Trois poèmes de rupture & de l’abandon Jean-Louis Cloët, 20 janvier 20101 août 2023 Efface les arbres, les oiseaux…Assèche les sources, les cours d’eau…Rends les animaux à la glaisedont ils furent tirés et pétris,redonne-les à la poussière… Retire l’horizon ;ferme-le comme un éventail :ramène-le à un point uniquede lumière, et éteins-le. Démonte la mer,les vagueset l’horloge du temps ;range les secondes :je n’en ai plus besoinpuisque tu ne m’aimes plus,puisque tu ne m’aimes pas,ô mon Cœur,ma Petite Étoile ! Retire l’air— à quoi sert-il ? —Retire le vent, la fraîcheur,et le soleil et la chaleur. Puisque tu n’y es plus,puisque je n’y suis plus pour toi,retire le monde,emporte-le,remporte-le avec toi,et laisse-moi. Laisse-moi. Laisse-moi seulavec ce qui reste. * Éteins mes yeuxqui ne te verront plusvivante et debout près de moicomme une tour agilepartant à l’assaut du ciel vide. Ferme mes paupières en partant. Ferme ma bouchequi ne pourra plus rien :ni te dire, ni t’embrasser.Efface ma bouche d’un revers… Retire mes mains de tes hanches,jette-les au loin,laisse-les aller en partancepuisqu’elles n’ont plus riendésormais pour s’attacher,pour s’arrimer à la terre ;laisse-les dériver avec le restevers la mer, le grand large,pour qu’elles n’y soient plus qu’un pointqui disparaît,qui s’efface… Jette tout : la tête et la lyre,puisque ma tête chante encore… Je n’ai plus besoin de corps.Je n’ai plus ni corps ni sexepuisque tu ne m’aimes plus,que je ne m’inscris plusdans l’espace pour toi,quand tu me croises,quand je suis en ta présence. De ce corps, je n’ai plus besoinpuisqu’il ne t’est plus rien,qu’il n’est plus pour toiqu’un fantômeque tu traverses sans le voiren passant d’une pièce à l’autre. Libère-moi.Libère-m’en. Il me pèse tant ! Il me pèse tant… Laisse-moi dans ce corridor glacé du Tempsqu’est l’absencepour au moins y rêverparfois que je dors,que je dors encoreavec toi,pour que je croie que le silence,ce silence,c’est encore toi. * Retire-moima raison d’être.Le bonheur, reprends-le.Ôte-moi ma confianceen moi,ma fierté d’être aiméet rayonnant parmi les hommes.Reprends la bonté que me donnait ton amour,cette bonté qui se donnaitau premier venu qui passait. Reprends ma force.Reprends l’avenir,les lendemains qui font chanter,ces nuits où l’on regarde l’autre rêverpuis s’éveiller au bord de l’aube,où je te regardais rêver,somnambule au bord de toi. Je tombe. Je tombe. Le sol, le monde se dérobe sous moipuisque tu te dérobes à moi. Reprends tout.Reprends tout. Reprends-toi. Va-t’en. Laisse-moi seulementle courage et la foid’y croire,encore… Voix (poèmes)