Bonzes de bronze Jean-Louis Cloët, 26 septembre 20079 août 2023 Depuis quatre jours qu’ils défiaient la junte militaire corrompue, soutenue par la Chine “communiste”, l’Inde capitaliste, la Russie [ex— ?] soviétique et le cynisme éprouvé de l’indifférence internationale, les héroïques moines birmans, portés par leur peuple, ont essuyé aujourd’hui le feu de l’oppression. On s’y attendait. Près de la pagode de Shwedagon à Rangoun, lieu de culte où souffle l’Esprit, un civil et trois moines ont été assassinés par les armées totalitaires du régime : un bonze et un civil sont morts abattus, deux moines sont morts battus à mort. Il y aurait des centaines de blessés. La magnifique prix Nobel Aung San Sun Kyi, assignée à résidence depuis des années et qui a pris le parti de cette rebellion populaire, a sanctionné l’événement, avant d’être transférée dans une prison d’État, en parlant de « faute irréparable ». La junte vient en effet de créer des martyrs qu’elle n’est pas prête de faire oublier et qui seront plus grands, plus grands encore, morts que vivants. Dans notre Occident exsangue où depuis longtemps le seul Dieu est le Dieu Dollar, où la seule spiritualité admise est celle de l’enrichissement personnel sans limite ou de l’histrionisme médiatique, La Birmanie, plus que jamais, fait figure de très grand pays. Un pays sous la dictature, qui meurt de faim, qui honore ses moines qui se lèvent contre l’oppression et vient les soutenir dans la rue, en leur donnant eau et nourriture, bénédictions et prières, est sans conteste un grand pays, qui mériterait notre attention, toute notre admiration, tout notre respect. C’est un pays sur lequel nous ferions bien — nous, obscènes privilégiés des sociétés de consommation, périssant par où nous avons cru vivre — de prendre exemple, pour retrouver une légitimité aux yeux de l’Histoire de l’humanité, aux yeux des siècles. La junte a beau avoir décrété le couvre-feu par tout le pays, craignant qu’à Mandalay le mouvement ne reprenne, elle a eu beau emprisonner Zaganar et Win Naing, opposants au régime fort populaires ainsi que Aung San Sun Kyi, ces quatre corps qui viennent de tomber, ainsi que les bonzes de bronze, viennent de sonner la fin de la dictature, qui, tôt ou tard, à présent, ne pourra plus que tomber, d’une dictature déjà vaincue par un peuple, qui, pour la deuxième fois, a osé se dresser devant l’infamie de l’arbitraire, devant l’injustice. Des bonzes désarmés viennent de désarmer dans l’avenir la tyrannie et écrire une des plus belles pages de leur pays, une des plus belles pages de ce qui peut encore constituer l’honneur de l’humanité, un honneur qui nous justifie, qui devrait tous nous rendre solidaires parce qu’il nous fait vivre. J.L.C On the rocks (sur le vif, nos billets d’humeur)