224] .— Op. cit., XII, Œ, I, 683. [225] .— Ibid. [226] .— Op. cit., XVIII, Œ, I, 687-688. [227] .— Op. cit., XXXVIII, Œ, I, 701. [228] .— Fusées, XI, Œ, I, 660. [229] .— Mon coeur mis à nu, XXCVII, Œ, I, 693. [230] .— Op. cit., XXXIX, Œ, I, 702. [231] .— Op. cit., XXI, Œ, I, 689. [232] .— Op. cit., VII, Œ, I, 680. [233] .— Op. cit., VIII, Œ, I, 681. [234] .— Op. cit., XIII, Œ, I, 684. [235] .— Ibid. [236] .— Ibid. [237] .— Fusées, II, Œ, I, 650. [238] .— Mon coeur mis à nu, VI, Œ, I, 680. [239] .— Op. cit., XLV, Œ, I, 706. [240] .— Ibid. [241] .— Fusées, II, Œ, I, 650. [242] .— Op. cit., XIII, Œ, I, 662. [243] .— Mon Coeur mis à nu, XXVIII, Œ, I, 695. [244] .— Op. cit., VI, Œ, I, 679. [245] .— Op. cit., V, Œ, I, 679. [246] .— Op. cit., XVIII, Œ, I, 687. [247] .— Op. cit., XXXIV, Œ, I, 698. [248] .— Op.cit., XXXVI, Œ, I, 700. [249] .— Op.cit., XXXI, Œ, I, 696. [250] .— Op. cit., XLVI, Œ, I, 707. [251] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [252] .— Fusées, I, Œ, I, 649. [253] .— Op. cit., XII, Œ, I, 661. [254] .— Op. cit., XI, Œ, I, 659. [255] .— Ibid. [256] .— Op. cit., Œ, I, 658. [257] .— Mon coeur mis à nu, XI, Œ, I, 682. [258] .— Hygiène : « Hygiène. Conduite. Morale. »,Œ, I, 669. [259] .— Mon coeur mis à nu, XXIV, Œ, I, 691. [260] .— Hygiène , I : « Fusées. Hygiène. Projets », Œ, I, 668. [261] .— Mon coeur mis à nu, XXXI, Œ, I, 696. [262] .— Op. cit., I, Œ, I, 676. [263] .— Fusées, X, Œ, I, 657-658, passim. [264] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [265] . — Fusées, VIII, Œ, I, 656. [266] .— Op. cit., VI, Œ, I, 653. [267] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [268] .— Op.cit., XXXVIII, Œ, I, 701. [269] .— Fusées, XI, Œ, I, 659. [270] .— Op. cit., Œ, I, 658. [271] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [272] .— Fusées, XI, Œ, I, 659. [273] .— Op. cit., Œ, I, 658. [274] .— Ibid. [275] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [276] .— Fusées, XII, Œ, I, 661. [277] .— Ibid. [278] .— Op. cit., V, Œ, I, 653. [279] .— Mon coeur mis à nu, XXXVI, Œ, I, 700. [280] .— Fusées, I, Œ, I, 649. [281] .— Mon coeur mis à nu, XXXVI, Œ, I, 700. [282] .— Op. cit., I, Œ, I, 676. [283] .— Fusées, XI, Œ, I, 658. [284] .— Op. cit., XII, Œ, I, 661. [285] .— Ibid. [286] .— Op. cit., XI, Œ, I, 660. [287] .— Op. cit., XII, Œ, I, 661. [288] .— Ibid. [289] .— Op. cit., I, Œ, I, 649. [290] .– Op. cit., V, Œ, I, 652. [291] .— Op. cit., IV, Œ, I, 652. [292] .— Pensées d’Album, [Dans l’Album d’ Edouard Gardet], Œ, I, 709. [293] .— Fusées, XIII, Œ, I, 662. [294] .— « Lettre à Jules Janin », Œ, I, 234. [295] .— Fusées, V, Œ, I, 653. [296] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [297] .— Fusées, VII, Œ, I, 654. [298] .— Op. cit., XI, Œ, I, 660. [299] .— Hygiène, VI : « Hygiène. Conduite. Méthode. », Œ, I, 672. [300] .— Fusées, XII, Œ, I, 661. [301] .— Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [302] .— Op. cit., VII, Œ, I, 680. [303] .— Fusées, IX, Œ, I, 657. [304] .— Op. cit., XII, Œ, I, 661. [305] .— Voir : Mon coeur mis à nu, XXVII, Œ, I, 693. [306] .— Voir : Fusées, XII, Œ, I, 661. [307] .— Voir : Mon coeur mis à nu, XXVII, Œ, I, 693. [308] .— Fusées, XII, Œ, I, 661. [309] .— Op. cit., VII, Œ, I, 654. [310] .— Mon coeur mis à nu, XI, Œ, I, 682-683, passim. [311] .— Op. cit., I, Œ, I, 676. [312] .— Op. cit., XI, Œ, I, 682-683, passim. [313] .— Pensées d’Album [Dans l’Album de Philoxène Boyer], Œ, I, 709. [314] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [315] .— Ibid. [316] .— Voir : Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [317] .— Fusées, XI, Œ, I, 660. [318] .— Voir : Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [319] .— Fusées, XII, Œ, I, 661. [320] .— Voir : Mon coeur mis à nu, I, Œ, I, 676. [321] .— Fusées, XI, Œ, I, 660. [322] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [323] .— Mon coeur mis à nu, XL, Œ, I, 703. [324] .— Op. cit., XXXI, Œ, I, 696. [325] .— Fusées, XV, Œ, I, 665. [326] .— Ibid. [327] .— Op. cit., XIII, Œ, I, 662. [328] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [329] .— Fusées, XV, Œ, I, 665-667. [330] .— Mon coeur mis à nu, XLI, Œ, I, 703-704, passim. [331] .— Aphorismes [Dans le carnet d’Asselineau], Œ, I, 710. [332] .— Avant-propos, I, in « Edgar Poe, sa vie et ses oeuvres », Œ, II, 296-297, passim. [333] .— Mon coeur mis à nu, XXXI, Œ, I, 696. [334] .— Op. cit., XXXIX, Œ, I, 702. [335] .— Fusées, VI, Œ, I, 654. [336] .— Mon coeur mis à nu, X, Œ, I, 682. [337] .— Voir : op. cit., XXXIX, Œ, I, 702. [338] .— Voir : Fusées, VI, Œ, I, 654. [339] .— Voir : Mon coeur mis à nu, XL, Œ, I, 703. [340] .— « Crénom ! » est le dernier mot que Baudelaire pourra prononcer dans les jours qui suivront son attaque du 15 Mars 1866, à l’Église Saint-Loup de Namur, en compagnie de Rops, et, ce jusqu’à sa mort le 31 août 1867, à la Clinique hydrothérapique du Docteur Duval, rue du Dôme, dans le quartier de Chaillot. Des fenêtres de la clinique, aux dires de Nadar — le libertin — dans son Charles Baudelaire intime, le poète vierge (op. cit., éd. cit., p. 139-140), lorsqu’ils « discuteront » de l’existence de Dieu, Baudelaire — ironie du sort ultime ? — pourra bénéficier de la vue de l’Arc-de-Triomphe. [341] .— Voir : « Lettre à Jules Janin », Œ, II, 231-240, passim. La lettre était constituée de notes éparses. Je me suis amusé à recomposer le texte, mais attention : le présent montage ne contient pas tous les fragments ; quelques-uns ont été écartés par souci de cohérence d’abord, de concision ensuite, pour éviter ce qui me semblait relever de la répétition ou de l’anecdote ; bien évidemment — comme tous les choix — mon choix est contestable ; mais je pense n’avoir par trahi la pensée profonde de Baudelaire, ce que Cocteau eut appelé : « sa ligne ». Ainsi réalisé, ce montage peut constituer une excellente introduction au spectacle reproduit dans un tract qui présenterait le projet. [342] .— Ci après, une note de M. Michel Jamet, in Baudelaire, Œuvres complètes, éd. R. Laffont, coll. « Bouquins », Paris, p. 974. « Sous le pseudonyme d’Éraste, Jules Janin avait donné le 11 février 1865, dans L’Indépendance Belge, un article où il s’en prenait à l’ironie amère de Henri Heine qu’il accusait de manquer de la « charmante ivresse de ses vingt ans ». Janin tout en faisant, entre autres, l’apologie de Béranger, terminait ainsi son article : » […][Heine] n’a pas connu, de son vivant, la douce volupté des larmes ; il n’en a pas fait répandre sur son cercueil ». On devine l’indignation de Baudelaire qui pourtant ne donna pas suite à son projet de réponse, écrivant : « Puis la chose faite, content de l’avoir faite, je l’ai gardée ; je ne l’ai envoyée à aucun journal. » » [343] .— Projets de préfaces, « Préface des Fleurs », I, Œ, I, 181. [344] .— Critique littéraire : « Sur mes contemporains », VI, « Hégésipe Moreau », Œ, II, 156-157. Voies (textes critiques)