Le Sexe de mon amie Jean-Louis Cloët, 4 septembre 20088 août 2023 Le Sexe de mon Amie.(Extraits.) à L’Ange… (Vous étiez au haut des secondes comme déesse descendue du ciel en robe blanche, dans la transparence du Vent descendant l’escalier, révélant toute la hauteur de vos jambes nues dont l’intersection devinée faisait un sexe au ciel, aux Anges… — Jeu ? — Je buvais le ciel à la source et j’entrouvrais le paradis d’un silence cependant dépourvu de vous…) Préface : « Un haut mur blanc » : Faire un livre comme un reflet de soleil, nimbant, ondoyé, tâche un mur. Céder à la fascination du pire (du pire et du meilleur) à l’indistinct de l’« autre », dans ce flou de silence obscur, or amer, où toute lumière — passée ou future — peut enfin se réaccorder au monde, en un présent. Chercher ce qui subsiste [là] encore de l’« autre » avant même qu’il soit, après qu’il fut ; pour ce faire choisir les mots dans leur ombre seule et sans âge…— Ai-je eu d’autre ambition que ce léger babillage d’aube un peu blanche — cet ondoiement — sur cette pâleur essentielle d’une matière, où, toujours, je me réaccorde pour pouvoir encore et en corps croire à la vie, croire à l’amour ? — Oh ! mon Amie*, « c’est si peu dire que je t’aime », quand je te confronte au silence de la page qui est ce mur, où se mesure toute hauteur, et, ta présence. (1 juillet 1997.) [* ma Sophie] (Extrait n°I : ) « Le Sexe de mon Amie » : I Fragile, dans l’effrangement vénérable d’un demi-jour admirable et pourtant non choisi, forclos […], la jeune fille — hypostase grevée, furtive — déshéritée de tout fuseau, penche la tête, s’apprivoise, au bout du bout du bord des mots …— En quoi peut-être responsable, en quoi […] — orpheline, à jamais croit-elle, craint-elle (Oh ! cependant, en corps à peine !…) —, en quoi peut-être responsable en l’effrangement vénérable d’un demi jour trop admirable, or, privé de l’autre moitié de ce jour interdit, forclos, une jeune fille, un petit oiseau, de ne pas savoir chanter — à demi, qu’à demi plutôt — de ne pas savoir son morceau au bout du bout du bord des mots, de ne savoir chanter — si tôt ! — rien qu’un morceau de son morceau, s’imaginant qu’il est bien tard, — « Oh ! oui ! bien tard ! », — peut-être trop ? À peine un grain de muscat, l’autre, le corps de l’autre, gorgé de soleil et de suc, dans la touffeur — contrariée d’un vent frais — de l’air ; à peine cet hémisphère sombre, où s’approfondit un sang sombre, un sang de sucre ; un monde où pourtant se résume, contenue mais profuse, claire et diffuse enfin, toute la saveur de ce monde. […]Comme un fruit mûr craquant prêt de craquer, comme la terre, hier oiseau […], mon Amie, ce n’est pas d’un sexe dont elle se fend, mais d’une faille, et, plus encore, involontaire, qui, pour qui la connaît, permettra de l’atteindre (alors même, de l’émouvoir) toujours plus au cœur, où — c’est selon — la féconder.Ni plus ni moins que cela : ce frisson, ce frisson étroit, pas plus large que le chas étroit d’une aiguille, où l’on découvre cependant — immense — un isthme, juste au-delà.(Le sexe de mon Amie — Préambule ?)— Non, le monde ne passe pas par le sexe de mon Amie.— Oui, le monde passe par le sexe de mon Amie, si je la crée, dès lors qu’il me crée aussi.Car ce n’est pas le sexe qui fait la faille mais la faille qui fait le sexe, et, par sa faille seule, femme parce qu’aussi homme, homme parce qu’aussi femme, né de la femme et de l’homme, l’être humain peut être engendré. […]C’est ainsi que s’ouvre à ses noces — là — le sexe de mon Amie. C’est ainsi toujours qu’il se nomme et qu’il nomme ce monde et le parle en clair. Ainsi. De vraies noces, oui. Pour le meilleur et pour le pire : pour et par. Noces dans le dehors, le dedans, et, par le dedans, le dehors. Noces de soi à soi dans l’autre, et pour l’autre étendu au monde ; puisque tout ce qui est hors, ici — tout ! — demeure au dedans cependant. […]A peine ai-je (aurai-je) senti ce qui bouge dedans, et, ma peine .J’ai peine à croire que ce fut, mais, c’est ainsi.Comme si elle seule était là qui demeure, elle. Seule. Et moi. Et ce monde, là. Tout cela bien réel en somme, quoique incrédule. Voilà. Tout ceci bien réel, il semble . — Au dedans […] ? dehors […] ?Hors, dehors ou déjà, voici : le monde encore, et sa fenêtre.Le ciel. La ville. Des passants […]. II — Aujourd’hui (c’était « aujourd’hui »).Le ciel pend sa lessive bleue dans le Ponant écarlate ; il y a des tâches de sang. Le Jour a donc bien couché tout le jour avec la Nuit, sans qu’on s’en aperçoive […]. Et pourtant, nul passant sur les places ne semble revenir d’une noce. Et la ville même, comme une petite nonne accroupie, semble plutôt dormir que prier […]. — Seuls les enfants croisés, solitaires, muets, qui vous regardent passer, ont gardé quelque chose de L’Ange.Dehors donc (dehors donc déjà !) la ville entière ramassée, elle qui semble regarder notre lit comme la mer sa houle […] — là ! — comme pour voir ce qu’il en naît. (Du sexe de mon Amie, un peu de sang clair a coulé, vivant, comme retourné à l’absence.) — « Qui ai-je entrevu, dis ? Qui ? Quoi ou qu’est-ce ? »Elle ne répond pas,se tait.(La femme est un désir d’attente qui cherche à se communiquer.)— « L’as-tu vu, dis ? dis-je, qu’était-ce ? »Elle ne dit encore mot, que ce silence, et son sourire. Puis,— « Je t’aime […] » dit-elle encore.— « Je t’aime. » Est-ce moi qui répond ? Est-ce elle ?— Qui répond, et, à qui ? Serait-ce … ? Et— « là …, là, où est-ce, dis … ? Étrangeté, mais de l’étrangeté non de L’Ange qui s’assied là sans façon aucune : comme on pose un chapeau de paille tressée ceint d’un ruban couleur de paille, au bord du lit. Et qu’il est vain de vouloir approcher de la main l’absence d’ombre que fait soudain la présence inconnue de nous, de tous, pourtant devinée par certains, de L’Ange (incognito ), pour la rendre palpable.— Il rit.Bien sûr, Il sourit (comme à Reims). Plutôt, faisant sa figure de tympan-très-gothique et très gentiment ironique, Il fait le sourd à ce désir que nous avons de dire, parfois, « l’Invisible », de montrer « l’Indicible » ; et Il attend. — Que nous retrouvions notre calme ? Notre calme : notre sérénité d’enfant émerveillé, oui ! (Pour causer, sans doute…).— « L’as-tu vu ? Dis [dis-je] ? L’as-tu vu, toi aussi ? »— Elle se tait. (L’Ange, toujours entr’aperçu, sitôt perdu pour elle et moi, pour tous, chaque fois — là, par elle encore —, L’Ange, sans sexe, lui ! — Pourquoi disparaît-il ? ) — « Oh ! Mon amour […] ! » Obstinément tendue, l’attente, vers le « Rien » entrevu, qui apparut comme l’unique rémission au manque. Obstinément voulue, l’attente, comme la suave oblation rafraîchissant la souillure, l’évacuant comme un dû d’hygiène à la vigilance. Obstinément perçue, perdue, l’attente, et, cependant, bien possédée, puisque ressentie comme un double reconnaissant, quoiqu’évadé, à l’instant même, où, enfin, il se dit notre « Autre » latent.— N’y a-t-il rien dans ce dépassement qui fut autre qu’un reniement, que ce reniement très obscur qui laisse comme au bord d’un gouffre, toute distance mise, là, entre l’en-soi et le présent ?— Est-il encore un temps qui compte […] ?— Est-il encore au temps ce nombre innombrable du moi nié, du moi présent dans le défaut de son passé comme caché ?— En quel âge le retrouver et pour quelle existence alors ?Alors, « Je » rouvre la fenêtre […] : « Nous » peut être… — Alors nous rouvrons la fenêtre, comme pour se resituer au cœur au moins de quelque chose qui ne fut plus tout à fait « Autre », plus à portée d’illusion. — Entre le « Tout » d’un monde ; et ce « Moi » qu’on avait laissé à la porte (qui frappait à coups étouffés) entre à son tour… […]. Mon Amour, ma mie, toi, ce tout, ce « Toi » et mon Ange :— toi, fruit, terre et monde, mon Amie, dis encore, là :— Que restera-t-il, fors le vide comblé d’un manque, et, l’entêtante obstination de ce qui fut parole ? Cela, le direz-vous ? Vous, mon attente :— Si ne reste que le parfum, cette confidence comme de tout près faite d’un peu loin […] ?Car voici que le silence même, présent mais distendu descend, là, et encore plus bas dans le mutisme, qu’il devient dans la chair de la bouche fermée comme pierre, de pierre alors, alors même, qu’en dessous de la pierre, comme un petit caillou sous une dalle, sous le tombeau du jour naissant, un esprit-chat et facétieux roule, dans un effréné jeu de balle, imperceptible […], mon cœur :— Cœur […], caillou […], ou grain de muscat. (1996.) (Extrait n° II : )« Ce Corps » : [Sans que tu le voies, sans que tu t’en doutes, je mesurerai ta lèvre par la coupe et la distance mise à son détour.] I Bien sûr, j’ai attendu ce corps, ce corps recomposé de gestes rêvés, entr’aperçus sur d’autres corps, ce corps rêvé […] ; je l’ai senti recomposé ainsi, se donnant comme la récompense d’un rêve de tous les gestes donnés — voués tout entiers à lui — qui l’avaient inventé : déjà, debout, dans l’ineffable, puis ineffablement couché dans l’adorable proximité d’une bouche humide, offerte amoureusement qui expire, respire toute accordée, qui accorde le secret de sa langue au mitant mat, chaud et odorant, de la nuit, comme celui d’un autre sexe, dénoué, lui aussi […]. Bien sûr […], et, c’est au moins si sûr : cela — plus encore ! — que c’est un rêve […]. — Post-coïtum, centaure : lâcher la bride du sommeil pour qu’il galope vers le jour comme un cavalier argonaute, hanté par quelque toison d’or, solaire ! Tout sommeil rêve dans l’argile ; surtout sommeil d’amour. Innombrables métamorphoses qu’il nous faut traverser, d’amour, avant d’atteindre l’autre [… ! ] en étant sa propre monture — Vixit ! —, son propre cavalier, monture et cavalier, à se sculpter l’un, l’autre […] (l’un et l’autre, comme écorchés).Post-coïtum, centaure, et […], voyage […], au-delà […]. Au-delà, toujours. Car l’autre n’est jamais achevé de fait, quoique sans cesse modelé, refait. Quoiqu’on fasse jamais l’autre est toujours d’argile : à façonner, à sculpter délicatement d’une main forte, sûre, et, si maladroite, à gâcher.Quel étrange pouvoir — et bien de démiurge ! — que celui-là qui nous échoit, que nous soyons ou non déjà déchus, sachant que ce geste inouï qui nous est donné de pouvoir porter parfois la main sur autrui (un autre que soi), s’il le façonne, le fait ou le défait, nous défait ou nous fait et nous façonne aussi. Post-coïtum, centaure :Univers fabuleux. Mythes vécus, perdus et retrouvés, lors, sans cesse incarnés, d’un rêve qui n’est que sa réalité.Post-coïtum, centaure, et, voyage, au-delà […] ! Au-delà, toujours.— Ni plus ni moins que cela : ce frisson, ce frisson étroit où l’on découvre cependant — mieux — un isthme, juste au-delà.— Passage des « petites-morts ». Jamais des morts petites.Passage. Passage de l’octroi.— Mais que paiera, et qui paiera, oui, que paiera l’obscur passage du détroit par-delà l’argile ?— Sera-ce la Mélancolie sidérée par la renaissance possible d’un anéantissement ?— C’est possible. Amie, Caron d’amour, « fais ce que dois », centaure ; ton sommeil rêve ton argile, car tu me rêves bien aussi de tes mains (si bien ! que j’y rêve, quand j’en rêve encore ; et, lâchant la bride sur toi, vois ! j’en rêve : j’y suis encore […])— Suis-je l’homme ? Es-tu le cheval, Amazone ? Et, comment sculpter un galop, ô sculpteuse !, ô lutteuse […] ! toi, mon plus intime amalgame, or, au plus intime de toi, moi, ta matière […].— Notre Grand-Œuvre, l’autre ! Là, cette terre à fatiguer — à fatiguer, à parcourir —. Lourde, pourtant si légère ! Las ! Hélas ! Toujours là […] : Centaure. Et, par-delà […], par-delà toujours mais comme déjà au-delà : ce sexe, cette mort petite, à fendre, à redessiner. Oui, toujours au cœur de l’argile, comme pourtant ailleurs, cette petite mort à rendre à ce qui nous rend forme en elle […] : elle reste notre projet. (L’argile et sa palinodie dans la palinodie du geste […] ) Elle reste notre projet. (L’argile et sa palinodie.) — Post-coïtum, centaure ?Comment se le représenter ? Cet élan commun, cet élan commun, comment, comment lui donner forme ?— Comment sculpter un galop ?— « Projet […] » ?— Un autre mot conviendrait mieux sans doute … : « Voyage » ?— « Projet » […] ?— Non, plutôt « jet de soi vers la profondeur », comme un « pur désir de l’oubli », cet abandon du don vécu enfin comme pulsion.— Nos Faims d’Espace. […]. Épiphanie des faims vécue comme une grâce mais au cœur du renoncement pour espace, espace enfin gagné (enfin sauvé !) Car ce qu’on sculpte, bien plus que ce qui est sculpté, et resculpté, c’est toujours l’air, qui bouge, autour […] : le monde, autour, à fatiguer. (Nos sexes, nos sexes sont nos ateliers. Ce qui passe par le sexe de mon Amie, ce sont ses métamorphoses, métaphores anamorphiques, métaphores métamorphoses d’avides élans suppliciellement célestiels : la forme de nos songes, toujours inassouvis.) — Non. Le monde ne passe pas par le sexe de mon Amie.— Oui. Le monde passe par le sexe de mon Ami : ce monde, anamorphose de notre ombre subrepticement anomale, qu’une question mit en reflet. Question : — Qui donc est « l’autre » ? Qui, enfin ? Qu’est donc l’autre en cet « ici-bas » ?— Un corps soudain absout par sa présence même, étonné d’être, et, là. Comme un mouvement immobile appuyé contre le Ciel et le Temps. Un temps et un ciel auxquels on peut croire par lui (et, peut-être, et, surtout ainsi, pour lui aussi).Car ce qu’on sculpte, bien plus que ce qui est sculpté, et resculpté, c’est toujours l’air, qui bouge, autour […] : le monde, autour, à fatiguer. Bref, on ne sculpte l’air, tout l’air autour, que quand l’autre nous paraît une éternité accessible, à portée. Alors, oui, on sculpte pour les faire à l’autre, et l’air, et le temps. — On en rêve au moins. (Lui, il fait de même : il nous aime !) Post-coïtum, centaure.Le rêve d’une toison d’or, disais-je, une terre encore, un pays, un pays et ce qu’il y court. Mais, comment […] ?— L’autre, accessible […] ? Mais comment […] ?— Ne faut et ne suffit que trouver son trésor dans ce surgissement de la masse indécise qui dort pour l’éveiller peut-être encore à quelque autre vie sans qu’on sache s’il faut y croire, de fait, s’il faut y croire encore.[…] Et, cette indécision promulguée d’avance comme un désordre supposé n’être pas vain.— Qu’en faire […] ? II J’ai couché tout l’air dans le lit.J’ai posé le Temps sur la table et je les ai pétris ensemble, pour sculpter tout ce vide autour, d’elle.— Quel voyage ! Tout entier vécu par les mains. Quel espace ! Des mains-mêmes, quelle mémoire ! Lors même qu’il suffit qu’elle revive au moindre geste, invisible, pourtant si vive, présence encore de tous corps passés, et, à loger encore.— Oh ! mon Amie […] ! Amour, que ce corps à pétrir ! (Anamnèse éblouie de ton sexe ouvert, refermé). Oui, le monde passe par le sexe de mon amie. — Non, le monde ne passe pas par le sexe de mon amie, car il y rêve encore […] !J’ai tout pesé en toi. De toute cette vie engrangée, rangée, pesée, comptée, thésaurisée, comme si nous errions dans le labyrinthe évanoui de quelque écho enseveli sous notre propre cendre […], j’aurai pesé la moindre trace […].De même que nous n’habitons que des lieux mentaux, de même ne visitons-nous sans doute que des corps rêvés. Et, pourtant, je nous veux sensibles à la jubilante raison de ne plus croire qu’à nous seuls dans l’indigence toujours plus féconde et sensible de notre désarroi, puisque tout est voué au déchirement, à l’éraflure, à la fêlure, à l’éclat et au coup, comme acte de naissance seconde, plus réelle celle-là que la première vouée toujours — il semble — à se dissiper comme un charme, presque frivole à y songer et à quoi on ne songe plus mais qui ne cesse cependant de nous penser : torture. III Post-coïtum, centaure.Toute mythologie, cependant, est régie par L’Ange.(— Mon Amie ! )Dans l’angle du désir, posté, lové toujours, je mesurerai ta lèvre — tes lèvres — par la coupe et la distance mise à son […] — Non ! : à leur détour .Alors, alors seule, la Rédemption, rêvée peut-être, et, cependant — cette Rédemption, toujours imprévue ! — Car la Rédemption nous guettait, cette Rédemption qui nous sauve […] : l’autre, debout, nous laissant croire, nous laissant croire au temps que l’Œuvre est fait, nous le laissant croire un temps juste, avant de remettre nos mains sur lui pour tout reprendre à neuf encore, au corps à cœur, recommencer.Terre qui invite à la fatiguer : l’autre, notre Grand-Œuvre, oui. Là, cette terre à fatiguer…— N’ai-je connu que son […] que ton argile, cependant ?(Au-delà d’un sexe, tu sais […], ce qu’on modèle, c’est toujours L’Ange, le modèle, ou, mieux ! son modèle : L’Archange ).L’autre se sculpte à corps perdu, fantôme. — Fantôme, […] soit ! Je l’accepte et je m’y soumets.(Quoiqu’il en soit, qu’il en soit fait selon ta volonté, selon ta volonté non la mienne (ni la sienne même, Toi, L’Ange ) dans ce crucifiement du lit, du lit et de la table, et de la table, et de la vie : notre atelier. Quoiqu’il advienne, qu’il en soit fait selon ta volonté, non la mienne, ni la sienne même. J’y consens. Je l’accepte et je m’y soumets. Et, je le fait pour elle. Car je le fais pour elle encore, pour elle, par-delà l’ombre de ce corps, de nos corps, de notre Œuvre commune et toujours en chantier, à venir, en devenir. Vois, oui, vois, vois : je m’y soumets. Mais Toi, notre « Bon Ange » [Toi], Toi, prends pitié de ces corps et de cette argile). — Entre l’ombre et le fantôme, passe, repasse dans l’ici-bas, L’Archange et son possible au possible insolvable. Mais, là-haut, la dette, le manque, s’avérera pour le ciel aussi contraignant qu’un dû : il consommera la faillite non du « Monde » mais du « Néant » ; car, là-même où « Tout » se perd, tout s’ouvre imperturbablement dans l’imperceptible absolu qui monte pourtant, à voix, à vie, à vide ouvert […], comme un écho : l’instable déclarant forfait même, au sein de la précarité. L’Autre, Le « Grand Autre » toujours cherché du bout des doigts, du bout des lèvres, n’est rien d’autre que Poésie. La Poésie, c’est le corps perdu sans mise au tombeau et jailli, debout, comme résurgent, venu à nouveau, mais, nouveau, revenant de source.La Poésie, c’est le corps perdu sans mise au tombeau et jailli debout, revenant, résurgent, de source. — C’est pourquoi l’autre surgit d’abord debout, au bord des mots. — Mon Amie, je l’ai mise nue.Non. Mon Amie, s’est mise nue.Elle est toute nue, dans ma voix.Elle est toute nue, dans sa voix, avec moi. Ses mots… Toujours comme une ombre portée : le mot prévu, criblé au van du Doute, et, l’horizon nu d’un brouillard ensemencé par le hasard, qui semble alors le contredire — mais qu’importe […] !C’est effectivement difficile de théoriser « l’Indicible » ou « l’Innommable » ; seule la Religion s’y risque, et l’Amour encore. Il demeure, qu’on ne peut prendre voix sans prendre corps, si cependant, prendre corps n’est pas toujours prendre voix. Dire, redire, pour que ce qui est enfin soit. Dire la vérité de l’être ou laisser la vérité de l’être se dire. — L’indicible permettrait-il l’intervention, ou la Grâce demande-t-elle incessamment l’effacement, l’Immanquable ?…— Au-delà, toujours au-delà, si seule […] Là…— Mais où ?— Pourtant là. Seule la voix est identitaire, et, elle requiert le non-moi. L’écriture est le fil de la Parque tranchant le fil du temps de celui qui écrit, par un suspens, tandis que l’instant se découd pour livrer son mort.— C’est là l’argile, plus que les corps […].— Et toujours, l’achèvement dans l’inachèvement. Toujours : linceul futur du vivant, la fiction est la robe qui seule peut amener la nudité comme révélation. (La vie vit par-delà le Mort.)— L’amour comme une fiction nécessaire ? Un point médian pour tout nommer, faire naître ?…— Qui ? Oui, qui ? Oh ! Qui le saura […] ?Écrire, dire : joindre les pôles dans l’orbe de l’Ouroboros qui montre le rien en son cœur, et, comme un œil ouvert, enfin ouvert, le contient. Évoquer-révoquer, dans le mot, dans l’argile.— Ce qui devient s’achève en ce qui naît : c’est « Toi » […]. (1996-1997.) Voix (poèmes)