Une page de Regain de Jean Giono : La Première Fois Jean-Louis Cloët, 2 mars 20248 juillet 2024 GIONO / L.L N° 4/ LA PREMIÈRE FOIS Idée séduisante de départ : Il y a une très belle formule dans La Bible : quand un homme et une femme se connaissent au sens le plus charnel, on dit qu’ils se « rencontrent ». Il est évident que pour rendre compte de cette « rencontre », que ce soit en poésie, en littérature, ou au cinéma, il faut un indiscutable génie, sinon la scène devient aussitôt insupportable, et l’on sombre alors dans ce qu’on appelle : « la pornographie ». Jean Giono, comme on l’a dit, entend pulvériser des siècles de moralité bourgeoise et de culpabilité moralisante catholicarde. Il entend faire de ses paysans, de ses deux héros, frustes et incultes — mais seulement au sens bourgeois du terme, puisqu’ils possèdent l’un comme l’autre le sens inné de ce qu’est la Nature et de sa sagesse naturelle — le premier homme et la première femme : Adam et Ève en somme. Lui qui ne croit pas en Dieu, mais qui croit en la Nature païenne, comme un Grec du VIIe siècle avant Jésus Christ, comme un contemporain d’Homère, croit en ce fait que quand l’homme et que la femme se « rencontrent », la première fois, ils sont toujours : la première femme et le premier homme ; et, si l’amour les lie vraiment, ils seront toujours cette première femme et ce premier homme : chaque fois sera la première fois, jusqu’à ce que d’autres après eux — leurs enfants, peut-être — recommencent ce début du monde, qui, chaque fois que l’amour est présent, recommence, et, ce, jusqu’à la fin des temps. Jean Giono sait — comme Musset, qui était pourtant un débauché, ce que Jean Giono n’est pas et n’a jamais été — qu’il n’y a rien de plus grand en ce monde que la « rencontre » de l’homme et de la femme, de la femme et de l’homme. Il sait que c’est une chose « sainte » — s’il vous plait d’user de ce vocable et de ce champ lexical chrétien — ; nos sœurs et nos frères juifs savent également qu’il y a une eucharistie, le mystère eucharistique le plus profond, quand l’amour est présent, qui sauve l’homme et la femme de leur animalité, la rend angélique. Il s’agit toujours en somme d’assumer sa condition, de respecter les lois éternelles de la Nature Mère, de s’y conformer, mais, comme des bêtes angéliques, en somme. En nous décrivant la « rencontre » entre Arsule et Panturle, Giono sait qu’il écrit là une des pages les plus essentielles de son livre. Il y a eu, depuis le début du livre toute une gradation croissante pour nous mener à ce point culminant-là. Et, il ne faut pas attendre que Giono en fasse quelque chose de spectaculaire et d’exceptionnel : non, l’exceptionnel se trouve dans la simplicité, l’économie la plus extrême, comme une robe de Chanel, en somme. « La simplicité est le signe même de la plus parfaite élégance » disait Coco Chanel. Ces deux paysans, frustes, incultes au sens bourgeois du terme, qui ne savent ni lire, ni écrire, mais qui savent lire et écrire tout ce qui exprime et constitue la Nature et leur nature, vont nous en donner la preuve la plus magistrale et la plus éclatante. —————————————————————————— Elle s’approche un peu de l’homme. Elle s’approche sans faire semblant, en se penchant parce qu’elle n’ose pas encore s’approcher bien carrément. Les grands initiés de la Grèce antique savaient, de par leurs mystères d’Éleusis, qui se traduisaient par des célébrations secrètes, que c’est la femme qui possède en elle tous les secrets de la Nature, qui, seule, peut les communiquer, en Déesse Mère qu’elle est, comme Gaïa, La Nature, la Déesse-Mère, à l’origine de tous les dieux. Socrate n’a rien dit d’autre en inventant son personnage de Diotime, Diotima : il est le premier à avoir formulé la chose hors du strict domaine de la mythologie, ce que nous rappelle son disciple Platon dans son œuvre majeure : Le Banquet (Ve s. avant J.C.). Qu’on ne s’étonne donc pas que ce soit Arsule qui prenne l’initiative de l’initiation dont va bénéficier cet homme, plutôt cet être, qu’elle va humaniser. Elle va faire de l’écorcheur sagouin de renard un être humain ; elle va le ramener à la civilisation : il va, grâce à elle, devenir bientôt, non plus un chasseur-cueilleur, mais un vrai paysan qui cultive son champ, et qui peut offrir à sa femme, mettre sur la table de sa femme, du pain, non plus seulement de la bête morte et des fruits sauvages grapillés au hasard, à la sauvette. Pour souligner la simplicité biblique d’Arsule, Giono se plait à utiliser le registre familier voire argotique : après s’être penchée — ce qui montre bien symboliquement qu’elle domine la situation — elle va s’approcher « bien carrément ». Ce sont peut-être des gens incultes, frustes, mais le choix de la répétition du verbe « approcher » montre bien qu’ils ont la distinction suprême pour un être humain : le sens du respect, du respect de l’autre et de soi. On appréciera la mise en abyme clairement suggérée. C’est de la solide chair souple et chaude, et dure à la fois, ce qu’elle tient à pleines mains, ce poignet d’homme qui l’attache à l’homme, ce poignet qui est un pont par lequel le charroi du désir de l’homme passe dans elle. Remercier ! … Remercier… que ce soit « Dieu » ou « La Nature », peu importe comment vous choisirez de l’appeler : c’est tout Un ! La Nature ne s’est pas moquée d’elle : « c’est de la solide chair souple et chaude, et dure à la fois » ; on appréciera le rythme ternaire de la surenchère des adjectifs en gradation croissante ; on appréciera le paradoxe également : « souple » et « dure à la fois » : les choses n’existent-elles pas toujours que par contraste, n’est-ce pas ? Et, c’est « solide », cette « chair », comme du roc : on peut bâtir son église « pour les siècles des siècles » dessus. Ce n’est pas encore un corps d’homme qu’elle tient « à pleine mains », mais un « poignet d’homme », dont elle va bientôt avoir la main ; d’habitude, c’est la femme qui « donne sa main », là, c’est l’homme ; car, ce qu’elle veut, elle, la pauvresse qui s’est faite violer par une bande de salauds qui l’ont abandonnée ensuite comme un déchet, c’est avoir un homme qui lui donne la main, qui tienne la sienne enfin, et qui la tienne bien… qui ne la lâche pas, jamais ; jamais plus. C’est ça qu’elle veut Arsule, avant le reste… ce reste qui viendra en sus et qui lui fera plaisir à lui, qui lui prouvera qu’elle s’engage, elle aussi : que c’est “pour de vrai“ cette fois : pour toujours… pour la vie. Désormais, il y aura lui, et nul autre ; désormais pour lui, il y aura elle, et nulle autre. C’est sacré ce qui se passe là. Avec ce poignet qui a cette main au bout, elle s’attache ; elle s’attache enfin ! « Ce poignet […] est un pont par lequel le charroi du désir de l’homme passe dans elle » ; un pont entre deux rives, pour l’un comme pour l’autre, qui va leur permettre de passer l’un comme l’autre sur l’autre rive : elle, de sa condition de prostituée à celle de femme mariée, de future mère ; lui, de sa condition de bête sauvage à celle d’être humain, de père à venir, qui, avec elle, grâce à elle, va fonder un foyer, et permettre de tout faire repartir de la vie à Aubignane. Et ce « désir » de l’homme, c’est comme un « charroi », c’est comme une charrette qui vient apporter ses richesses, pour rendre tous « les biens de ce monde » à nouveau accessibles et partageables. Et si le poignet qu’elle tient, la main au bout qui va bientôt s’unir à la sienne pour jamais est un « pont »… elle, est la terre, le chemin, que va labourer le lourd « charroi » du désir de l’homme pour la féconder. « Germinal » dirait Zola ! Il a senti qu’elle s’approchait ; le nœud de ses mains se serre, la grosse corde du poignet vibre et il la tire vers lui. Elle glisse dans l’herbe et la voilà. Comme deux instruments soudain accordés l’un à l’autre, l’un avec l’autre, Panturle vibre à l’unisson avec elle. Elle est l’archet qui s’approche, lui la corde, le coffre, la caisse de résonnance. L’homme-arbre qui nous avait été décrit au début du livre devient un instrument subtil qui entre en résonnance. Le choix du terme « nœud » indique bien qu’il s’engage, qu’il est désormais uni à elle comme le violoncelle à l’archet. Un autre écrivain sans imagination aurait pu choisir de nous décrire « ça » dans une église, lors d’un office de mariage ; ici, l’office se fait sans prêtre, dans le temple de la Nature ; la scène n’en est pas moins sacrée. Adam tire à lui Ève, et « elle glisse dans l’herbe » dans le berceau de la Nature, « et la voilà ». Et, il n’y a rien à dire de plus. Voici désigne une réalité ouverte qui peut encore être discutée. Voilà désigne une réalité fermée : il n’y a plus rien à ajouter ; « la messe est dite », comme on dit. Tous les réseaux de son sang se sont mis à chanter comme la résille des ruisseaux et des rivières de la terre. Elle pose sa tête sur les poils de la poitrine. Elle entend le cœur et le craquement sourd de ce panier de côtes qui porte le cœur comme un beau fruit sur des feuillages. J’ai parlé de cette circularité des règnes que met en place Giono dans ses romans, comme René Guy Cadou dans sa poésie, et dans ce recueil où il chante son amour pour son épouse : Hélène ou le règne végétal (1950). Par le miracle de l’amour, Hélène devient la Nature tout entière, et la Nature tout entière, Hélène. Il en est de même ici : « les réseaux de son sang » deviennent les « ruisseaux et [les] rivières de la terre ». L’amour le met plus que jamais en harmonie avec le monde : se donnant à lui, elle lui donne le monde aussi : toute la terre, le monde entier. Désormais, si elle venait à se reprendre, le monde n’existerait plus pour lui. La mise en abyme est saisissante. Comment mieux parler de l’amour, de son poids et de son prix ? Et, tout cela, bien sûr ! chante et exulte : c’est « Le Cantique des cantiques » ; l’amour, c’est toujours « Le Cantique des cantiques » : « le Chant du monde » dirait Giono… à l’état pur ! Elle a beau poser, Arsule, « sa tête sur les poils » … comme dans le conte de Madame Leprince de Beaumont (1711-1776), « La Belle et la bête », la bête se transforme en prince : ce n’est plus la chair qui compte, mais ce qu’elle contient : le cœur qui s’offre comme un fruit : « elle entend le cœur et le craquement sourd de ce panier de côte qui porte le cœur comme un beau fruit sur des feuillages » ; au-delà de la métaphore filée, on entend bien l’allusion symbolique au paradis terrestre, à l’Éden soudain retrouvé, où le péché n’existe pas, seul l’amour. Alors, ce poids d’eau qu’elle a sur les épaules et qui est le bras de l’homme se fait lourd. Elle se renverse dans ce bras comme une gerbe de foin et elle se couche dans l’herbe. Et voilà que l’homme devient rivière, fleuve, et l’emporte : « ce poids d’eau qu’elle a sur les épaules et qui est le bras de l’homme se fait lourd ». Elle s’abandonne. Elle s’abandonne au cours du fleuve : cet instant contient déjà, mis en abyme, tout leur futur, tout leur destin ; dans cet instant se trouve déjà toute leur éternité : ce « ça » indicible qui demeurera en ce monde, impalpable, mais pourtant présent, réel, éternel, alors même qu’ils ne seront plus. On avait la métaphore du liquide, on passe à la métaphore du foin, de la « gerbe de foin », qui peut évoquer de manière sauvage la gerbe de blé, donc la symbolique du pain sur laquelle se clôturera le roman. Giono se fait eucharistique pour parler d’amour ; c’est bien le moins… « et [tout naturellement] elle se couche dans l’herbe », dans la main de Mère Nature, comme dans la main de Dieu, dirait un chrétien : elle se confie. C’est, d’abord, un coup de vent aigu et un pleur de ce vent au fond du bois ; le gémissement du ciel, puis une chouette qui s’abat en criant dans l’herbe. Une tourterelle sauvage commence à chanter. On se souvient de l’épisode du « vent d’amour », comme je l’ai appelé, lequel a préludé à tout ce qui se passe ici. C’est le souffle de la Nature qui passe pour bénir ce qui se passe et sur lequel Giono se taira, détournant notre regard et le sien. C’est le souffle divin qui chante ! … … En art, plus on se tait, plus on dit ; moins on montre, plus c’est suggestif. Le grand cinéaste Alfred Hitchcok a parfaitement compris cela, l’a mis en pratique dans ses meilleurs films. Avant lui, pour Giono, il y eut sans doute la lecture de Guy de Maupassant, celui d’« Une partie de campagne » (1881), où Maupassant a l’idée géniale de focaliser sa lectrice, son lecteur, sur le chant d’un rossignol pour leur évoquer ce qui se passe entre le héros et l’héroïne, qui sont en dessous de l’oiseau, lui sur sa branche, eux couchés dans l’herbe ; Giono a repris cette idée ; « le coup de vent aigu », le « pleur » du vent, « le gémissement du ciel », le cri de la chouette qui s’abat, la tourterelle qui « commence à chanter » : on a compris que c’est là, en gradation croissante, le chant d’amour de nos deux héros qui soudain se confondent à la Nature environnante, en parfaite harmonie, en parfait écho avec elle. Et, là où Giono est génial, et où il retrouve une fois encore la psychanalyse, c’est qu’il remarque que ce chant d’amour « est naturellement triste » — pour paraphraser François René de Chateaubriand —, comme porteur d’une désillusion liée à la condition charnelle animale, et qui pourrait s’exprimer ainsi, en paraphrasant toujours le Chateaubriand de René (1802) : « Notre [corps — Chateaubriand lui écrit : notre cœur —] est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où nous sommes forcés de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux soupirs. » L’inventeur de la psychanalyse, Sigmund Freud évoque la chose plus sobrement : « Post-coïtum, animal triste » [Après l’acte, l’être humain est comme un animal triste]. On ne pourra donc dire, en aucune façon, qu’il y a la moindre complaisance trouble et suspecte de la part de Giono à évoquer ces réalités physiques, auquel l’homme et la femme se voient contraints, programmés ; mais il n’y a pas non plus de la part de Giono un déni ou un dénigrement de ces réalités : il nous les présente comme les chrétiens présentent le mystère de la crèche de Bethléem : dans cette pauvreté extrême, simplement animale, se trouve la plus grande richesse et la plus grande humanité en ce monde, ce qu’il y a de plus sacré. On notera, au passage, la présence combinée et comme mise en abyme de deux oiseaux symboliques se complétant l’un, l’autre : la « chouette », qui, depuis la plus haute antiquité grecque, est associée à Athéna, déesse de la Sagesse, et la tourterelle, associée dans les cultures populaires et savantes de plusieurs civilisations à l’amour et à la pureté ; et, bien sûr, ce n’est pas un hasard, si, de manière antithétique et symbolique encore : une « crie », et l’autre « chante ». Rien n’existe que par contraste, on le sait ; et, comme le disait Héraclite d’Éphèse : « La vérité ne peut exister sans contenir la force qui la nie. » Toute pensée, toute réalité en ce monde, est tension de deux forces antagonistes qui se contredisent mais, en même temps, se renforcent l’une l’autre, comme pour se prouver. — Voilà l’aube. Ils disent ça l’un après l’autre sans se regarder : ils ont maintenant de grands corps calmes, des cœurs simples comme des coquelicots. Après la nuit de la chair, « Voilà l’aube » : l’aube conquise, conquise enfin, et comme une évidence. L’homme n’est pas fait pour vivre seul, la femme non plus ; et, ces deux-là se sont trouvés, qui le savent ; désormais, ils ne se quitteront plus. D’un seul accord, sans y penser, ces deux êtres frustes qui ne savent pas mettre des mots sur les choses, disent d’un même accord : « Voilà l’aube ». Le plus grand poète n’aurait pas fait mieux. Ils sont un seul cœur en deux corps. Ils savent désormais nommer ce qui leur appartient, comme Adam qui nomme chaque chose de ce monde que Dieu fait défiler devant lui, quand il les lui donne : « Les Biens de ce monde ». Et ils n’éprouvent pas le besoin de se regarder : « ils disent ça l’un après l’autre sans se regarder », parce qu’ils nomment le monde, ce monde qui désormais leur appartient, dans lequel ils peuvent enfin vraiment se projeter pour ne faire qu’un avec lui. « Aimer ce n’est pas se regarder l’un l’autre, mais c’est regarder ensemble dans une même direction » commenterait ici Antoine de Saint Exupéry, le très croyant, le très mystique. « Ils ont maintenant de grands corps calmes » : désir apaisé, jamais assouvi ; c’est cela l’amour. Et ce n’est plus leur corps qui vibre là, dans l’air, mais ce “corps glorieux“ de leur couple dont ils accouchent ; ce corps qui leur survivra : un corps comme un cœur « simple comme [un] coquelicot » : éphémère par excellence ! … mais éternel, par excellence, puisque posséder l’instant, c’est posséder l’éternité un instant, et qu’ils ont bâti cet instant, ensemble. C’est une des plus belles scènes d’amour de toute l’Histoire de la Littérature, Mesdames et Messieurs, j’espère vous en avoir convaincus : tout n’y est que pudeur, suggestions, délicatesse, retenue … et tout cela dans un grand élan lyrique paradoxal, puisque sans retenue. « Il faut être absolument lyrique » disait Baudelaire. Ce qui s’exprime ici, c’est ce que les Espagnols appellent le « Canto Jondo », le chant profond de l’humanité pluri millénaire, le « Chant Profond » de l’amour. Là-bas, sous les peupliers, la machine à aiguiser est à l’ancre dans un pré d’herbe tranquille. La pauvresse, la violée, celle qui était obligée pour vivre de se prostituer au rémouleur Gédémus, a, d’un coup, et dans cet instant, totalement oublié, dans son éclair, toute la vie de misère et d’humiliation, précédemment vécue, et, dont elle ne souffrait pas d’ailleurs, ayant un cœur trop simple pour être coupable, pour être consciente. Le malheur est là, comme la machine à aiguiser, passé, comme un objet inutile dans ce « pré d’herbe tranquille » comme eux désormais — on appréciera l’hypallage —, où ils se sont aimés. Il ramasse ses braies ; le velours est encore gonflé d’eau. Il tord sa chemise, puis il se la noue sur le ventre, puis il met ses souliers. Elle le regarde faire. Elle sait ce qui va arriver : c’est tout simple. — Viens, dit Panturle, on va à la maison. Et elle a marché derrière lui dans le sentier. Panturle alors se lève, ramasse son pantalon, sa chemise, met ses souliers, tord ses vêtements humides encore de ce baptême qui aurait pu aussi bien être sa noyade. « Elle le regarde faire. Elle sait ce qui va arriver : c’est tout simple. » Il s’est uni à elle ; ils sont désormais unis comme les doigts d’une même main ; il sont engagés. Il l’emmène vers leur maison, là où tout commence pour eux ; là où Aubignane, selon les vœux de la Mamèche qui s’est sacrifiée pour eux, va pouvoir recommencer. « — Viens, dit Panturle, on va à la maison. » Et, c’est, déjà, comme s’ils se connaissaient tous les deux de toute éternité, puisqu’ils sont liés pour l’éternité à présent. Et la femme suit son époux. Ils sont mariés désormais. « Et elle a marché derrière lui dans le sentier. » Jean-Louis Cloët, ce 31 mars 2020 À la Saint Charlemagne (nos coups de cœur)