Être une jeune chanteuse lyrique, aujourd’hui Jean-Louis Cloët, 24 mai 20089 août 2023 Pour briser notre silence de deuil après les deux désastres successifs qui ont frappé nos Amis birmans et chinois, quoi de mieux que de laisser la parole à une jeune artiste lyrique, au moment même où se déroule le prestigieux Concours Reine Élisabeth chez nos Amis belges ?…« Qui chante son mal l’enchante !… » Que notre jeune chanteuse soit remerciée pour son bel enthousiasme : il est un besoin du temps ! Réenchanter ce monde en deuil : tel est l’objet… RETOUR SUR UN MYTHE :HOMMAGE À LUCIANO PAVAROTTILuciano Pavarotti est mort le 6 septembre 2007 à Modène en Italie, ville qui l’avait vu naître près de soixante-douze ans plus tôt… Le Soleil a tiré sa révérence, mais ne s’est pas éteint. Repéré dans les années 1960, il est devenu un personnage clé de l’Histoire de l’Opéra, en dépassant ses confrères et en étant très vite désigné comme « il maestro », le maître, un modèle pour tous, tant sa voix était particulière et pure. Il connut une popularité que seul Caruso, dans les années 1920, avait connue avant lui, s’imposant naturellement sur scène, charmant chaque auditeur par sa voix et par sa prestance. Dans toute sa carrière, il vendit plus de cinquante millions de disques : une véritable star de la scène de l’opéra, une inoubliable superstar. Le « ténorissimo » chanta des airs qu’il teinta de romance et de mélancolie, chacun rayonnant magiquement grâce à un timbre unique, reconnaissable entre mille…Difficile d’entendre un autre ténor chanter ces airs : « Una furtiva lagrima », « Nessun dorma », « La donna è mobile », « Che gelida manina », ou encore « Celeste Aïda », qui appartiennent désormais à « l’imaginaire pavarottien ». Luciano Pavarotti, dès son plus jeune âge, est attiré par la musique et ce, grâce à son père, Fernando, qui fait résonner sa jolie voix de ténor dans toute leur maison. Après avoir obtenu son diplôme d’instituteur, en 1954, Pavarotti annonce à sa famille sa volonté d’apprendre le chant. Le soir, après ses cours, il va donc travailler sa voix avec Arrigo Pola, à Modène. Il forge sa musculature de chanteur et apprend la technique respiratoire – une technique « pure, spontanée, naturelle, automatique », dira-t-il lui-même. Luciano Pavarotti chantera son premier opéra à vingt cina ans, dans la ville de Regia nell’Emilia, le 29 avril 1961. Il interprète alors le rôle de Rodolfo dans La Bohème de Puccini, rôle qui le suivra toute sa carrière et qu’il ne cessera de réinventer. À partir de là, tout s’enchaîna très vite. Il fait ses débuts en Amérique en février 1965 avec le Great Miami Opera aux côtés de Joan Sutherland. Le 20 novembre 1969, il triomphe dans I Lombardi à Rome : c’est aussi son premier opéra enregistré et mis en vente par la suite ; il comprend aussi des airs de Donizetti et Verdi. Sa notoriété éclate aux États-Unis le 17 février 1972, avec La Fille du régiment, au Metropolitan Opera de New York. Le maestro parvient à enchaîner avec une facilité déconcertante les neuf contre-uts de l’air « Ah ! mes amis, quel jour de fête ! ». Cette interprétation lui valut dix-sept rappels, ce qui est exceptionnel dans le monde lyrique. Dès lors, ce succès au Metropolitan Opera est une référence dans la carrière de Luciano Pavarotti, et l’opéra est de nombreuses fois retransmis par la télévision. Ainsi, sa diffusion en mars 1977 dans « Live from the Met telecat » crée la plus grosse audience jamais obtenue pour un opéra télévisé. Pavarotti gagne, parallèlement à ce succès, de nombreux Grammy Awards et disques d’or. Après des représentations à Rotterdam, Vienne, Zürich, le grand soir arrive enfin en 1963 au Covent Garden de Londres. S’en suivent alors des tournées dans le monde entier qui le mèneront jusqu’aux plus grandes salles du monde : le Metropolitan Opera de New York, l’Opéra de Sydney, en passant par l’Opéra de Paris et la Scala de Milan…Et toujours en étonnant et ravissant davantage le public de sa voix exceptionnelle et qu’il prête à ces personnages devenus cultes depuis lors : Nemorino, dans L’Elisir d’amore de Puccini, le duc de Mantoue, dans Rigoletto de Verdi ou encore Edgardo dans Lucia di Lammermoor de Donizetti…Et le triomphe est irrésistible lorsqu’en 1990 il chante pour la première fois avec Placido Domingo et José Carreras à Rome : l’ensemble des Trois Ténors est né. Il recevra aussi le Kennedy Center Honors en 2001 et détient actuellement deux records Guinness : un pour avoir reçu le plus de rappels — cent soixante cinq au total — et le deuxième, pour les meilleures ventes mondiales d’album classique : concert des trois ténors, partagé avec Placido Domingo et José Carreras. Mais si Luciano Pavarotti triomphait sur toutes les scènes, il ne faut surtout pas oublier qu’au début des années 80, il crée « The Pavarotti International Voice Competition » pour les jeunes chanteurs, et, à l’issue de chaque concours, un récital où il chante avec les gagnants, ainsi a-t-il lui-même travaillé à aider à préparer et découvrir de nouvelles générations de chanteurs. Souvenons-nous aussi que Pavarotti a chanté avec les plus grands chanteurs de ce monde autant dans le lyrique que dans la variété, voire même jusqu’au rap, faisant découvrir sa voix au monde entier, mais, surtout, sortant l’opéra de son autarcie, qui en faisait une discipline impopulaire. Pavarotti a redonné ses lettres de noblesse à l’opéra, qui devient connu et surtout apprécié dans son originalité — des couplages osés avec des chanteurs de rap, par exemple — mais aussi dans son authenticité. Remarquons aussi que les enregistrements audio et vidéos de ces concerts ont été vendus en nombre largement supérieur à ceux des Rolling Stones ou d’Elvis Presley ; de plus, Luciano Pavarotti vouait une grande partie de son temps aux concerts de charité et aux actions humanitaires. Ainsi, de 1992 à 2002, on peut compter jusqu’à sept concerts à portée humanitaire appelés « Pavarotti and Friends ». Tous ces concerts ont lieu en direct de la Piazza Grande à Modène. Le 13 mars 2004, c’est au Metropolitan Opera de New York (au fameux « Met ») que Luciano Pavarotti fait ses adieux à la scène d’opéra, à l’âge de soixante-neuf ans. Il chantera aussi un ultime et émouvant « Nessun dorma » à l’ouverture des Jeux Olympiques, le 10 février 2006, à Turin. Cette interprétation de « Nessun dorma » — que tout un chacun a entendu au moins une fois — fut très émouvante. Il restera toujours cette image d’un homme aux cheveux de jais, son habit blanc et noir avec une cape noire arborant les cinq cercles entrelacés, symbole des Jeux Olympiques, chantant un air victorieux, l’air de l’amoureux se voyant déjà conquérant dans les bras de sa belle, l’amoureux fou et vaillant, le jeune passionné piaffant d’impatience de prouver son amour à la princesse Turandot, personnage éponyme de l’opéra duquel est tiré cet air. Le contraste est tout d’abord saisissant entre le vieil homme et la jeunesse du personnage qu’il interprète, et de Pavarotti, soudain se dégage ce besoin de chanter, ce désir de chanter l’amour, car enfin sa première passion, c’est bien son public, qui tout au long de sa carrière et même après son décès va toujours croissant, croît toujours. En juillet 2006, il est opéré du cancer du pancréas, et était depuis ce temps, affaibli. Néanmoins, l’amour que lui avait toujours témoigné son public ne s’était pas éteint et l’on s’accorde sur l’idée que sa disparition laissera un vide qu’il sera bien difficile de combler… Mais, laissons tout de même nos autres nouveaux ténors faire perdurer le souvenir d’une résonance inouïe, d’un phrasé d’une extraordinaire élégance et justesse, le souvenir d’un artiste immortel… Les mots, pour moi, n’ont jamais été si beaux que dans la bouche des chanteurs d’opéra. Qu’ils soient en italien, en allemand, en français, ou même traduits en arabe, nul besoin de connaître la musique, ni d’être un fin linguiste : il s’impose et se donne à nous, spectateur ou chanteur, de se laisser transporter et ballotter de note en note, d’émotion en émotion. Ne pas chercher à théoriser la musique, la rencontrer d’abord. À la Saint Charlemagne (nos coups de cœur)