Être un jeune Iranien, aujourd’hui Azad Im, 20 décembre 20077 août 2023 Un très jeune Iranien s’exprime sur l’avenir de son pays, sur les raisons qui le font vivre, sur l’espérance qu’il s’invente pour ouvrir l’horizon de sa vie. Il déplore l’image dégradée que l’on répand en Occident sur son pays et sur son peuple, qui sont tous deux chers à son cœur. Il entend cet article comme un « droit de réponse » aux accusations sans cesse ânonnées contre son peuple et son pays. Chaque fois que le terme « Iran » est employé, que ce soit à la télévision, à la radio, ou dans les autres médias, on sent résonner un grincement comme si ce mot était péjorativement connoté. Lorsque les médias mentionnent cette Nation, il est facile de deviner qu’il sera question d’évoquer la crise du nucléaire, « les Droits de l’Homme » bafoués, le tchador… : et, en définitive, de parler en mal du pays. Le peuple iranien n’a cessé d’être diabolisé et caricaturé à cause d’un régime renvoyant une image déformée de son peuple, via des journalistes crédules ou mal informés « prenant trop à cœur » leur métier, souhaitant rendre « attrayants » leur documentaires… c’est ainsi que bon nombre d’amalgames se font. Comme le prouvent à la fois l’expérience et les faits, pour la plupart les Occidentaux sont persuadés — qu’ils soient cultivés ou non — que la population iranienne cautionne massivement et sans réserve une République théocratique qualifiable de « totalitaire », sexiste et antisémite […], alors qu’elle est par elle soumise. Là est le problème : on a fait croire que le régime des mollahs est soutenu par une population pro-shi’ite remplie de fanatiques islamistes se pliant aux lois moyenâgeuses de la Charia avec plaisir. Certains seraient prêts à parier que le pays abrite massivement des disciples de Ben Laden ou des kamikazes voulant s’exploser sur Israël. De la même manière, on a fait croire que le peuple s’est soulevé en 79 pour remplacer le Shah par un régime plus ferme et dictatorial. Peut-on croire une seconde que les Iraniens ont voté et élu démocratiquement Ahmadinejad : un candidat ultra-conservateur ayant pour ambition de rayer de la carte Israël et de renforcer les mesures répressives à une écrasante majorité ? Les seuls défenseurs de ce régime sont les bénéficiaires du système, soit les membres des institutions cléricales, juridiques, ainsi que des autorités du « Respect de l’Ordre Civique » qui regroupe : la police des mœurs, les espions, la police politique… Si on ne peut pas nier que des citoyens soutiennent les hauts dirigeants de l’État et son fonctionnement, ils ne sont qu’une minorité. Ce sont en général des personnes issues de milieux ruraux qui n’ont pas eu accès à l’éducation, et, dans ces familles, les valeurs religieuses sont fortes et très poussées. Il ne faut jamais généraliser ! C’est la raison pour laquelle, quand on parle de l’Iran, il faudrait toujours différencier l’État iranien — non représentatif — du peuple en son entier. Jamais les Iraniens ne se sont sentis aussi humiliés depuis la défaite de Darius III à Gaugamèles face à Alexandre qu’au vu de la situation actuelle du pays, politiquement parlant. Il est clair que pour les héritiers de l’Empire Perse, l’existence de la République islamique est une honte. Le bourrage de crânes qu’orchestrent les autorités — que ce soit sur les élèves du primaire, les étudiants en faculté, ou encore, de manière plus banale, via les médias, dans les foyers, — a eu pour conséquence en vérité un courant athéïste qui s’accentue et qui touche majoritairement les jeunes mais aussi, également oui, la génération qui a vécu la révolution et la guerre. Cette radicalisation de l’Islam que symbolisent ces deux événements fut très mal vécue par beaucoup, et, si nous établissons des comparaisons, nous vivons aujourd’hui une situation qui n’existait pas sous les différents règnes et dynasties précédant 79. Un comble pour un État où le pouvoir émane de Dieu. Le bourrage de crânes s’effectue sous forme de mouvances propagandistes à l’aide de représentations picturales de Khomeyni, de martyrs […] omniprésentes dans les rues, ou encore par le biais de l’éducation avec des cours de culture religieuse dépassant les lois de l’éthique. La société tente au maximum de faire preuve de non coopération comme ce fut le cas lors de l’appel à la mobilisation devant l’Ambassade danoise suite aux caricatures de Mahomet. Cet appel ne rassembla de fait devant l’Ambassade qu’une quarantaine, voire seulement une trentaine de personnes envoyant des pierres et des cocktails molotov. Cette information concernant cette manifeste manipulation médiatique ne parvint nonobstant que très vaguement aux Occidentaux croyant en l’anarchie totale sur le plateau iranien, puisque les vidéos et clichés ont été pour beaucoup censurés. Ils représentaient clairement l’impopularité du gouvernement. Les Iraniens ont en effet « l’immense chance » — j’ironise, bien sûr — de disposer d’un ministère de la censure qui est un des plus efficaces dans le monde. Absolument toutes les informations passent par celui-ci. C’est pourquoi il est rare de voir à la télévision un feuilleton télévisé américain ou un quelconque film américain en entier ; les sites internet sont également pratiquement tous inaccessibles ; quant aux émissions diffusées à la télévision d’État, elles ne sont jamais diffusées en direct, mêmes les matchs de foot. La censure… c’est aussi le sort qui est réservé aux mouvements de révolte et aux manifestations se faisant pourtant de plus en plus nombreux. Les formes de soulèvements les plus courants sont menés par des femmes courageuses n’hésitant pas à mettre leur vie en danger. Elles souhaitent faire valoir leurs droits et interpeller les Institutions Internationales, mais cela ne donne bien évidemment jamais les résultats escomptés, et, ces femmes finissent très souvent emprisonnées. Il n’est pas non plus rare de voir des mouvements isolés de sédition menés par des jeunes : la jeunesse représentant aujourd’hui soixante pour cent de la population iranienne, et l’avenir se laissant présager étant noir. Les jeunes issus d’une génération n’ayant connu que l’oppression subissent un harcèlement quotidien. Il est devenu courant — même trop courant — que des enfants soient détenus dans de vastes réseaux de prostitution ; de même, on dénombre quatre millions de drogués étant dans l’ensemble âgés de quinze à vingt cinq ans. L’Iran est en effet pays frontalier plus grand pays producteur d’opium au monde. Et si, face à cet état de fait, on peut s’en prendre aux hommes d’État, c’est parce qu’on peut les accuser eux-mêmes de faire circuler les drogues sur le sol iranien après leurs saisies à la frontière afghane : une combine ingénieuse qui a pour but de soumettre et de rendre impuissante et d’annihiler la jeunesse iranienne qui aurait dû pourtant être la marque d’un dynamisme massif, aujourd’hui inexistant. Si les politiques agissent ainsi, c’est très certainement pour qu’un jour ne puisse exister un très grand mouvement de coalition et d’insurrection massive qu’orchestreraient les jeunes — majoritaires démographiquement — pour en finir définitivement avec la tyrannie. Ainsi va la République islamique. Cette thèse avancée est presque irréfutable puisqu’on constate que seules les personnes important les drogues sont arrêtées et que les consommateurs n’ont aucune crainte et n’hésitent même pas à se piquer dans les parcs publics. Il est de nos jours beaucoup plus facile de se procurer une dose quotidienne de crack qu’un litre de lait en Iran : c’est la terrible réalité. Des mesures aberrantes sont chaque jour adoptées pour assujettir et pousser à bout les individus. L’Iran a en effet mis en place un plan de restrictions de consommation d’essence par mois ; par mois, chaque automobiliste ne dispose que de cent litres d’essence en effet : étonnant pour le quatrième producteur de pétrole au monde. D’autres mesures aussi absurdes ont été promulguées comme l’interdiction de porter une coupe de cheveux à l’occidentale… ou encore de porter un pantalon court, des vêtements trop colorés… sous peine d’être embarqué par la police. Toutes ces restrictions et consignes ne sont bien sûr pas respectées au pied de la lettre, en signe de protestation, mais à tout moment dans le pays, pour toute citoyenne et tout citoyen, le risque de se faire arrêter existe… et il s’en suit pour la plupart de ceux qui se feront arrêter : la torture. Ces derniers temps, suite aux multiples mesures sidérantes adoptées, des émeutes se sont de plus en plus radicalisées : il est arrivé que des Mollahs soient brûlés vifs en pleine rue de Qom (ville berceau de l’Islam, instrumentalisée) ou que des pasdarans (gardes de la révolution) soient tués lors d’affrontements. C’est là un signe fort qui marque la rupture et le fossé entre hauts dirigeants et civils. Toutefois, toutes ces formes de rebellions ne sont pas assez soutenues ni organisées pour espérer un jour renverser le pouvoir. Des coalitions ont été créées telle l’O.M.P.I. (Organisation des Moudjahidines du Peuple Iranien) mais leurs partisans furent très vite éliminés par la police politique, laquelle est plus que jamais organisée de nos jours. Elle procède très souvent à des arrestations de masse pour ramener « l’ordre » le plus vite possible, faire taire le bruit d’une révolte, et châtier les fauteurs de troubles. C’est aussi le sort réservé aux femmes peu vêtues dans la rue, aux homosexuels, aux opposants politiques, aux couples qui se tiennent main dans la main… : où va-t-on ? Si les Iraniens gardent encore la tête haute et se sentent unis, c’est bien parce qu’ils sont fiers d’un passé glorieux, de leur puissant État connu sous le nom d’« Empire Perse ». Un passé au long cours datant de 3200 avant Jésus-Christ, avec une des premières civilisations créée en marge de celle de la Mésopotamie, connue sous le nom de Proto-Élamite. Au fil des siècles et des millénaires, se constitua un empire qui régna des siècles dans le Moyen-Orient. Un passé très précieux que préservent les Iraniens. Quiconque oserait toucher à cet âge d’or ferait scandale… : ce qui survint lors de l’apparition du cinématographe, puisque les Perses sont souvent dépeints dans les films comme étant des barbares… représentation, bien évidemment, complètement caricaturale. Les Iraniens ne sont pas non plus à confondre avec les Arabes, mais leur passé est étroitement lié suite aux invasions arabes et à l’échange culturel consécutif à la diffusion de l’Islam. Il n’est d’ailleurs pas nécessaire de fouiller loin dans les archives pour découvrir que l’Iran était une puissance régionale alors, voire mondiale. C’est sous la dynastie des Pahlavi et sous le règne de Mohammad Reza Shah que l’Iran, deuxième pays détenteur de gaz et quatrième pays producteur de pétrole — pays se préparant à se doter du nucléaire — aurait pu, selon les experts, devenir une grande puissance mondiale… si son essor n’avait pas été stoppé net en mai 1979. Dommage que les États-majors de l’Ouest aient tout gâché. Un fait difficile à avaler lorsque l’on constate ce qu’est aujourd’hui devenu l’Iran, pays qui compte le taux de drogués, de dépressifs et de suicides le plus élevé du monde. Il est question à présent d’une éventuelle intervention militaire sur le sol iranien depuis la découverte du programme d’enrichissement en uranium poussé. Les hauts dirigeants d’Occident souhaitent enfin réparer leurs erreurs… mais c’est parce qu’ils se sentent concernés par l’éventualité d’un Iran avec la bombe atomique. Espérons juste que les décisions prises auront des conséquences bénéfiques pour l’entente entre les Nations au sein de la Communauté Internationale et qu’ils agiront avant tout dans l’intérêt de délivrer un peuple qui tente de dénouer une situation qui dure depuis vingt huit ans ; espérons qu’ils ne réitéreront pas la bêtise monumentale de 1979, année d’une révolution en marche qui a été volée par l’Occident, qui en paie aujourd’hui les conséquences, puisque l’on peut considérer cette année comme étant le début de la radicalisation de l’Islam en Orient et de la création du terrorisme. Puisse notre peuple, puisse la jeunesse d’Iran, de mon pays, pouvoir dire un jour, demain : AZAD’ IM (« Nous sommes libres »).[Corrélats : « L’Islam, une religion de paix » : http://utopiktulkas.free.fr/polaire/spip.php?article38 ; & « Du romantisme islamiste » : http://utopiktulkas.free.fr/polaire/spip.php?article30]APOSTILLE POUR MIEUX COMPRENDRE LA RÉVOLUTION IRANIENNE :Nous sommes début 1978 ; les premiers mouvements de révoltes furent orchestrés par les intellectuels et étudiants en faculté dans leur très grande majorité laïcs et Marxistes-léninistes ou simplement de gauche et religieux modérés comme en témoigne les partisans de l’OMPI ayant une forte côte de popularité alors chez les jeunes et les étudiants. Ils seront très vite suivis par les classes moyennes et ouvrières s’étant pesamment mis en grève, bloquant ainsi l’économie du pays. Parallèlement, les mollahs et autres membres du clergé « au service de Dieu » prêcheront dans les mosquées et inciteront chacun à participer aux mouvements de sédition rassemblant ainsi beaucoup plus de personnes. Il faut savoir qu’à l’époque, les valeurs religieuses étaient très fortes — beaucoup plus qu’aujourd’hui — d’autant plus que les « hommes de Dieu » étaient des personnes respectées de tous ; ils incarnaient concrètement la douceur d’esprit, la patience, la foi, la philosophie… Ils étaient donc loin d’être corrompus comme le sont, aujourd’hui, la majorité d’entre eux en Iran. Chaque jour les manifestants étaient plus nombreux, empêchant ainsi le Shah d’opérer massivement à des arrestations. Les affrontements entre forces de l’ordre et la foule tourneront peu à peu à l’avantage de la population puisque les soldats entreront en mutinerie refusant de tirer sur la foule. Ils réclamaient tous la même chose dans les rues : la liberté, la fin de l’autocratie, le droit de vote, le pluralisme politique, le départ du Shah….Et la fin de l’impérialisme américain en Iran.Pour mieux comprendre les faits, contextualisons : durant tout son règne, Mohammad Reza Shah était considéré par certains comme étant le pantin du Président des États-Unis, de M. Jimmy Carter, et son plus grand allié par d’autre. Au vu des circonstances qui suivront en 79, le premier avis paraît plus logique. Il servait de très bon intermédiaire pour faire régner son autorité dans le Moyen-Orient et y garder la région calme puisqu’il faut rappeler que nous sommes alors en pleine guerre froide. Les accords entre les deux États eurent des bienfaits pour chacun d’entre eux du moins entre le Shah et les Américains. Les hauts dirigeants américains assuraient, en effet, la continuité et la prospérité de la dynastie Pahlavi en soutenant militairement la milice du roi — à l’aide de la CIA, Reza Shah y eut déjà recours lors de l’Opération Ajax qui avait de but de destituer Mossadegh qui réussit provisoirement de prendre la tête du pays — en retour le pétrole et le gaz étaient exploités à profusion. Cette situation n’aura donc été tolérée que jusqu’à janvier 78. Poursuivons notre rappel : voilà une année que la SAVAK (police politique) tente de rétablir la situation mais les mutineries occasionnées par la garde militaire créeront donc un énorme déséquilibre. La famille royale n’étant désormais plus soutenue par le gouvernement de Carter et devenue haï de tous fut prié de quitter le sol iranien par Carter et Brzezinski avouant ne plus pouvoir faire grand-chose pour lui vu l’ampleur des émeutes ; débutera alors pour elle une vie d’exil ; Reza Shah aura, par ailleurs, nommé avant son départ Bakhtiar premier ministre croyant que cela y changera quelque chose. Pendant ce temps, la gauche devient de plus en plus proche du pouvoir ce qui inquiéte les gouvernants du bloc de l’Ouest. L’Iran avait en effet une position militairement stratégique puisqu’elle était aux portes de l’Europe à l’ouest, de l’Asie à l’est, et au nord de l’URSS. Un sommet fut organisé d’urgence pour décider du sort de cet État réunissant Carter, Callaghan, Schmidt et Giscard D’Estaing du 5 au 7 janvier 1979. En plus de la destitution définitive du Shah, y sera décidé de créer une République non laïque pour l’écarter définitivement des soviétiques qui risquaient alors à tout moment d’avoir la main mise sur l’Iran. C’est ainsi qu’ils choisiront Khomeiny pour diriger à présent l’État. Qu’avaient-ils idée de faire de ce vieillard inculte n’ayant eu comme instruction que Le Coran ? Un autre pantin ? Quoi qu’ils aient essayé de faire, ils auront échoué en beauté. Khomeiny est issu d’une famille très pieuse ; son grand-père, son père et son frère aîné possédaient le titre d’ayatollah. Il sera par ailleurs professeur de théologie à Qom et devint par la suite lui aussi ayatollah. Il s’engagera plus ou moins dans la politique en s’opposant fermement contre la politique de rénovation et d’occidentalisation du pays planifiée par Mohammad Reza Shah que celui-ci appelait « révolution blanche ». Ses discours haineux feront écho jusqu’aux oreilles du dynaste qui ordonnera dans un premier temps son exécution. Il préconisera par la suite de le condamner à un exil définitif. A-t-il agi ainsi pour ne pas faire de lui un martyr ou tout simplement parce que le souverain était un homme de cœur n’aimant pas faire couler le sang d’un de ses « enfants » et encore moins celui d’un homme de Dieu ? La question reste et restera très certainement sans réponse ; tout ce que l’on sait, c’est que cette erreur d’appréciation emprisonnera indirectement quinze années plus tard une trentaine de millions d’individus. Khomeiny s’exilera en Turquie puis en Irak où ses idées se durciront et il y radicalisera ses convictions. Suite à son absence son nom finira par disparaître totalement. Son profil intéressa beaucoup les chefs d’État d’Occident, puisqu’il pourrait par le biais de la ferveur religieuse en Iran empêcher la création d’une nation communiste annexée par les soviétiques. Accueillie par Valéry Giscard D’Estaing à Neauple-le-Château dans les Yvelines, Khomeiny, aidé par les grandes puissances et leurs dirigeants sera du jour au lendemain connu. Il sera dépeint comme un homme à poigne, un libérateur, un homme qui souhaite rendre le pouvoir à son peuple […] par les mass média. Depuis la France, il tiendra un discours ferme contre le gouvernement provisoire de Bakhtiar et ses prédécesseurs, de même qu’il soutiendra tous les manifestants qui découvriront en même temps ce personnage faisant pour l’instant bonne impression, qui pouvait enfin faire cesser l’autocratie à long terme. Une partie de la population — comprenant des personnalités de gauche, des étudiants et les intellectuels iraniens — resta réticente face à cet homme venu de nulle part. Il n’était également pas concevable pour eux que l’on mêle religion et politique. Par contre, la grande majorité de la population issue de classes ouvrières et moyennes était favorable à son arrivée. « Après tout, pourquoi pas un représentant de Dieu à la tête de l’État ?… Quoi qu’il en soit, il sera meilleur que le Shah !… » : devaient-ils se dire. Ils seront indéniablement dupés. Dès lors, les plus conscients de la situation fuiront l’Iran : on parle alors d’une fuite de cerveaux, les étudiants s’exileront par milliers. À bord d’un avion Air France, Khomeiny rentrera sur sa terre natale triomphalement le 1er Février. Ses discours se succéderont et se ressembleront ; il clamera haut et fort un avenir radieux pour chacun de ses compatriotes ; il justifiera sa haine contre les USA et celui qui sera le dernier dynaste. Il promettra du pétrole et du gaz gratuit et à profusion pour tous… Une trentaine de millions de personnes le soutiendront et le suivront tête baissée. Le 11 février l’armée décide de se retirer du conflit qui l’oppose avec la population, et le soir même, Khomeiny prend le pouvoir et nomme Bazargan premier ministre : architecte de la Révolution iranienne et grand activiste pour l’instauration de la démocratie en Iran. Shapour Bakhtiar sera lui aussi contraint à fuir ce qui jusqu’à cette date était l’Empire d’Iran. Les forces révolutionnaires prendront alors le contrôle total du territoire. Cela dit, deux camps se distingueront plus tard et seront en total désaccord : entre les révolutionnaires, les laïques et les religieux. L’ayatollah presse alors son gouvernement provisoire de rédiger une Constitution. Il proposera au peuple de s’exprimer par referendum pour dire s’il souhaite l’instauration d’une République islamique. La réponse fut sans appel : 98% des suffrage ont été en sa faveur ; souvenons-nous bien qu’à ce temps jamais l’Islam ne fût instrumentalisé ; ainsi, le dénouement du vote n’est pas si choquant mais juste révélateur de l’attachement à la religion. La République islamique sera proclamée le 1er avril. La rédaction de cette Constitution aura un contenu ne différant que de peu avec celui de 1906 : ainsi que le Clergé n’occupait pas une part importante, ce qui apparemment n’était pas au goût de certains. Une assemblée d’ »experts » sera chargée — très certainement par Khomeiny en personne — de la réviser ; cette assemblée sera cette fois-ci composée de religieux. Cette constitution instaura le velayat-e faqih : ce qui signifie qu’un personnage du clergé chiite serait désormais à la tête de la communauté, en l’occurrence un guide suprême qui serait désignée par l’assemblée des experts composée bien entendu de religieux ; de même la Constitution serait essentiellement fondée sur l’Islam. La Constitution « réadaptée », Khomeiny décida à nouveau de la soumettre aux suffrages de la population, qui, une fois de plus, les yeux fermés, suivit son « guide spirituel » et fut favorable à sa promulgation. Il faut ajouter que le contenu de cette Constitution était méconnu de tous les citoyens, tout comme la réelle signification et le sens du velayat-e faqih. Chacun se contentait de faire ce que lui disait celui qui se disait être habité par le Tout-Puissant… Nous sommes alors au mois de décembre. Les premiers politiciens ayant rédigé la constitution n’avaient pas l’air de se douter de quelque chose ; du moins avaient-ils suivi le guide de la révolution sans chercher à savoir ce que cachait celui-ci et toutes les factions religieuses le soutenant. C’est ce qu’on peut d’ailleurs leur reprocher : ces hommes se disant activistes pour la démocratie sont restés passifs face à ce début de création de régime autocratique. En Janvier 1980, les premières élections présidentielles de la République islamique se dérouleront. Abolhassan Banisadr sera élu à une écrasante majorité ; il a été grand défenseur des droits de l’homme en Iran et participa activement à la Révolution. Il battit très largement Jalal od Din Farsi, membre du Parti Républicain Islamique et l’Amiral Ahmad Madani. Khomeiny portait beaucoup d’intérêt à cet homme et il considéra Banisadr comme étant son fils spirituel ; était-ce sincère et réciproque ? Bien sûr que non, politiquement parlant. Les factions religieuses ayant la main mise sur toutes les Institutions et ayant comme guide suprême un ayatollah désormais chef de l’armée, du système judiciaire, du conseil constitutionnel, qui possèdait tous les droits sur le Président, toutes leurs propositions de lois que nous connaissons encore aujourd’hui, encore valables et durcies, furent adoptées. Peu à peu s’installera l’autocratie, avec la disparition du pluralisme politique ; outre l’obligation du port du voile, la femme verra ses droits juridiques restreints… Une situation que personne ne s’apprêtait à vivre. Peu avant la guerre, Banisadr sera destitué par le Guide Suprême ; toute sa famille sera assassinée et il fuira le sol iranien. Les réelles ambitions de celui appelé le « Saint Homme » par Carter ou le « Gandhi iranien » par les journaux français — peu avant son retour en Iran — seront à présent révélés au grand jour. Conscient que la situation devenait chaotique en Iran au vue des mesures répressives tour à tour promulguées, Brzezinski, conseiller national à la sécurité des États-Unis et grand allier du Shah, comme s’il se sentait concerné et désolé, tentera avec l’aide de l’armée de Saddam Hussein et d’officiers loyalistes iraniens coordonnés par Bakhtiar de rééditer un coup d’État visant à destituer Khomeiny… mais l’opération échouera. Le 22 Décembre 1980, sans l’aide des officiers iraniens, il déclarera la guerre à l’Iran. Paradoxalement, ce fut une aubaine pour le régime des mollahs qui pu s’affirmer tout de suite après sa mise en place. Le contexte politique actuel dans lequel se trouvent les Iraniens n’aurait jamais été celui-ci, si, comme à leur habitude, les puissances de l’Ouest n’agissaient dans leurs intérêts, se mêlant toujours de tout, et voulant à tout prix faire régner leur suprématie. Les Iraniens ont aussi une part de responsabilité dans leur propre sort, mais il demeure que tout ne fut que manipulation. Le sommet de la Guadeloupe en est la parfaite illustration : quatre politiciens décidèrent du sort de l’Iran et pas un seul d’entre eux n’était Iranien. D’autant plus qu’ils choisirent un homme qui se fit remarquer sous le régime du Shah pour s’être publiquement prononcé contre des mesures démocratiques telle que le droit de vote des femmes en 1963. Ont-ils fait exprès de l’amener au pouvoir ou ne se sont-ils tout simplement pas assez informés sur cet homme, ce qui serait une erreur éléphantesque ? De toute façon, ils se retrouvent aujourd’hui face à leurs responsabilités et en paient le prix. On the rocks (sur le vif, nos billets d’humeur)